Dans le cadre de l’activité d’ouverture du Mois de la pédagogie universitaire, j’aurai l’occasion de participer à une table ronde, le mardi 7 avril prochain, en fin de P.M., à l’Université de Sherbrooke. Moi et mes compagnons René Barsalo et Jean-Claude Guédon, nous partagerons notre vision de l’évolution des modes de transmission des connaissances à l’Université au-delà des nouveautés qui circulent et des résistances, légitimes ou non, qui préoccupent la société et offrent certaines garanties d’une formation de grande qualité.
Les travaux de Marc Prensky et son regard sur une école pour les «natifs» de l’univers numérique semblent avoir fortement préoccupé les organisateurs de l’événement. Les prétentions voulant que les façons mêmes d’apprendre des étudiants d’aujourd’hui auraient été profondément modifiées par des années de partage sur Internet ont fait émerger certaines questions autour desquelles nous avons accepté d’échanger:
- Que peuvent faire les enseignantes et enseignants pour se retrouver dans la culture numérique actuelle où ils sont souvent des «immigrants»?
- Quels changements devraient avoir lieu pour toucher davantage les «natifs», notamment du point de vue des méthodes d’enseignement et des activités pédagogiques proposées?
- Qu’est-ce qui serait gagné par de tels changements?
- Qu’est-ce qui serait perdu?
- Qu’arrivera-t-il si l’université reste telle quelle est actuellement?
Nous avons déjà situé le cadre de nos interventions dans ces quelques lignes qu’on pourra consulter sur le site Web de l’activité. On constatera qu’en ce qui me concerne, plusieurs mots-clés de mon texte découlent de billets de ce carnet Web. Je cite à titre d’exemples, l’expression prénumérique (empruntée à Jacques-François Marchandise) et le concept de la société des connaissants.
Pratique bien connue ici, j’aimerais que les membres de mon réseau puissent ajouter leur grain de sel dans ma préparation. Et s’il y avait un message important à «passer» aux membres de cette communauté universitaire, quel serait-il?
On notera que cette activité sera retransmise en direct, en visioconférence, au Campus de Longueuil.
Mise à jour du 7 avril au soir: L’événement est chose du passé. La rencontre s’est avérée très cordiale quoique moins animée que je ne l’aurais cru. Je crois que les membres du panel étaient un peu trop sur la même longueur d’onde pour qu’il y ait débat, finalement. Ce fut quand même un grand plaisir que d’être invité à Sherbrooke. Les diapositives utilisées sont ici (3.2 Mo). En naviguant sur le Web ce soir, je suis tombé sur ce billet de Samuel Bouchard qui cadre bien avec un des messages que nous avions pour les profs d’université: «Si j’étais prof universitaire, je ferais, sur le web…»
Tags: "Administration scolaire" Partageons le savoir Pédagogie et nouvelles technologies
S’il y a un seul mot clé à faire passer, c’est celui de partage. Par exemple, la dernière mouture du site Web de l’Université Laval est de la cosmétique qui trahit la culture en vase clos de cette vénérable institution. Est-ce que la culture de partage a ruiné les universités américaines qui ont une longueur d’avance sur nous? Bien évidemment que non.
J’ai transmis, pas plus tard qu’hier, ce message au webmestre de l’Université Laval : «Toutes les grandes universités offrent des conférences vidéos sur une foule de sujets. Il y a même de plus en plus de cours en ligne librement accessibles. Pourquoi l’Université Laval tarde-t-elle tant à emboîter le pas?» Martin Boucher, Directeur adjoint, Chef de la division communication Web et publicité institutionnelle (les com ont la haute main sur la diffusion des savoirs à l’Université Laval) m’a répondu ceci: «l’Université travaille actuellement à créer une plate-forme regroupant l’ensemble des contenus vidéos qui sont produits sur le campus. Nous emboîtons donc le pas, mais sans perdre de vue notre mission première d’enseignement et de recherche.». Notre échange s’est poursuivi (Je lui ai dit que je n’imaginais évidemment pas que l’université Laval fasse le sacrifice de sa mission première en lui mentionnant l’exemple de UCLA qui diffuse ses contenus depuis des années, mais aussi l’initiative Youtube Edu (http://www.youtube.com/edu). Il m’a dit que, oui, l’Université songeait aussi à Youtube edu et même à iTunes U.
Il y a belle lurette que le réflexe de partager les connaissances (pas seulement en vidéo) aurait dû exister et je vous parie que la force de l’inertie va retarder ce commencement de début de partage des connaissances de quelques années encore. Nos universités sont des dinosaures jaloux de leur territoire académique, alors même que l’écologie des apprentissages universitaires se transforme en profondeur. Je peux accéder gratuitement aux contenus de plusieurs cours du MIT mais pas à ceux des universités québécoises.
Il y a certes d’autres dimensions en lien avec la façon d’apprendre des générations montantes, mais les changements doivent reposer sur l’émergence d’une culture de partage dans la tête de nos universitaires et de leurs administrateurs qui semblent avoir un énorme contrôle sur la diffusion des savoirs. Faute de cette émergence, je crois bien que rien ne va bouger ou si peu.
Ajout: je suis surpris du peu d’universitaires qui bloguent (du moins ici à Québec). Les Florien Sauvageau, René Audet ou Peter Frost, pour nommer ces trois que j’ai pu repérer pour La Capitale blogue sont plutôt l’exception que la règle. Déjà si les profs et chercheurs universitaires ne faisaient que de se mettre à bloguer…
Merci Michel de ces deux messages que je ne manquerai pas de garder en tête. Il y a aussi chez Diane Nadeau de quoi m’inspirer…
Enfin, je note au passage ce commentaire laissé chez Patricia Tessier à propos des «dinosaures nostalgiques» qui pourrait aussi me mettre sur une piste.
