Plusieurs observateurs en éducation au Québec ont noté ces dernières années une tendance populaire dans la volonté d’augmenter les pouvoirs aux milieux locaux, au détriment de la centralisation des décisions dans les commissions scolaires.
Si un temps, cette tendance se manifestait par le programme politique de l’ADQ de Mario Dumont dont le ministre actuel de l’Éducation était le porte-parole en 2008, la volonté populaire s’incarnait à petite dose dans un projet de loi déposé en décembre 2015 qui modifiait les règles de gouvernance des commissions scolaires.
Un peu plus tôt dans ces années 2014-2015, deux ministres libéraux parlaient ouvertement de la fin des élections scolaires (1, 2), un début de bon sens se disait-on.
Malgré l’appui très important des citoyens québécois au fait de rapprocher l’école des lieux de décisions, le gouvernement a accumulé les reculs, au grand dam du caquiste que je suis.
Je me souviendrai qu’en campagne électorale les libéraux sont très vocaux pour défendre les écoles comme lieux de pouvoir, mais qu’au moment d’agir comme gouvernants, ils s’écrasent lamentablement.
Après avoir abandonné les législatures qu’il avait déposées, après avoir laissé la sous-ministre en titre démettre de ses fonctions un défenseur de la décentralisation, et même après avoir timidement adopté la Loi 105 qui confirme le pouvoir des conseils d’établissement d’approuver les modalités d’application du régime pédagogique (source), le gouvernement PLQ laisse les C.S reprendre (sans lever le petit doigt) leurs pratiques autoritaires de la gestion centralisée.
L’exemple le plus récent se situe à la Commission scolaire des Hautes-Rivières (région de Saint-Jean-sur-Richelieu) qui sans débat le 28 mars dernier, a adopté la grille horaire de 20 écoles primaires et la grille du temps alloué aux matières de 17 écoles primaires, en lieu et place des conseils d’établissement (source).
Il suffit d’entendre au micro de Benoît Dutrizac la présidente du syndicat de l’enseignement du Haut-Richelieu (Jacinthe Côté) et la présidente de la C.S des Hautes-Rivières (Andrée Bouchard) pour s’en rendre compte.
Souhaitant imposer une seule et même vision de l’éducation dans les écoles sur son territoire, cette commission scolaire a choisi la voie de l’autorité plutôt que celle des échanges d’arguments dans ce qui semble cacher un problème de gestion avec la distribution des tâches et avec la maquette de cours offert aux élèves.
On pourrait débattre de la justesse des arguments d’un côté ou de l’autre, mais ce n’est pas le sujet de ce billet. Ce qui m’inquiète est ailleurs…
C’est le précédent causé par la décision de la commission scolaire qui devrait préoccuper tous ceux qui croient encore à une certaine décentralisation.
Quand on y regarde de plus près, deux doubles fonctions occupées par des personnes au centre de l’action font craindre le pire:
- M. Éric Blackburn est à la fois directeur général de la Commission scolaire des Hautes-Rivières et président de l’Association des directions générales des commissions scolaires (ADIGECS)
- M. Mario Champagne est à la fois secrétaire général de la Commission scolaire des Hautes-Rivières (voir ici) et président de l’Association québécoise des cadres scolaires (AQCS)
Suis-je le seul à croire que le fait de « régler » un contentieux dans une commission scolaire administrée par deux cadres bien en vue au Québec en utilisant un argument d’autorité qui ne respecte pas – au moins l’esprit de – la Loi sur l’instruction publique n’est pas anodin ?
Comment se sentent les parents exclus de la séance publique de la CS des Hautes-Rivières où a été prise la décision dont on parle ?
Comment favoriser la participation des parents dans les conseils d’établissement des écoles de la CS des Hautes-Rivières dans les circonstances de ce coup d’éclat ?
Permettez-moi d’être très inquiet de la santé de la démocratie scolaire si on emprunte la voie de l’autorité du conseil des commissaires (élus à 5,75 % des électeurs à la Commission scolaire des Hautes-Rivières) chaque fois qu’un conseil d’établissement ne s’aligne pas sur la façon dont les gestionnaires d’une C.S. pensent.
Décidément, le recul du gouvernement à donner un peu de pouvoir aux milieux locaux dans les derniers trois ans n’annonce rien de bon.
Et ne me parlez pas de la Loi 105.
Mise à jour du 5 juin 2017: «Alain Fortier devient président de la Fédération des commissions scolaires du Québec».
Mise à jour du 16 juillet 2017: «La cour ordonne le maintien du statu quo à la Commission scolaire des Hautes-Rivières».
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