Dans la foulée de ce billet où j’étais à la recherche de bons blogueurs parmi les journalistes et de cette réflexion sur le «journalisme citoyen», voici le texte intégral d’un article publié dans l’édition de décembre 2007-janvier 2008 (p. 28) du Magazine Le Trente de la Fédération professionnelle des journalistes du Québec. J’ai aussi évoqué cet article lors de mon passage au FM 93 (à l’émission Gilles Parent – Le Retour). Voici ce que la rédaction m’avait demandé:
«Plus de 110 blogues sont tenus par des journalistes au Québec. Le Trente a demandé à un blogueur professionnel de commenter ce qu’il avait vu, pour le meilleur et pour le pire…»
Voici le texte…
Blogues à part
J’ai de mauvaises nouvelles pour vous… il n’y a que deux vrais blogueurs parmi les journalistes. Bien sûr, il s’en trouve quelques autres qui pourraient bien joindre le groupe, mais la vaste majorité de ce que l’on croise sur le web est plutôt, disons, ordinaire, du point de vue d’un blogueur.
Le blogue cet inconnu
Le blogue est un outil de conversation, pas seulement une présence Internet. C’est une communauté que l’on tisse, un réseau avec lequel on accepte d’interagir. C’est l’échange avec les lecteurs, le référencement à ce qui se dit ou se fait ailleurs sur le web, et la participation à d’autres blogues qui distingue le blogueur et sa blogosphère des simples pages personnelles. Le carnetier offre un point de départ pour la réflexion à ses lecteurs et un réseau qui leur permettra d’enrichir cette réflexion, à laquelle il participe dans les commentaires. Toujours, on a conscience de la présence des autres, que l’on guidera vers d’autres choses tout en les invitant à enrichir notre propre expérience virtuelle. Le blogueur se créé ainsi une blogosphère, et c’est ce que nous commentons.
Les fleurs
Seuls Dominic Arpin sur Canoë et Nicolas Langelier, journaliste indépendant, laissent régulièrement une trace ailleurs que sur leur blogue. Par défaut, ils représentent l’élite des journalistes qui bloguent. «DOA», le blogue d’Arpin, traite des médias en général, et de la télévision, d’Internet et de la techno, en particulier. Une importante communauté enrichit l’espace et la conversation y est active et constante. Sauf qu’il a mis fin à son aventure le 26 octobre dernier. Sur NicolasLangelier.com, c’est la culture en général qui prime. La musique, le point de vue et les tendances font jaser en moins grand nombre que chez DOA, mais le ton du blogue sert bien les internautes en quête d’humeur et d’états d’âme. Quelques autres sites méritent une mention si l’on ne tient pas compte du critère de la présence sur d’autres blogues. Richard Hétu, sur Cyberpresse et Steve Proulx, à Voir, notamment. La recrue Michel Hébert, de MédiaMatinQuébec se mérite des éloges pour le ton «très blogue» et personnel qu’il a rapidement apprivoisé. S’il n’avait pas cessé de bloguer, en juin dernier, Jean-Pierre Cloutier, des défuntes chroniques de Cybérie, aurait lui aussi pu se hisser parmi les meilleurs. Notons enfin François Gagnon, de Cyberpresse, qui tient un blogue digne de ce nom.
Le pot
Stéphane Bureau est un journaliste que j’adore et que j’admire, mais qui devrait néanmoins cesser de tenir pignon sur Web. En plus de poster de façon très irrégulière, le «Blogue de Contact» sert de faire-valoir à une émission de télévision, ce qui est plutôt inacceptable pour un blogue, qui doit exister par et pour lui-même. Parmi les autres journalistes, j’aurais aimé en trouver qui s’engagent dans la conversation. Ou qui nous renvoient à d’autres blogueurs, et non pas seulement à leurs collègues du même média. J’aimerais un journaliste qui ne se contente pas de reproduire le contenu déjà publié, qui entretienne la conversation et qui gère efficacement les commentaires. Malheureusement, c’est une denrée rare, même si certains ont de bonnes performance selon l’un ou l’autre de ces critères. C’est pourquoi ma liste est courte. Je ne suis pas journaliste et je n’ai aucune leçon à donner. Mais si je l’étais, je profiterais du blogue pour faire ce que je ne peux pas faire dans mon média. Je penserais moins aux lecteurs et j’écrirais pour moi. Je me promènerais sur la Toile, je poserais des questions, je tenterais des réponses. J’explorerais des sujets hors de ma «zone de confort», je m’exercerais à d’autres styles ou je couvrirais d’autres secteurs.
Mais surtout, je bloguerais.
Note aux lecteurs: N’ont pas été considérés pour cette analyse:
–Michel Dumais, parce que c’est un ami;
–Tristan Péloquin, parce que nous sommes coauteurs d’un livre;
–Claudine Potvin, parce que tout comme moi, elle blogue sur l’éducation.
