Nous étions conviés à l’Université de Montréal aujourd’hui pour une rencontre des membres du Réseau pour l’Avancement de l’Éducation au Québec. Beaucoup de discussions, quelques prises de conscience et une reprise de contact avec quelques personnes que je n’avais pas rencontrées depuis quelques mois. Trois sujets étaient au menu:
- Atelier 1… La réforme: quel est l’état de la situation?
- Atelier 2… La qualité du français: où en sommes-nous?
- Atelier 3… La situation des élèves en difficulté: qu’en est-il?
En avant-midi, j’ai participé aux échanges concernant la qualité du français avec en trame de fond, le Rapport Ouellon (qui vise essentiellement à «mieux soutenir le développement
de la compétence à écrire») et le Plan Courchesne (qui lui propose des «mesures exigeantes pour l’amélioration du français à l’école»). Nous avons comparé les recommandations du groupe dirigé par Conrad Ouellon aux mesures de Madame la ministre et nous avons tenté de proposer «une posture» pouvant orienter une «position RAEQ» dans ce dossier. Quatre points sont ressortis:
- Encourager la communauté éducative de chaque école à devenir coresponsable de la qualité du français à l’école plutôt que de faire porter sur les seules épaules des enseignants en français cette immense responsabilité. En ce sens, il convient de débusquer les bonnes pratiques déjà existantes pouvant servir de modèles.
- Souligner le fait que la ministre de l’Éducation par son plan tend à revenir à la segmentation des contenus de formation, ce qui est non seulement contraire à l’esprit du nouveau programme de formation de l’école québécoise, mais surtout, constitue un retour au modèle de «l’école tayloriste» qui présidait avant les États généraux sur l’éducation et sur lequel nous pensions tous avoir tourné la page, ce modèle ayant fait la preuve de son inefficacité.
- Réaffirmer la valeur du respect de l’autonomie de l’enseignant dans le choix de ses stratégies pédagogiques.
- Procéder à une révision du programme du préscolaire de façon à ce que la compétence 4 comprenne une certaine sensibilisation à l’écrit qui, dans sa forme actuelle, ne s’adresse qu’à l’oral.
Il ne faudrait pas croire que les initiatives de Mme Courchesne aient été mal reçues, mais chacun de nous a voulu s’assurer que le pas dans la bonne direction ne soit pas suivi de deux pas en arrière. Personnellement, j’ai beaucoup insisté pour décrire deux expériences vécues dans autant d’écoles que j’ai dirigées visant à répartir sur plusieurs la responsabilité des apprentissages d’une langue maternelle de qualité. Au Collège Rivier vers la fin des années 90, nous avions souhaité que tous les enseignants tiennent compte de la qualité de la langue dans toutes les situations d’écriture et le français parlé. Le prof de français demeurait le responsable de l’évaluation, mais une partie de la note provenait des autres enseignants et même, une portion du résultat à l’oral provenait de l’évaluation de l’équipe des services aux élèves à partir d’une grille fabriquée par le département de français. À l’Institut St-Joseph à partir de la rentrée 2003, les cyberportfolios de chaque élève faisaient vite réaliser à chacun que papa, maman, la famille élargie, l’équipe-école et les internautes de passage valorisaient au plus haut point le respect de la langue ce qui aidait les enseignants dans leur tâche d’enseigner et de faire apprendre. Dès le départ de l’exercice, un credo avait été rédigé par les élèves, conscientisés par les rétroactions de la communauté éducative.
En après-midi, en grand groupe, nous avons partagé les propositions de chaque atelier et j’ai été très satisfait d’entendre les gens davantage parler des stratégies pour faire AVANCER l’éducation que de traiter spécifiquement de la réforme. Trois axes de développement ont permis aux gens de se quitter dans la bonne humeur:
- 1er axe: Continuer de suivre les événements d’actualité et réagir par des prises de positions tenant compte des valeurs du RAEQ.
- 2e axe: Écrire une «Charte du RAEQ»… visant à réaffirmer nos valeurs.
- 3e axe: Former plusieurs comités visant à travailler en dehors de nos rencontres pour réaliser avec plus d’efficacité notre mission; un courriel parviendra aux membres du RAEQ absent à la réunion pour les inviter à se joindre aux quelques cinq objets de travail identifiés.
J’ai été ravi d’entendre les participants évoquer la possible utilisation d’un wiki pour collaborer et surtout, j’ai bien senti l’intérêt croissant envers le blogue du RAEQ spécifiquement, mais aussi envers la blogosphère éducative toute entière. Il a été question du site «Jasons Réforme» et de la démarche qui avait mené à sa confection… ça m’a ramené quelques années en arrière!
Je suis revenu à la maison en me disant que j’avais passé un moment très agréable à discuter avec des gens ouverts qui ont à coeur de créer des ponts entre chacun. Vraiment, une belle rencontre…
Tags: "Administration scolaire"
Amélioration du français :
Aller plus loin que les intentions
Le plan de la ministre Courchesne a soulevé plusieurs interrogations depuis sa publication depuis deux semaines, Si tous s’entendent pour souligner qu’il s’agit d’un pas dans la bonne direction, certaines critiques se sont élevées pour souligner qu’il s’immisce dans l’autonomie professionnelle des enseignants en déterminant la nature et la fréquences des activités d’apprentissage qu’ils devront vivre avec leurs élèves. Une rédaction par semaine, une période quotidienne de lecture, une dictée de temps en temps, un échéancier quasi mensuel des connaissances à couvrir : il ne reste plus qu’à attendre que le MELS leur expédie leur planification de cours par la poste! Et tant pis pour les enseignants compétents qui ont développé leur propre approche gagnante! On passe d’une réforme imposée à un plan imposé, finalement.
