Sous prétexte de se doter « d’une vision commune du système scolaire et du curriculum souhaité pour les élèves du Québec », certains intervenants exigent des milieux scolaires qu’ils soient des copies conformes où qu’on soit au Québec.
Je n’accepte pas cette vision des choses en éducation et il m’est souvent arrivé de la combattre.
Deux exemples récents dans l’actualité nous ramènent encore dans ce débat, l’un provenant d’une lettre ouverte de la présidente de la Fédération des syndicats de l’enseignement et l’autre, d’une initiative visant à faire la promotion de la nouvelle vedette de Québec Solidaire.
Le rêve syndical d’une seule grille-matières pour tous
Le Régime pédagogique de la formation générale des jeunes au Québec prévoit certaines matières obligatoires enseignées chaque année et un certain nombre d’heures à y consacrer par semaine. Par exemple au primaire, un certain pourcentage du temps d’enseignement est prescrit (obligatoire) et un autre est indicatif (moins de contraintes). Au 1er cycle du primaire, 72% du temps (18 heures sur 25) est considéré comme étant « réparti ». On parle de 56% (14 heures sur 25) au 2e cycle. Sans aller dans les détails, l’autre portion de temps procure une certaine marge de manoeuvre aux écoles. Je rappelle que la Loi sur l’instruction publique (LIP) prévoit que le temps alloué à chaque matière obligatoire ou à option est de la responsabilité du conseil d’établissement de chaque école…
Cette marge de manoeuvre permet en théorie aux écoles privées et publiques d’aménager le régime pédagogique national selon le projet éducatif de chaque milieu local.
Dans un billet récent, je racontais l’exemple d’une commission scolaire qui a choisi de décider de la grille-matières pour toutes les écoles de son territoire, malgré ce que la LIP a prévu.
La lettre ouverte dont je parlais plus haut exige du ministre de l’Éducation qu’il diminue fortement la marge de manoeuvre dont dispose les écoles sous le prétexte d’offrir une protection contre « l’abondance des projets particuliers ».
La lutte syndicale contre la capacité des milieux locaux de se doter de projets éducatifs qui répondent aux besoins des communautés locales est bien connue. Je veux bien qu’on prenne la défense des matières enseignées par des spécialistes, mais la solution ne peut être trouvée dans l’imposition de la même chose à tout le monde sous le prétexte que « la grille-matières n’est pas un catalogue de mode bien garni où l’on choisit les morceaux à la pièce selon la tendance de l’heure ».
Les établissements scolaires privés et publics ne décident pas de leurs priorités à partir des « tendances de l’heure », mais en fonction de ce qu’ils perçoivent des besoins des jeunes de leur milieu et de leur vision de l’éducation.
Cette idée qu’il n’y aurait qu’une seule vision valable de l’école pour concrétiser celle de l’État exprimée par son programme pour l’école québécoise m’horripile.
Trop souvent, les syndicats de l’enseignement et les commissions scolaires tiennent ce discours de la pensée unique et centralisatrice. Je refuse de m’y soumettre…
Le rêve d’une certaine gauche d’abolir l’école privée accessible à tous
La récente proposition de Québec solidaire de mettre fin au financement public des écoles privées rejoint en tout point la campagne d’un des syndicats – la FAE – en enseignement. En martelant que les problèmes de l’école publique au Québec résident dans l’existence d’un réseau privé qui accueille autour de 110 000 élèves bon an mal an, on passe à côté du principal écueil: la manque d’autonomie de l’école publique.
Abolir le financement public d’un réseau d’écoles privées, c’est d’abord nier le droit des parents à choisir l’école qui correspond le mieux aux besoins de leurs enfants.
Ensuite, c’est l’équivalent de se priver d’autour de 600 millions $ par année pour combler les immenses besoins en éducation au Québec puisque « l’élève du secteur privé coute en fait 38 p. cent de celui du public aux contribuables » (source).
Enfin, c’est prêter flanc à cette théorie qui voudrait que ceux qui administrent les écoles privées agréées ne souhaitent que de se mettre « plein d’argent dans les poches ». Les organismes à but non lucratif (souvent des coopératives de parents ou d’employés) qui ont pris la relève des communautés religieuses en ont marre de la façon dont les tenants de l’abolition du financement public des écoles privées agréées les traitent, surtout quand on sait que certains gèrent des établissements qui offrent un service de résidence (inexistant au public), à peu près impossible à rentabiliser dans les conditions actuelles.
Heureusement, il semble que cette fois encore, celui qui est au centre de l’histoire a été rattrapé par son passé à l’école privée. Plus ça change, plus c’est pareil…
À Shawinigan, ça « Corri-Bouge »
Le projet qui consiste à uniformiser toutes les écoles du Québec pour qu’elles se ressemblent au point de ne former qu’une seule et même « école », copie conforme d’un supposé idéal commun ne prendra jamais forme, s’il n’en tient qu’à moi.
Je crois en l’égalité des chances pour tous les enfants du Québec, mais je ne crois pas au moule unique.
Surtout, je crois en la capacité des milieux locaux de s’affirmer pour offrir des écoles vivantes, dans la diversité des modèles, inspirées par un programme d’État souple et exigeant.
Je crois en la mobilisation des parents, des enseignants, des élèves et de tous les acteurs d’une communauté pour qu’ils aménagent un quotidien éducatif qui leur ressemble et qui tirent les jeunes vers le haut.
Je lisais ce matin que devant le fait qu’on avait beaucoup de difficultés à gérer les déplacements dans un établissement scolaire – « les élèves couraient partout » – un élève a eu une idée originale. Accompagnés par une enseignante et une éducatrice spécialisée, puis supportés par la direction et les parents, les élèves disposent maintenant « d’un corridor actif qui a pour objectif de les inciter à bouger de façon saine et sécuritaire lors de leurs déplacements autonomes ».
On n’arrive pas à ce genre de résultat en imposant un modèle unique d’école.
L’engagement personnel de chacun, l’action collective concertée et le développement d’un fort sentiment d’appartenance à son milieu ne viendra pas d’en haut, si puissant ce « en haut » soit-il.
Pleinement d’accord avec l’idée de se doter d’une vision en éducation, je plaide pour que cette dernière soit centrée sur l’autonomie des milieux locaux !
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