Le ministère de l’Éducation n’apprend pas

Note : Ce billet a d’abord été publié au Journal de Québec et au Journal de Montréal dans la section blogue.

Plusieurs élèves de 4e secondaire vivent une fin d’année plutôt spéciale parce qu’une question à développement de l’examen d’histoire nationale (la seule question à développement de l’examen) a été annulée hier par le ministère de l’Éducation.

Cette question représentait 24 % de la note de l’examen comprenant 22 questions. L’examen lui-même compte pour 50% de la note finale du cours qui doit être obligatoirement réussi pour obtenir son diplôme d’études secondaires.

Bref, dans les médias sociaux depuis hier, tous les étudiants dont les résultats scolaires habituels en histoire tournent autour de 70% et moins se demandent si leur « performance » à cette question aurait pu, si elle n’avait pas été annulée, faire une différence dans la réussite du cours.

À l’inverse, le fait que ce soit seulement les réponses aux questions 1 à 21 qui « vont compter » dans le calcul du résultat risque de sauver l’année en histoire de quelques-uns.

Certaines écoles vont probablement faire deux corrections : une avec la réponse à la question #22 qui compte et l’autre sans la réponse à cette même question. Je connais assez bien les élèves et leurs parents pour savoir qu’ils vont vouloir obtenir ces deux « résultats »…

Cet examen « unique » en histoire nationale risque de faire jaser longtemps. Il représente actuellement un gâchis national !

Apprendre pour réussir un cours ou pour mieux connaître l’histoire du Québec ?
À l’ère du numérique, les pratiques en évaluation des apprentissages du ministère de l’Éducation sont complètement dépassées. J’ai écrit récemment sur le sujet de l’incurie du ministère, résigné à annuler une partie de l’épreuve ministérielle de mathématiques pour les élèves de 6e année.

« On a mis la faute sur les réseaux sociaux, cette nouvelle réalité qui exige d’adapter nos façons de faire. »

Nouvelle réalité mon oeil.

Pire encore, dans l’exemple d’hier, les médias sociaux sur lesquels on va probablement encore mettre la faute ont bien peu à voir avec la réalité des explications qu’il faudrait considérer.

Les médias sociaux amplifient la problématique du manque de rigueur en évaluation du ministère, mais le vrai problème demeure qu’on tente de mesurer les apprentissages des jeunes de la même façon qu’auparavant, alors que le programme de formation a complètement changé d’approche.

Cette nouvelle approche combinée aux impératifs de la modernité commanderait de faire davantage confiance aux enseignants pour déterminer de la réussite ou non d’un cours, mais on s’obstine à continuer de faire comme on a toujours fait, bêtement.

En continuant ainsi à centrer toute l’attention sur un examen unique en fin d’année, mal construit en plus, on passe complètement à côté de l’essentiel : les élèves du Québec apprennent-ils leur histoire nationale ?

Je ne dis pas que c’est impossible de mesurer des acquis de formation par des examens uniques. Le Programme PISA y arrive avec un certain succès.

Mais au Québec, nous sommes empêtrés dans nos contradictions…

Une élève de 4e secondaire résume assez bien la situation
Pour qui est bien branché, il a été assez facile hier soir de suivre l’évolution de la situation et le cafouillage ministériel.

Le communiqué du MEES a été émis en fin d’après-midi, mais il n’a pas été publié sur son site Internet ou par l’entremise de CNW. Il a été envoyé par courriel à certains officiers dans les commissions scolaires ou dans le réseau privé, mais il n’a que très peu circulé, avant aujourd’hui. Toutes les rumeurs courraient sans véritablement que le ministère interviennent. Il dispose de tous les outils modernes, il dispose même d’un compte Twitter qui aurait pu être très utile hier soir, mais bon… la « nouvelle réalité » n’a pas encore rejoint le ministère qui préfère croire que c’est juste utile pour semer le chaos…

Une jeune fille a publié ce matin sur son profil Facebook qu’elle croyait être à l’origine de la fuite. Elle a depuis effacé « son statut », mais elle a quand même fourni une hypothèse très valable sur comment tout cela a pu se passer.

Son enseignant en histoire (« très bon professeur », écrit-elle) aurait tout simplement visé juste à l’occasion d’une séance de préparation de l’examen et deviné tout simplement quel serait le sujet de LA question à développement à partir de la séquence des choix du ministère dans les années passées. Elle qui se considère plutôt bonne en histoire a fabriqué une vidéo pour informer ses amis qui ont l’habitude de la consulter parce qu’elle est bonne et sa vidéo est rapidement devenue virale. Elle avait un bon tuyau et l’a partagé.

Elle « s’est excusée » dans « son post » qui je le rappelle a été retiré, mais ce passage me semble intéressant… (N.B. Je sais que la qualité du français dans son message est totalement inadéquate et que c’est probablement de ça dont on devrait s’inquiéter, mais essayez d’en faire abstraction)

Ça reste une hypothèse (Ajout: Plus de détails ici, 1, 2) et surtout, je ne crois absolument pas que cette élève devrait se sentir responsable du cafouillage actuel. Ce serait vraiment dommage qu’elle soit harcelée pour ce qui s’est passé, j’espère qu’elle est bien entourée actuellement, parce que beaucoup d’attention pourrait se concentrer sur elle, alors que cette même attention devrait se diriger ailleurs.

Vers le ministère de l’Éducation, en particulier…

Cette fois-ci, j’espère que le MEES apprendra de ses erreurs.

Il faudra d’abord qu’il s’interroge sur ses pratiques en évaluation, ensuite sur ses communications et enfin, sur sa compréhension des médias sociaux.

S’il s’avère qu’il se retrouve en gestion de crise à cause de cet examen, il n’aura que lui à blâmer…

Mise à jour de fin de journée: J’ai pu discuter du sujet de cet examen d’histoire nationale avec l’animatrice de l’émission du retour de la radio de Radio-Canada (Le 15-18).

Mise à jour du 18 juin: « L’annulation de la question d’examen met certains élèves en situation d’échec » au Soleil, « Pourquoi l’examen d’histoire du Québec devrait être annulé » chez Alexandre Gagné et « Point de vue du président de la Société des professeurs d’histoire du Québec, Raymond Bédard » au FM 93.

Mise à jour du 19 juin: Le point de vue d’un élève, « Le ministère de l’Éducation a échoué à son examen » et celui d’un enseignant au secondaire, « Examen d’histoire : une annulation préoccupante ». Même chose chez Arcand, mais il ne s’agit pas du même élève et de la même enseignante…

Mise à jour du 23 juin: « L’examen d’histoire pourrait être annulé », dit le ministre Proulx.

Mise à jour du 5 juillet: Le ministère change d’idée et donne tout bon à tout le monde… « Histoire d’un gâchis national ».

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