Je viens de lire la dernière chronique de Joseph Facal qui porte sur l’éducation. M. Facal y hurle son désespoir constatant que «l’implantation de la réforme scolaire sera entièrement terminée au Québec l’an prochain».
Il n’y a plus de réforme, pas plus qu’il n’y ait encore de renouveau pédagogique. L’an prochain, l’une des premières cohortes ayant débuté sous l’égide du nouveau programme de formation de l’école québécoise arrivera au terme de ses études secondaires. M. Facal ne devrait pas avoir peur… bien peu de ce que devaient retrouver ces élèves en cinquième secondaire ne s’est matérialisé. Pourtant, dans son esprit, «les machines n’ont pas été stoppées»!
Le décrochage demeure un fléau. Trop d’étudiants sont «perdus» et ne savent pas ce qu’ils devraient savoir (les «notions fondamentales»). Bien plus, plusieurs enseignants sont épuisés et la structure est toujours aussi lourde que bureaucrate. La faute incomberait à cette réforme dont personne ne sait plus trop de quoi elle était faite et aucun parti politique «ne veut être le premier à admettre s’être trompé». Bref, hurlons à pleins poumons…
Comprenons-nous bien… Je suis un admirateur de Joseph Facal, tout comme j’aime lire Pierre Foglia. Ça ne m’empêche pas de voir que ces deux grandes personnes sont capables des pires inepties quand elles écrivent sur les pédagogues ou sur l’école. Dans sa chronique (qu’on pourra peut aussi lire sur son blogue, sous peu), M. Facal hurle pour rien…
J’y reviendrai plus tard ce soir, mais je tenais au sortir de cette lecture à mentionner que la colère de ceux qui hurlent ne m’impressionne pas.
Comment peut-on reprocher au nouveau programme de formation de vouloir que chaque étudiant sache quoi faire avec ce qu’il apprend?
En quoi le fait de se concentrer sur les apprentissages et sur comment les jeunes les intègrent devrait-il nous faire peur?
Pourquoi le fait de considérer que les élèves d’une classe n’apprennent pas tous les mêmes choses à la même vitesse, en même temps serait si épouvantable?
Je ne sais pas si on peut décrire ainsi «les fondations» dont parle M. Facal, mais ignorer que la notion de compétence est portée par un mouvement mondial me paraît témoigner d’une grande méconnaissance du domaine.
Lâchez-nous avec la Suisse qui a vu un de ses Cantons seulement revenir en arrière, et ce, au niveau de l’évaluation. La Finlande M. Facal… on ne vous en a pas parlé?
Il n’y a plus personne qui travaille sur la réforme du début des années 2 000.
En ce moment, au MELS autant que dans les C.S. et dans les classes, on tente de se concentrer sur un programme de formation. J’aimerais bien débattre en face à face avec ceux qui hurlent contre l’ambition de ce programme. L’avez-vous lu M. Facal?
Je parie que non.
Mise à jour de fin de soirée: En plus du commentaire que je viens de poster suite à l’intervention de Luc, je me permets un ajout. Quand M. Facal affirme qu’ici, «on a décidé de boire le calice jusqu’à la lie», je me demande vraiment de quoi il parle? Je suis certain que lui et moi valorisons l’effort et qu’on s’entendra facilement sur le type d’émotion que peut entraîner le fait d’entendre «Pourquoi se forcer puisque, de toute façon, on va passer?». Je suis prêt à hurler avec lui n’importe quand sur l’importance de travailler fort pour réussir. «Les consignes» que des enseignants recevraient, «sous la menace de sanctions» pour éviter «que les taux d’échec n’explosent pas»… elles me font vomir. Cela dit, baser un raisonnement aussi catégorique sur une réforme qui a fait naître la maternelle à temps plein et un programme de formation de cette qualité, c’est proche de la mauvaise foi, ça aussi. Dans l’école ciblée que j’ai dirigée, des jeunes ont eu recours à une troisième année pour compléter avec succès un cycle d’apprentissage et je me serais battu de toutes mes forces si le calice avait été composé d’un breuvage encourageant la paresse ou le nivellement vers le bas. Si quelques chantres ont mis de l’eau à la place du vin, je rappelle à Monsieur Facal qu’il faut avant tout, entretenir de sérieux doutes sur la vocation de celui qui tient la coupe.
Pendant vingt-deux ans, l'école a été mon véhicule pour «changer le monde». J'y ai vécu des années fantastiques où j'ai beaucoup appris des élèves et où je suis allé au bout de certaines idées.