Il y a aussi cette ajout de correction dont madame Courchesne n’a manifestement pas mesuré les conséquences : de 90 à 120 copies par semaine représentent une sacrée charge de travail alors que les conventions collectives négociées avec le gouvernement ne prévoient seulement que 13 heures par semaine pour préparer nos cours, concevoir nos évaluations, rentrer nos notes et corriger. Oublie-t-elle que l’épuisement professionnel est l’une des principales causes d’absence des enseignants? Oublie-t-elle que l’exercice de la profession enseignante s’est alourdi avec des groupes de plus de 32 élèves, des écoles qui manquent de ressources et des élèves de plus en plus difficiles? Autour de moi, certains collègues ont même parlé, sûrement à tort, de mépris du travail des enseignants pour penser que ceux-ci n’en faisaient pas assez.
Déjà, dans mon entourage, je connais des collègues qui prennent congé à leurs frais pour pouvoir corriger à la maison dans des conditions décentes puisque, dans les écoles, on les entasse jusqu’à 30 dans un local. Je sais que la ministre est une personne de bonne foi, mais le remède qu’elle propose risque de tuer à la fois le cheval et le jockey!
Le plan Courchesne manque également de courage ou d’audace en ce qui a trait à l’évaluation des élèves. Bien sûr, la ministre a annoncé un rehaussement de l’évaluation au primaire, mais rien ne semble indiquer pour le moment qu’on sera plus exigeant avec nos élèves du secondaire et du collégial. Or, elle aurait dû saisir cette occasion pour donner un véritable coup de barre et exiger d’eux davantage qu’une faute de grammaire et d’orthographe aux 15 mots comme c’est le cas actuellement pour réussir leur examen d’écriture de fin de scolarité. Une faute aux 15 mots, c’est énorme quand on sait que ces jeunes ont droit à un dictionnaire et une grammaire lors de cette épreuve. Imposer progressivement un seuil de réussite décent aurait constitué une véritable révolution dans un système scolaire qui vise la réussite de tous les élèves et ce, en dénaturant chaque jour le sens du mot réussite.
Il lui aurait également fallu être plus exigeant à la fin de chacun des cycles du secondaire, par exemple, et s’assurer que les évaluations accordent une plus grande importance à la maîtrise des connaissances de base. N’est-il pas anormal qu’on retrouve dans des classes du secondaire des élèves ne sachant pas distinguer un nom d’un adverbe? Comment espérer que ces jeunes sauront écrire correctement s’ils ne connaissent et ne comprennent même pas les mécanismes de base de la langue française? Et s’il vous plait, ne venez pas me faire croire que la mesure des compétences entraîne automatiquement celle des connaissances. Rien n’est plus inexact. C’est bien parce que les critères d’évaluation des jeunes sont si laxistes qu’autant peuvent «réussir» en français alors qu’on déplore la piètre qualité de l’écriture des jeunes.
Enfin, l’enseignement du français fait encore figure d’enfant pauvre dans les écoles secondaires du Québec. Alors que les nouveaux cours de sciences ont entraîné l’aménagement de nouveaux laboratoire à grands frais, que les cours de maths ont exigé l’achat de milliers calculatrices à affichage graphique, que la réforme a englouti des millions de dollars dans des manuels dont elle prétendait nous libérer, les enseignants de français doivent encore utiliser souvent des outils désuets dans le cadre de leur cours avec les jeunes : dictionnaires remontant aux années 70 et 80, séries de romans trop peu nombreuses, défraîchies et abordant des thèmes ne touchant plus les élèves. On se croirait encore à l’ère du rapport Parent!
«Money talks», dit le proverbe. Il n’a jamais été aussi vrai que jamais en ce qui a trait à l’enseignement du français. Et, malheureusement, d’expérience, je sais que l’ajout de bibliothécaires et de conseillers pédagogiques n’apportera directement rien de plus dans les classes, le lieu premier où se vit l’enseignement du français.
Plus de correction, plus de contraintes, toujours aussi peu de moyens sur le terrain. Madame Courchesne était remplie de bonnes intentions mais, sans certaines corrections, il est fort à parier que plusieurs mesures de son plan seront tout simplement inapplicables et les intentions louables de la ministre, qui a à cœur l’éducation de nos enfants, demeureront malheureusement des intentions.
Je suis contente d’entendre le compte rendu de la réunion. J’ai été invitée à plusieurs reprises à y participer, mais j’avais décliné l’invitation (étant déjà membre d’une autre association d’observation des réformes). Ça me donne le goût de joindre les rangs.
Merci de ce compte rendu, Mario, de même que des impressions laissées sur le blogue du RAEQ. Des choix difficiles m’ont amené à sacrifier cette rencontre du RAEQ. Mais c’est toute la beauté des réseaux de communication, n’est-ce pas?
Je suis réconforté d’apprendre que le RAEQ réitère son engagement à l’avancement de l’éducation au-delà du programme de formation du MELS, dont la gestion, voire même certains fondements, me désenchante. Autour de moi, les enseignants tombent comme des mouches. Il est paradoxal de voir un ministère si dédié à l’humanisation des jeunes se montrer si inhumain envers ceux qui doivent le pratiquer. Par conséquent, je seconde entièrement l’excellent commentaire de Luc.
Il s’agit de ne pas jeter la serviette, mais de retrousser les manches. Je crois que l’on néglige l’aspect affectif des réseaux dans le soutien que l’on réussit toujours à y trouver quelque part. C’est un baume à l’isolation.