Comme je le disais hier soir, l’auteur du livre «The Wisdom of Crowds» nous a offert une très belle conférence à la Journée Infopresse de ce mois de février consacrée aux nouveaux modèles d’affaires. Après son allocution, je demandais à James Surowiecki d’où partait son intérêt pour cette idée de la sagesse des foules et il me disait que c’est en observant la bourse qu’il s’était mis à chercher du côté des meilleurs modèles pouvant prédire dans quelle direction il fallait aller.
Notre conférencier vedette a donné plusieurs exemples de situations où le groupe avait la capacité de voir plus clair que toutes les personnes prises individuellement. C’est ce qui m’a fasciné au sortir de l’événement d’hier. Je me racontais l’histoire des actuaires dans ma tête hier (pour mieux la retenir) et je me disais à quel point elle était représentative du message de M. Surowiecki:
«Trois actuaires sont à la chasse à la perdrix. Le premier des chasseurs vise une perdrix qui est dans la mire des trois et la manque par 25 pieds à droite. Le deuxième s’exécute rapidement et la manque par 25 pieds à gauche. Le troisième trépigne… « On l’a eue! »»
Le journaliste du New Yorker a pris beaucoup de temps pour élaborer sur les conditions à mettre en place pour s’assurer que l’intelligence des foules challenge la hiérarchie naturelle qui se crée dans une organisation. C’était un des passages les plus éloquents de la conférence. Cette idée que les informations circulent très mal au sein des organisations me paraît cruciale. Les raisons sont diverses; soit le leader cherche à se faire dire ce qu’il veut entendre ou soit l’une des trois conditions n’est pas en place pour que les principes de la sagesse des foules se manifeste (diversité et indépendance des intervenants, puis présence de mécanisme d’agrégation). Et puis il y a cette idée que les êtres humains aiment bien imiter les autres. L’expérience de Solomon Asch est pertinente pour illustrer ce point. Lorsqu’il n’y a pas de diversité dans les points de vue, les gens ne semblent pas avoir tendance à s’affirmer, allant même jusqu’à nier ce que leur perception leur dit pour se conformer à la vision du groupe. Et ça ne prendrait pas beaucoup de gens ne pensant pas de la même façon pour qu’un peu de sagesse se manifeste; parfois, juste une personne ayant un regard plus objectif (et moins attaché au conformisme) et les membres du groupe se délient la langue!
Un autre élément qui m’a frappé concerne le parallèle avec les sondages, surtout leur utilisation en politique. Le conférencier a raconté que la vraie question à demander devrait être «pour qui tu crois que les gens vont voter?» plutôt que «pour qui tu vas voter?» Il nous a raconté de nombreux exemples où la foule avait vu juste, collectivement dans une prédiction, mais où personne, pris individuellement avait La bonne réponse. Pour ce qui est de la diversité, cette phrase a aussi retenu mon attention: «Une personne peut posséder beaucoup moins d’aptitudes et s’avérer très utile dans un groupe si ce qu’elle possède est unique». À retenir…
Au moment de quitter la salle, j’ai demandé à M. Surowiecki si des pays comme la Russie ou la Chine accueillaient aussi bien ses idées compte tenu de leur propension à ne pas donner beaucoup de crédit à la démocratie ou au pouvoir des groupes. Il me racontait ne pas beaucoup avoir eu la chance de prononcer des conférences à ces endroits, mais que leur expérience de Google pouvait peut-être donner un indice du niveau de réception de ces idées. Après tout, «quand on interroge le moteur de recherche, notre action est en lien avec la confiance placée dans le concept de l’intelligence des foules puisque ce sont les documents les plus appréciés par ces mêmes foules qui dictent le résultat du classement». Quand on regarde comment la Chine agit avec Google, on peut en effet pressentir l’accueil de ses dirigeants au livre «The Wisdom of Crowds»!
Mise à jour du 29 février: Complément d’information sur le site d’Infopresse.
Tags: Blogueur-reporter LesExplorateursduWeb