Depuis 2005, mon parcours en entreprises m'a permis d'aider des organisations à mieux prendre le virage numérique et ainsi de bien gérer le changement.
J'avoue être un idéaliste.
Je travaille de manière constructive avec tous ceux et celles qui veulent faire avancer la société !
Un autre véhicule me permet d'intervenir concrètement, celui de la politique. Je milite depuis 2011 à la Coalition avenir Québec et j'occupe actuellement le poste de vice-président Est-du-Québec. Aussi, depuis le 7 mars 2018, je suis le candidat dans Vanier-Les Rivières, en vue des prochaines élections générales au Québec.
On peut évidemment m'écrire pour le travail ou pour la politique.
Depuis 2005, mon parcours en entreprises m'a permis d'aider des organisations à mieux prendre le virage numérique et ainsi de bien gérer le changement.
J'avoue être un idéaliste.
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Un autre véhicule me permet d'intervenir concrètement, celui de la politique. Je milite depuis 2011 à la Coalition avenir Québec et j'occupe actuellement le poste de vice-président Est-du-Québec. Aussi, depuis le 7 mars 2018, je suis le candidat dans Vanier-Les Rivières, en vue des prochaines élections générales au Québec.
On peut évidemment m'écrire pour le travail ou pour la politique.
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M. Mario,
Malgré tous nos différends, nous des enseignants et des élèves. Et sur le terrain, du moins celui des écoles de mes collègues et poursuivons, je crois, les mêmes buts: former des jeunes qui deviendront des adultes sains, instruits et capables de réaliser leurs rêves.
Cependant, il ya le PDF et la réalité que vivvent bien de la mienne, la situation n’est pas si éloignée de ce que décrit M. Facal. Comprenez que cela me désole de l’écrire, mais on ne pourra remédier à cette situation en ne faisant pas un constat de réalité.
En première secondaire, au secteur «ordinaire» (quelle expression…), j’ai été effaré de constater de voir autant d’élèves aussi peu soucieux de leur réussite et de leurs apprentissages, croyant à tortqu’ils se rattaperaient en deuxième secondaire. On nage dans la pensée magique.
De plus, le manque de ressources pour accompagner les élèves progressant à un rythme différent est tout simplement incroyable.
Quant à l’évaluation, je vous avoue que la mesure des compétences donne encore aujourd’hui lieu à plusieurs dérapages. Mais je vous confierai qu’en français, les choses n’étaient pas nécessairement mieux sous l’ancien programme qui mesurait, faut-il le souligner, des compétences langagières…
Le PDF, inspiré, basé, venant de la réforme est très beau en théorie et je pourrais y souscrire. Sauf qu’il ne passe pas le test de la réalité.
On devrait hurler contre l’échec et la pensée magique M. Luc pas contre la réforme… c’est ce que je veux dire.
Sur le manque de ressource, la réalité est flagrante, je vous suis là-dessus.
Le PDF est exigeant et sur le terrain, je vois bien qu’il inspire beaucoup de profs. Le MELS (le politique et les professionnels), les C.S. et les directions doivent faire davantage pour que les enseignants disposent de plus de moyens pour pouvoir lui faire passer le test de la réalité, je suis d’accord.
« Comment peut-on reprocher au nouveau programme de formation de vouloir que chaque étudiant sache quoi faire avec ce qu’il apprend? »
Facile: on peut donner des exemples des notions apprises, mais de là à prétendre montrer quoi faire avec, c’est d’avoir une vision bien réductrice. Il faut montrer aux enfants à apprendre, c’est ce qui est le plus important, car on est amené à apprendre toute notre vie.
Je pense que l’école doit tout faire pour donner l’amour de l’apprentissage à ses étudiants, et oui, cela implique qu’il ne sache pas nécessairement ce qu’il peut faire avec ce qu’il apprend. Il recueillera les fruits de son apprentissage tout au long de sa vie.
« En quoi le fait de se concentrer sur les apprentissages et sur comment les jeunes les intègrent devrait-il nous faire peur? »
Moi, ça me fait peur car c’est une parfaite démonstration de l’instrumentalisation de l’école pour les seules besoins d’une économie obsolète lorsque l’étudiant sera adulte.
Merci Elaine d’enclencher le débat à partir de ces préoccupations.
