La France a découvert cette semaine son premier gouvernement du quinquennat Macron et c’est Mounir Mahjoubi qui aura le bonheur de prendre le relais de Axelle Lemaire au secrétaire d’Etat au numérique.
On se rappelle que cette dernière avait pris en février la décision de se consacrer à la campagne de Benoît Hamon et à sa candidature aux législatives. Je salue son bilan des dernières années en lui souhaitant la meilleure des chances dans la poursuite de ses activités professionnelles. Je ne crois pas personnellement qu’elle sera élue aux prochaines législatives, c’est dommage.
Mounir Mahjoubi nous vient de la présidence du Conseil national du numérique où il avait été nommé en février 2016. Sa nomination s’inscrit dans la continuité d’autant qu’au coeur de ses priorités il y aura la transformation de l’État par la stratégie de «l’Etat plateforme».
Je suis jaloux de mes cousins…
Le projet est bien documenté en France, surtout depuis que l’Administrateur général des données Henri Verdier («Chief Data Officer») a pris la tête de la direction interministérielle des systèmes d’information et de communication (DISIC). En gros, on parle d’une sorte de révolution des services publics…
« Imaginez un monde où les citoyens s’organiseraient de manière spontanée et autonome pour construire et gérer eux-mêmes leurs services publics, sans intervention de l’Etat, et trouveraient en une vaste banque publique de données toutes les ressources nécessaires ? Nous n’en sommes pas encore là, mais c’est bien cet esprit qui habite l’ambitieux projet d’Etat plateforme, lancé dans une relative discrétion, qui promet de redéfinir en profondeur le rôle de l’Etat et de son administration. Il s’inscrit dans la stratégie numérique globale entamée sous l’actuel quinquennat: ouverture des données publiques, modernisation de l’action publique ou, plus récemment, consultations législatives en ligne. »
Plusieurs des composantes de cet État plateforme ont déjà été mis en place dont un système d’authentification (France Connect) qui propose un accès universel aux services publics en ligne.
En avril dernier, l’excellent Hubert Guillaud avait posé la question sur internetactu du passage des startups d’Etat à l’Etat plateforme. Quand il évoque la notion de «tragédie des services publics» en France, on peut inévitablement faire un parallèle avec le bordel informatique québécois qui est le nôtre: au moins 3 milliards de dollars par année investis en informatique au Québec dans des systèmes la plupart du temps dépassés, lourds à entretenir et qui répondent très mal aux besoins.
Le projet SAGIR représente bien cet état de fait, mais on pourrait aussi parler de l’absence d’une vraie stratégique numérique pour le développement économique ou social du Québec et de l’analphabétisme qui empêche trop de nos concitoyens (jeunes et moins jeunes) de prendre la pleine conscience de leur citoyenneté numérique à l’heure des GAFA (des «géants du Web» comme Google, Apple, Facebook, Amazon qui ne parlent jamais du fait que «si c’est gratuit, vous êtes le produit»). Mais revenons aux préoccupations de Hubert Guillaud, «comment passe-t-on des startups d’Etat à l’Etat plateforme ?»…
« L’idée est de faire des services publics autrement. Et notamment d’utiliser le principe de boucle de rétroaction continue », insiste Pierre Pezziardi, c’est-à-dire faire de manière que les services s’améliorent en observant leurs usages par le retour direct de ses utilisateurs. La plateformisation de l’Etat que défendent Piezziardi et Verdier vise à transformer des services publics en plateformes comme le formalisait en 2013 le cadre stratégique commun du système d’information de l’Etat, c’est-à-dire non pas tant transformer tous les services de l’Etat en plateforme, mais, dans une vision plus pragmatique, de développer des formes numériques de services publics qui rétroagissent sur les manières mêmes de fonctionner de l’Etat.
On parle «de services résultant d’une meilleure circulation des données entre les administrations, et entièrement placés sous le contrôle des usagers» (source).
On est loin de ce genre d’approche au Québec et ne comptez pas sur la culture gouvernementale actuelle pour la favoriser.
À nous de continuer s’investir en politique pour pouvoir contribuer à changer cette culture, d’autant que nous avons maintenant quelques beaux exemples de déploiement en train de se faire…
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