Mise à jour de 21h, vendredi soir: Je savais qu’un fois mon article publié, j’étais pour réaliser qu’il y avait davantage que cent-dix-quelques blogues de journalistes au Québec. Suites aux courriels reçus et aux trois premiers commentaires postés sur ce billet, je dois ajouter un nom à ma courte liste de «vrais blogueurs» parmi les journalistes: Raymond Viger du Magazine Reflet de Société. Pour ce qui est des journalistes anglophones du Québec qui seraient de bons blogueurs, je dois avouer que mes [trop] brèves recherches ne m’en ont point fait découvrir. Mais Steve Faguy semble en être un, en effet. «On that post», il y a un bon suivi qu’il faut lire sur ce sujet…
Mise à jour de 15 h 30, dimanche P.M.: Il semble que «mes deux vrais blogueurs» soient aussi parmi les plus influents. Je constate en lisant ce billet et en regardant cette liste issue des tags Wikio pour le terme «blogueurs» dans «blogosphère» que seuls Dominic Arpin et Nicolas Langelier parmi les journalistes du Québec y figurent… Drôle de «hasard»!?!
Mise à jour du 31 juillet 2008: Ce billet à propos de la gestion des commentaires sur les blogues en général et sur ceux des journalistes en particulier pourrait constituer une sorte de suite à celui-ci.
Bonjour,
Je passe souvent par ici, même si je ne laisse pas souvent des commentaires.
Aujourd’hui votre billet m’interpelle puisque c’est un peu grâce aux blogues des journalistes sur Cyberpresse que j’ai décidé de créer mon propre blogue.
Je suis en période d’apprentissage et je découvre que mon blog se rapproche plus de la page personnelle que du blog selon la définition que vous en donnez.
Le référencement à ce qui se passe ailleurs sur le net manque cruellement à mon blog alors je me permets d’extraire une partie de votre billet et de référer ceux qui me visitent à venir complèter leur réflexion sur le sujet ici.
Pas mal d’accord avec ce texte, sauf pour ce qui est de François Gagnon : « blogue digne de ce nom »… ouf, non.
La plupart du temps, ce dernier reprend tels quels ses textes publiés dans la Presse. Parfois, il commente les matchs en direct, mais ce n’est résolument pas sur un ton qui s’apparente à celui du blogue.
Mais bon, ce n’est pas très grave…
Pas mal d’accord avec toi Mario. J’avais d’ailleurs hâte que tu fasses apparaître ce billet dont tu m’avais déjà parlé. À ta liste de « bons » blogueurs journalistes, j’ajouterais Steve Faguy du blogue http://blog.fagstein.com/
Bon avec des fleurs comme ça, je vais définitivement devoir recommencer à bloguer. D’ailleurs, ça s’en vient… parce que là je me sens comme un junkie en manque!!!
Très contente que tu places des mots sur ce que je ne pouvais décrire. Je ne comprenais pas toujours pourquoi certaines personnes me laissaient indifférente alors que lire ailleurs était quelque chose d’extrêmement enrichissant. Avoir aussi eu la chance d’en parler avec toi cette semaine a éclairci encore plus ce que tu écris. J’allais régulièrement lire sur le blog de Dominic et comme journaliste, c’était celui qui répondait le plus à mes préférences sans savoir pourquoi. Très contente de savoir qu’il prévoit revenir à son rôle de blogueur. Merci de nous informer pour que l’on devienne de meilleur blogueur.
Merci d’avoir mentionné mon blogue. Soit dit en passant, c’est la première fois que je laisse un commentaire sur un autre blogue que le mien. Avoir su qu’il fallait faire ça pour être considéré comme un vrai blogueur…
Tout de même, il me semble qu’il aurait fallu donner un peu plus de chances aux journalistes pigistes. Sur vos 6 meilleurs journalistes-blogueurs, 4 sont des salariés (ou des gens à statut spécial plus près du salarié que du pigiste), et ça, ça leur donne un avantage considérable: une bonne partie de leurs recherches sont déjà faites lorsqu’ils se branchent sur leur blogue. Le billet peut être un complément de leur article du jour, ou du lendemain.
Mieux encore, ils peuvent avoir consacré une partie de leur journée à faire une recherche pour un article que, finalement, ils n’écriront pas (ce n’était pas la grosse nouvelle qu’on espérait), mais s’en servir pour le blogue… Or, eux, leur journée de travail leur sera évidemment payée. Alors que le pigiste qui a fait une recherche pour un article qui n’aboutit pas, il n’est pas payé. Par ailleurs, il est rare qu’un pigiste puisse écrire un billet sur son « article du jour », puisqu’un pigiste travaille rarement pour l’actualité au quotidien. Conséquence, l’effort des pigistes qui réussissent à sortir du matériel original, et ce de manière 100% bénévole, aurait dû leur mériter quelques « points bonus ».
«… et ça, ça leur donne un avantage considérable».
Un avantage de journaliste, Pascal. Je rappelle que je ne juge pas le travail du journaliste. Je n’ai que très peu de compétences pour ce faire… en tout cas, celles de l’observateur moyen. Aurai-je dû/pu chercher du côté de certains bons blogueurs qui donnent parfois dans le journalisme? Peut-être.