Je ne suis pas certain, qu’on puisse «montrer» quoi faire avec ce qu’on apprend. Je voulais surtout écrire qu’être compétent, c’est devenir savant. La compétence est la capacité de mobiliser les ressources pertinentes, au bon moment, dans le bon contexte, etc. Il me semble qu’on parle ici d’une valeur ajoutée à celle de «montrer aux enfants à apprendre». Je suis sensible au fait de ne pas vouloir «réduire» l’apprentissage à ce qui serait utile et je crois que le pdf actuel ne tombe pas dans ce piège.
«L’instrumentalisation de l’école pour les seuls besoins d’une économie obsolète» me ferait peur, à moi également. Si vous comprenez le fait de «se concentrer sur les apprentissages» comme étant une porte grande ouverte sur l’utilitarisme, je comprends vos craintes. N’y aurait-il pas moyen d’éviter ce piège, en ne cessant pas d’enseigner tout en portant plus souvent les lunettes de celui qui apprend?
Je ne peux me prononcer sur le PDF et la réalité au secondaire, mais si je peux me permettre…
Au collégial, la réforme (avec les compétences) a eu lieu en 1993-94. On est en 2009, et pourtant *grosso modo* on travaille avec les conditions de travail d’avant la réforme de 1993-94 (évidemment, décret aidant…). Il faut quand même en prendre acte (dites, vous avez déjà, par exemple, corrigé 155 épreuves synthèses, d’un *minimum* de 900 mots, en cinq jours ouvrables, précisément entre Noël et le Jour de l’An?).
Un comité paritaire est bien arrivé à un «Portrait de la profession enseignante au collégial» en mars 2008, mais on connaît les blocages lorsque le fric est impliqué : l’alourdissement des tâches devient une simple «évolution» à laquelle s’adapter… Qu’un exemple : je ne crois pas qu’en principe on puisse, lorsqu’on se soucie d’éducation, être contre l’individualisation des apprentissages. Mais concrètement, il y a une différence entre ce que pourrait théoriquement être cette individualisation, et ce qu’elle peut effectivement être avec 155 étudiants en constante et perpétuelle «évaluation» des progressions (formatifs et sommatifs), avec ce que ça comporte de corrections, annotations et commentaires individualisés (qu’on pense à des cours comme littérature et philosophie, qui demandent une forte et diverse production écrite de la part de chacun des 155 étudiants, par exemple).
Lorsque la planification (d’une réforme, d’un projet, etc.) est sur papier et dans les mains d’un groupe, mais que les «moyens» de mise en application, eux, sont traités en parallèle et qu’ils deviennent affaire de négo, on peut comprendre les méfiances – voire parfois le cynisme. De 1993-94 à 2009, ça fait combien de temps ?
Je me souviens d’une citation à propos du colonialisme qui disait à peu près ceci : «Le colonialisme était peut-être une grande idée qui a été corrompue, mais il reste que la grandeur de l’idée était sur le papier ; les personnes, elles, n’en ont connu que la corruption».
Mon grain de sel, Mario, porte sur un paradoxe qui me tiraille mais avec lequel je commence à être serein. D’un côté, je suis incapable de résister à une mêlée lorsqu’il est question de valeurs éducatives; de l’autre, je suis incapable de m’ôter de la tête que cela est d’une inutilité navrante. Il suffit de lire la signature des commentateurs–la mienne comprise–pour induire le contenu.
J’apprends à vivre avec cela depuis que je découvre que nous sommes apparemment condamnés à cela. Il y a un mois, jour pour jour, un de mes chroniqueurs préférés au NY-Times mettait le doigt dessus:
« Think of what happens when you put a new food into your mouth. You don’t have to decide if it’s disgusting. You just know. You don’t have to decide if a landscape is beautiful. You just know.
Moral judgments are like that. They are rapid intuitive decisions and involve the emotion-processing parts of the brain. Most of us make snap moral judgments about what feels fair or not, or what feels good or not. We start doing this when we are babies, before we have language. And even as adults, we often can’t explain to ourselves why something feels wrong.
In other words, reasoning comes later and is often guided by the emotions that preceded it.”
Traduction: nous maquillons de mots des réactions épidermiques. C’est navrant, pour moi qui avais jusqu’ici passé ma vie d’adulte en admiration devant les réalisations des descendants des Lumières. Mais bon, à présent que ma raison sait qu’elle n’est pas au volant, je peux relaxer et confier la conduite de mes vieux jours à mes tripes.