Oralement, un collègue de bureau me suggère une première diapositive dans laquelle je placerais ces deux concepts, «pédagogie universitaire» et «intelligence militaire» sous le vocable «oxymoron», mais je ne suis pas certain que le début de mon allocution partirait sur de bonnes bases!
Autre source d’influence potentielle, ce billet de Serge Soudoplatoff (repris et bien résumé par Lyonel Kaufmann) à propos des ruptures cognitives [bien réelles] qu’apportent des expériences comme celle de Wikipédia:
Une réponse brève vu le temps court, mais je tenais à participer!
Que peuvent faire les enseignantes et enseignants pour se retrouver dans la culture numérique actuelle où ils sont souvent des «immigrants»?
Expérimenter avec un des instruments de la culture numérique pour commencer, tenir un blogue ou nourrir un compte twitter par exemple. Encourager les étudiants à contribuer à un canal d’objectivation et s’engager dans une discussion numérique après le cours. S’assurer que le département assume une présence numérique sur facebook. Beaucoup de bonnes réflexions et pratiques émaneront de ces premières tentatives. Powerpoint n’est bien sûr pas un des instruments à considérer.
Quels changements devraient avoir lieu pour toucher davantage les «natifs», notamment du point de vue des méthodes d’enseignement et des activités pédagogiques proposées?
La vidéo et l’image sont plus importantes que jamais. L’écoute d’un reportage radio est aussi exigeante pour eux que du texte. Plus la tâche exige de la motivation devant ses aspects arides, plus j’ai envie de laisser mes élèves contrôler l’environnement dans lequel ils effectueront lesdites activités. Les aspects plus magistraux pourraient être digérés hors des murs de l’amphithéâtre grâce aux technos, ce qui serait remplacé par des discussions et projets plus animés le jour du cours.
Qu’est-ce qui serait gagné par de tels changements?
Des apprentissages plus durables parce que les émotions et la qualité de l’environnement d’apprentissage feraient davantage parti de l’équation. Des étudiants davantage capable de discuter des connaissances qu’ils acquièrent.
Qu’est-ce qui serait perdu?
Du temps devant quelques essais non concluants. Aussi, des élèves profiteront des aménagement pour paresser. Ceux-là ne sont pas plus attentifs dans nos institutions telles quelles existent en 2009.
Je suis navré d’ajouter un peu tardivement ma réponse aux questions soulevées par Mario.
Il me semble que nous abordons cette problématique d’un angle dangereux, qui est celui de la pensée de groupe. Nous sommes forcément portés à suggérer aux professeurs d’université notre propre vision pédagogique de l’utilisation des nouvelles technologies. Non pas que nous ayons tort dans nos pratiques, mais il y a beaucoup à perdre sur le plan de la diversité à transférer intégralement nos pratiques au milieu universitaire. Le contexte universitaire a une spécificité qui fait en sorte qu’elle doit construire sa propre dynamique d’utilisation des nouvelles technologies de l’apprentissage.
Ne sous-estimons pas l’ampleur et l’importance du savoir cultivé dans les universités. Depuis que je fréquente d’un peu plus près ce milieu, j’ai grandi en humilité. Laissons les universitaires innover et créer leurs propres laboratoires et méthodes pédagogiques, tout en s’inspirant de ce qui se fait ailleurs. Nous avons davantage besoin, actuellement, de diversité que d’uniformité dans l’exploration des nouvelles technologies.
Mais encore faut-il que les professeurs d’université connaissent le sujet. Il y a d’abord une urgence de leur part de se familiariser avec ces nouveaux moyens. Parlons-leur d’affordances, un mot susceptible d’éveiller leur curiosité. Il y a aussi une responsabilité de leur part, en tant que porteurs d’un haut savoir; non pas les seuls porteurs, mais une intelligentsia néanmoins qui a une dette sociale dont ils ne peuvent se désister.
Comme pour l’école institutionnelle, les choses ne changeront pas vraiment tant que le leadership universitaire n’assouplira pas la structure pour favoriser l’expérimentation pédagogique dans ses cours.
Pour commencer, il faut doter les professeurs de portables. Dans un deuxième temps, les obliger à joindre un ou plusieurs réseaux sociaux (on les astreint déjà à des obligations moins utiles). Tôt ou tard, ils finiront bien par rejoindre leurs étudiants.
Merci beaucoup à tous pour les commentaires inspirants. Je crois avoir assez bien tenu compte de vos messages dans mon allocution d’une vingtaine de minutes ou au moment des échanges en fin d’événement. Si la captation vidéo devient disponible, j’ajouterai le lien ici…
Bonjour M. Asselin, je suis moi-même étudiante en enseignement à l’Université de Montréal. Je crois qu’il est primordial d’intégrer les TICs à notre enseignement. C’est pour cela qu’il faut avoir une bonne formation en TICs. Je peux vous dire que cette session nous avons eu un chargé de cours en TICs (Florian Meyer) extrêmement passionné qui nous à fait découvrir le merveilleux monde des blogues (nous avons un blogue de classe), les montages vidéos, les logiciels libre, des moyens d’intégrer les TICs comme moyen d’apprentissage etc. Grâce à ce cours, je me sens prête et apte à enseigner aux natifs du numérique.