J’ai procédé à l’inverse. J’ai regardé du côté des «journalistes reconnus», j’ai trouvé plus de 110 blogueurs et j’en ai cherché des vraiment bons. Je me disais que ce billet m’aiderait à en débusquer certains que je ne connaîtrais pas et que ma définition de ce qu’est un bon blogueur pourrait gagner à se confronter à celle de d’autres blogueurs. Ça n’enlève rien aux journalistes pigistes qui ont certainement beaucoup de mérite… je ne nie pas cela.
M. Arpin, nous avons tous hâte à votre retour.
M. Hétu, de mon point de vue, il y a plein de belles découvertes à faire pour un journaliste à vraiment entrer en conversation avec les gens par l’entremise des blogues. Vous êtes l’un des rares déjà à bien le faire sur votre blogue en ne laissant pas les gens jaser entre eux seulement puisque vous vous impliquez dans la conversation. C’est déjà un gros pas de fait… Merci de votre réaction et tenez-nous au courant de vos découvertes en «bloguant ailleurs», si cela vous dit quelque chose… Personne n’a dit qu’il fallait que les bons journalistes deviennent obligatoirement de bons blogueurs aussi 😉
Merci pour votre généreuse appréciation. Ayant fait sans coaching aucun mes premiers pas dans la bloguospère, me retrouver ainsi parmi les grands me ravit sincèrement… Lolll.
Cet espace libre d’expression est un délice quotidien pour moi; j’ai lancé mon blogue peu après le lock-out au Journal de Québec comme si je sentais le besoin de garder une fenêtre ouverte sur le monde.
Il est maintenant aussi essentiel que mon café du matin…
mh
@Mario: Quand j’écris « un avantage considérable », je ne pense pas à un avantage de journaliste mais bel et bien à un avantage de blogueur. Je m’explique. Un journaliste qui est payé à temps plein pour faire des recherches et écrire des articles, aura bien plus de chances d’avoir un blogue productif qu’un journaliste pigiste pour qui chaque heure passée sur son blogue est une heure de moins consacrée à du travail payant. Je reconnais que l’exercice que vous avez fait était difficile, n’empêche qu’au final, il faut admettre que les pigistes partaient défavorisés.
Sans oublier qu’un journaliste qui suit l’actualité au quotidien a, en plus, l’avantage d’écrire pour son travail tous les jours, ce qui lui fournit encore plus de matière « gratuite » pour son blogue, alors que les journalistes pigistes, au Québec, suivent rarement l’actualité au quotidien: ils travaillent pour des magazines, à la recherche télé, etc.
En ce qui concerne Wikio, d’une part il faut inscrire notre blogue pour qu’il puisse nous référencer et « analyser » notre influence.
D’autre part, après que l’inscription est faite, nous sommes mis sur une liste d’attente pour la vérification d’usage des administrateurs.
Il y a tellement d’endroit ou il faudrait s’inscrire. Pas facile de connaître ceux qui en valent la peine.
Pour ma part, je n’ai entendu parler de Wikio que le mois dernier. Je suis sur la liste d’attente.
À titre de journaliste-pigiste-blogueuse, je ne peux m’empêcher de remarquer l’absence de femmes. Il me semble que Josée Blanchette et Sophie Durocher sont des journalistes blogueuses ? Marie-Claude Lortie ? Sophie Cousineau. Mais il est vrai qu’elles ne bloguent pas en ce moment à cause des négos.
Merci de me (nous, dans le cas de ceux qui comme moi, ne vous connaissaient pas) signaler votre blogue que je suis allé visiter.
Mesdames Blanchette, Durocher, Lortie, etc. ont été considérées, mais font partie des journalistes qui s’en tiennent à leur blogue. Dans la définition que je me suis donnée, il faut s’engager activement dans les conversations (au moins, celles sur son propre blogue), ce qu’aucune des personnes que vous avez nommées ne fait régulièrement. Par exemple, de votre blogoliste, une journaliste qui se comporterait comme Martine Pagé ou la Banlieusarde aurait fait partie de la courte liste. J’aurais vraiment aimé pouvoir nommer une femme… Il y a de bonnes journalistes parmi les femmes et je ne doute pas du talent de blogueuse de celles que vous avez identifiées, non plus. Je voulais vraiment «pointer» ceux et celles qui ont une forte présence dans une blogosphère élargie!
En parlant de femme journaliste blogueuse, hier Christian Mistral est venu m’écrire, outré, à la suite de mon billet concernant celui-ci, que vous n’ayez pas considéré la journaliste (dont je ne suis pas certain en fait du sexe, ni du vrai nom) qui blogue sous le pseudo de LadyGuy. Vous connaissez?
Je suis allé poster ma répartie directement chez toi Renart… Merci de m’avoir prévenu. On me dit qu’elle est bien journaliste, mais qu’elle tient à son anonymat. Difficile de savoir qui est qui avec ces histoires de pseudo.
Pas problème.