J’allais écrire que des gérants d’estrade pédagogique comme M. Facal ont le malheur d’avoir une sorte de crédibilité dans le public en général et chez plusieurs enseignants en particulier, ce qui est aberrant de prime abord, non ?
Mais en lisant le commentaire d’Amine Tehami, je me dis que de lucidité ou de sagesse… mais qui me démotive au final ! En effet, à quoi ça sert de discuter, puisque tout finit par tourner en rond et que chacun reste sur ses positions ?
Au Québec, en tout cas, on semble incapable d’avancer, tournés vers ce que d’aucuns appellent « le bon vieux temps », paradis de la nostalgie salvatrice 🙁
On peut-tu mettre de vraies ressources pour régler les vrais problèmes ? En ce temps de règne absolu de la sacro-sainte Image, permettez-moi d’en douter…
«reasoning comes later»…
Plus tard, mais cette raison finit bien par prendre le dessus 😉
Une anecdote pour «faire du pouce» sur ce que vous dites Amine et Sylvain…
Nous sommes en 2003 et je suis directeur d’école. Une classe d’un de nos pavillons débute un projet où chaque élève dispose d’un ordinateur portable. Je réussis à convaincre le C.A. de l’école qu’il est important que chaque enseignant du pavillon (pas seulement ceux du programme) dispose d’un ordinateur portable. Quelques enseignants (en réunion) affirment que c’est de l’argent ($$) jeté par les fenêtres parce qu’eux n’envisagent pas de les utiliser. Une ce celles-ci en fait même la promesse solennelle. J’accueille cette position. Le temps passe… Les usages se multiplient. En janvier 2005, j’annonce mon départ de cette école. L’enseignante qui avait promis cogne à ma porte. Elle me demande si je suis informé de la position future du C.A. concernant l’utilisation des portables par les profs du pavillon. Je lui explique que je ne sais pas, mais que je serais très déçu que cette position change. Je lui demande pourquoi «elle» me demande ça. Elle me dit, «ça me gêne un peu de vous le dire, mais puisque vous partez, sachez que si le C.A. cesse d’en fournir, je vais être obligé de m’en procurer un de ma poche». Je lui demande ce qui s’est passé puisqu’en apparence, je ne la vois pas l’utiliser. Elle me dit qu’avec le temps, elle s’est essayée, un peu en cachette, que certaines de ses collègues sont au courant; l’occasion de mon départ est la bonne pour se «délivrer» de «sa promesse»; l’ordi lui est maintenant INDISPENSABLE!
Oui les émotions font faire (et dire) bien des choses, mais en éducation, on apprend vite qu’un geste posé, une parole dite pourrait ne porter que longtemps après avoir été initié.
Je suis de ceux qui croient en la capacité des êtres humains de se transformer et je l’ai vu tellement souvent dans ma pratique en éducation. Actuellement, je le vois au contact du Projet Intégrateur en 5e secondaire.
Je demeure confiant malgré les énormes difficultés. J’apprécie néanmoins Sylvain et Amine que vous ayez suffisamment confiance dans le réseau ici pour afficher votre «sagesse» aux teintes grisâtres.
Quant à toi Patrice, je ne peux rien ajouter à ce que tu décris si éloquemment! Si ce n’est qu’il faille continuer de se battre contre «la corruption» des idées 😉
Vous dîtes n’importe quoi!
Nos enfants (et nos enseignants) la vivent à tous les jours cette réforme, ce renouveau, ou cette nouvelle normalité, peu importe comment vous voulez l’appeler. Allez dire ça à mon fils de 4e année qu’il n’y a plus de réforme lorsqu’il me demande de l’aider en mathématiques: « Papa, j’ai encore une question niaiseuse de compétence 3! Qu’est-ce qu’ils veulent que j’écrive? » Si ça ce n’est pas boire jusqu’à la lie, ça met certainement les parents en récipient qui contient cette lie. Et n’allez surtout pas nous comparer à la Finlande!!! Leur réforme est aux antipodes de la nôtre.
Je ne nie pas que le programme de formation découle de la réforme (du renouveau); je dis juste qu’actuellement, ce qui est implanté n’est qu’un pâle reflet de ce qui devait l’être et sous certains aspects, c’est une bonne chose.
Je dirais à votre fils qu’il y a un nouveau programme. Est-ce que c’est «niaiseux»? À vous de juger, comme parents, vous me semblez assez grand pour avoir vos propres opinions…
Pour ce qui est de la Finlande, votre point de vue vaut le mien. Différente, certes, mais aux antipodes?
