Note : Ce billet a d’abord été publié au Journal de Québec et au Journal de Montréal dans la section du blogue des «spin doctors».
À l’occasion de son départ surprise du Parti québécois et de l’Assemblée nationale, Bernard Drainville a beaucoup parlé de son engagement politique «combattif, pugnace, un peu sport extrême» qui le caractérisait. Il choisissait ses combats parmi tous ceux qui s’offraient à lui, c’est le moins qu’on puisse dire.
En tant qu’observateur intéressé de la scène politique, j’avais en haute estime le député Drainville, en particulier du temps où je travaillais à l’aile parlementaire du 2e groupe d’opposition.
Déçu avec le temps par certains de ses choix de combat, je me suis souvent demandé où se situait l’intérêt du politicien par rapport au service public, justement.
En ce sens, on me permettra de revenir sur deux passages précis de sa déclaration de sortie d’hier…
«Mais il faut que je m’en aille. Il faut que je redéfinisse mon engagement dans le service public.» – Bernard Drainville
C’est la période où il était ministre responsable des Institutions démocratiques et de la Participation citoyenne (du 19 septembre 2012 au 23 avril 2014) qui m’a fait vivre le plus de ressentiment par rapport à ce surdoué du journalisme et de la politique. Mes attentes étaient probablement trop élevées et elles m’appartiennent, mais j’ai considéré pendant cette période que le ministre Drainville était le mieux placé au Québec pour initier un changement de culture au gouvernement, nous menant vers un vrai « gouvernement ouvert ».
Je savais par des copains qu’il était tenté par ce combat. Plusieurs m’ont raconté des conversations qu’ils ont eues avec lui pour le sensibiliser à l’urgence d’établir une gouvernance beaucoup plus transparente et surtout, qu’il était le ministre le mieux placé au gouvernement pour initier des changements durables et modernes en commençant par la réforme de la désuète Loi sur l’accès à l’information.
Dans la foulée du Rapport Gautrin, motivés par le fait qu’il était journaliste de profession et persuadés que sa compréhension des usages du numérique était unique au conseil des ministre, des personnes proches de moi lui ont fait parvenir des documents, des notes et des observations, pendant le printemps 2013 en particulier.
Je connais plusieurs membres de « la communauté » du numérique au Québec qui ont entretenu beaucoup d’espoir qu’il était l’homme de la situation, au bon poste, au bon moment. J’en étais assez convaincu, moi également.
Particulièrement pendant la période de la Consultation générale et auditions publiques sur le rapport « Technologies et vie privée à l’heure des choix de société ». Je me souviens comment le ministre Drainville était parvenu à établir un consensus fort des parlementaires autour de la table sur l’urgence d’agir.
Je me souviens de la conclusion de ses remarques finales…
Rita de Santis était d’accord avec le fait « qu’il reste encore beaucoup à faire pour avoir un gouvernement véritablement ouvert, véritablement transparent et où les citoyens se sentent vraiment partie prenante».
La table était mise pour qu’une réécriture de la Loi d’accès à l’information soit immédiatement initiée et que des politiques musclées soient mises de l’avant pour nous porter vers un gouvernement ouvert !
« J’ai une conception élevée du service public » – Bernard Drainville
À l’automne 2013, c’est plutôt le dossier de la charte des valeurs qui a été privilégié et on n’a plus entendu parler de la réforme de la Loi d’accès à l’information.
De novembre 2013 jusqu’au déclenchement des élections générales au printemps 2014, le combat de Bernard Drainville n’était plus celui qui l’animait auparavant.
Je comprends bien que c’était un choix de gouvernement bien davantage qu’un choix de ministre.
Je me souviens aussi que pendant cette autre période, la recherche du consensus n’était plus à l’ordre du jour. Le « Wedge politics » avait remplacé le mode « en travaillant tout le monde ensemble »…
Si le départ de Pierre Karl Péladeau « a donné un coup » à Bernard Drainville et lui « a un peu scié les jambes », le changement de cap du ministre a eu le même effet sur moi.
Le service public venait de changer de définition, drastiquement. Il avait été « redéfini » !
Je comprends facilement que la notion de « service public » est subjective.
Mais si jamais le nouvel animateur de radio du FM 93 pouvait revenir à cette période où il insistait pour travailler ensemble au passage d’une culture du « secret par défaut / ouvert par nécessité » à une autre « ouvert par défaut / secret par nécessité », nos chemins se rencontreraient de nouveau et j’en serais fort aise.
N.B. Je suis en total conflit d’intérêt étant administrateur de cet organisme, mais s’il prenait envie à l’internaute passant par ici de lire davantage sur le sujet, je recommande ce mémoire de l’Institut de gouvernance numérique présenté à la commission parlementaire dont je parlais plus haut.
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