Mario, je voudrais te dire ici, (nous dire en fait, puisque nous conversons publiquement, co-construisons une réflexion via ce blogue, ce que je trouve merveilleux !) que je demeure malgré tout dans le clan des optimistes…
Peut-être parce que ma « sagesse grisâtre » n’est pas très bien « implantée », je demeure constamment « déchiré » (mot = trop fort), « tendu » entre la sagesse grisâtre et l’optimisme, entre le « Qu’osse ça donne » et l’espoir un peu fou…
Par dessus tout, je crois que c’est sur ce fil tendu que nous devons continuer d’avancer si on ne veut pas tomber au creux du gouffre au-dessus duquel nous marchons… Et pour marcher sur ce fil, la tension demeure un élément absolument nécessaire !
J’ai entendu, ce matin, cette lettre d’un jeune enseignant, lu par Paul Arcand, sur les ondes du 98,5. C’était vraiment désolant. Voici mes réflexions…
Ils sont là, devant moi, 32 élèves de 14-15 ans, absorbés par leur roman. 32 et pourtant, j’entends les mouches voler. Des cancres? oui, quelques-uns. Il y en avait, il y en a et il y en aura. De l’intimidation? à mon endroit, pas du tout, entre eux, oui et c’est inquiétant. Ceux qui jadis portaient des Kodiak et donnaient des coups de pied au cul ont troqué, signe des temps, le «cap d’acier» pour, la plupart du temps, la cyber-intimidation.
Ils sont mal «élevés?» oui, certains, mais pas tous. Il est malheureux de constater qu’il faille parfois éduquer les parents. Oui! il y a encore des échecs et jamais mes patrons n’ont exercé sur moi une quelconque pression parce que des élèves ne réussissaient pas. Le fameux Programme de formation sur lequel tout le monde vomit, mais que personne n’a lu aura eu, j’en suis convaincu, beaucoup d’effets positifs que négatifs sur nos jeunes. Donnons-nous le temps. Je viens de terminer la correction d’une centaine de textes et je vous jure qu’en 16 ans d’enseignement, j’ai vu (ou lu?) une nette amélioration dans l’utilisation de la langue. Tout est loin d’être gagné, mais c’est encourageant. Au-delà de toutes les considérations technocratiques, rien ne m’a jamais empêché d’ENSEIGNER et d’avoir du PLAISIR avec mes élèves. Oui, je suis parfois blasé ou de fort mauvaise humeur, mais ce que je veux dire aux jeunes enseignants, c’est qu’il faut prendre le taureau par les cornes et ne pas le lâcher. Il faut parler, échanger, se donner la main tout en demeurant critique, mais en se répétant, sans cesse, que les investissements que nous faisons sont profitables. Pour la première fois en 16 ans, je peux dire, sans mentir: «J’aime ma job.» Je sais, on dit Mon job. Même avec la Réforme!
(Je ne me suis pas relu.)
Bonne journée 🙂
Au risque de relancer le débat, j’estime qu’on avance à rien de dire qu’il suffit de lire les signatures pour déduire les positions des gens. Je ne suis pas l’homme d’une seule idée et encore moins d’une seule position.
Naïvement, je crois avoir appris à écouter et mes tripes et ma raison. Je ne crois pas que nous maquillons nos émotions en savantes pensées, mais bien que nous pouvons progresser dans notre connaissance du monde et de ce que nous sommes. Je crois aussi qu’au delà de la subjectivité de nos perceptions, il existe aussi la réalité des choses. De même, j’ai toujours eu à coeur de progresser dans mon métier et ma vie, malgré les moments difficiles et les écueils.
L’année dernière, j’ai décidé, après quinze ans de loyaux et bons services en cinquième secondaire, de me déstabiliser et d’aller enseigner en première secondaire en PEI. Je connais peu de profs qui ont osé (je sais, je manque de modestie…) de leur propre chef un tel changement. Ayant côtoyé des profs du primaire et étant entouré de collègues attentionnés et qui m’ont soutenu, cette expérience m’a beaucoup appris.
Mon regard sur cette nouvelle réalité scolaire s’est affiné. Dans certains cas, il a aussi bien changé. J’ai beaucoup appris et j’ai encore beaucoup à apprendre.
Ce long préambule pour vous dire que, malgré toute mon ouverture d’esprit et ma volonté de me remettre en question, j’ai pu constater au quotidien que le programme de formation actuel (inspiré de ce qu’on appelle la réforme) n’a pas porté ses fruits en première secondaire.
Il fonctionne assez bien auprès des élèves performants que j’ai, mais s’avère décevant par rapport au élèves ordinaires. Au PEI, par contre, j’ai bien l’intention de développer davantage la notion de projet, de coopération, d’interdisciplinarité et d’équipe de travail l’année prochaine. Les NTIC devraient également faire partie de ma classe au quotidien.
Au secteur ordinaire, les progrès significatifs que les élèves devaient accomplir, leur motivation à apprendre, leurs compétences développées, bien des promesses qu’on avait annoncées n’ont pas eu lieu. On peut le constater à travers des résultats, des témoignages de bonne foi d’enseignants qui ne cherchent pas à prendre la parole publiquement ou à défendre une idéologie pédagogique, des élèves eux-mêmes parfois.
La réforme, telle qu’annoncée, n’était absolument pas viable au secondaire quant à moi. Au primaire, à cause de multiples facteurs (implantation improvisée, financement inadéquat, etc.), elle a connu les ratés qu’on connait.
D’une pédagogie standardisée, on a imposé une pédagogie individuelle uniformisée pour tous. Ce n’est pas vrai que les jeunes apprennent tous de la même manière, en équipe, en coopération, par projet. Ce n’est pas vrai que le doublement est un choix pédagogique nuisible pour tous: d’un extrême, on verse, depuis quelques années, dans un autre. Ce n’est vrai que la compétence entraine automatiquement la connaissance.
La recherche d’un juste équilibre est une chose difficile, encore plus s’il n’y a pas la raison, s’il n’y a pas de constats basés sur la réalité des choses.
Après des années de changement, on est figé. Si un retour en arrière n’est pas souhaitable, l’application intégrale de ce qu’on a appelé la réforme n’est plus souhaitable, sinon c’est le signe qu’on n’a rien appris des années qui se sont écoulées.
Le progrès n’est synonyme de nouveauté, de changement, mais bien d’efficacité. Or, l’efficacité des méthodes actuelles est plus que discutable et peu prouvée par ceux qui les soutiennent. L’application intégrale de l’exemple finlandais est illusoire dans une société comme la nôtre. C’est à nous d’avoir le discernement de trier ce qui est possible, souhaitable, réalisable et efficace en fonction de notre société et des acteurs qui y oeuvrent.
Illusoire programme de formation…
Je ne trouve pas le Programme de formation de qualité, mais déconnecté. De nombreuses observations directes et l’avis de collègues me confirment toujours que les objectifs de formation de ce programme dépassent pour une large part les attentes raisonnables d’acquisitions des jeunes. On les lance très tôt, trop tôt dans des tâches exigeant beaucoup trop au plan cognitif pour leur rythme de développement.
En français, par exemple, la pratique consiste à faire critiquer des textes, pas un mais plusieurs à la fois en secondaire un… Personnellement, je vois des jeunes peiner en comprendre un seul. La compréhension de texte classique a presque disparu des manuels de Graficor avec lesquels je travaille. Partout, c’est le règne du structuralisme: observons le texte pour en copier la structure, scrutons les organisateurs, la théorie, oui mais le sens du texte? Faire des textes explicatifs en secondaire 3 avec des jeunes apprenants en écriture est un exercice difficile qui finit par être un apprentissage des limites du plagiat permis et non l’art subtile de faire comprendre quelque chose à quelqu’un. Comme si nos jeunes pouvaient devenir des vulgarisateurs de génie dès 14 ans? J’ai côtoyé des jeunes de secondaire 5 récemment qui peinent à comprendre les subtilités du monde, je n’étais pas mieux qu’eux à leur âge, mais ils se sont exprimés avec moults arguments récemment en évaluation du MELS sur les dimensions éthiques des biotechnologies. Wow!Que de la qualité, j’imagine dans tous ses essais! Déconnecté encore, ça me semble aller de soi… Mais bon, évidemment des génies et des écoles d’élites et de doués capables de pondre un texte potable, il s’en trouvera certainement. Des points de vue éclairés, pondérés par l’expérience, la réflexion, l’empathie, la prise en compte des conséquences, on pourrait en douter… L’utilité d’un telle mise en situation significatives: une fumisterie, pompeuse en plus.
Quant à leur faire développer un esprit critique qui ne serait pas soufflé par l’enseignant, je pense qu’on se goure royalement. Le jeune peine à se définir, il va se mettre à soupeser les objets du monde avec discernement par quelle grâce divine? Donnons-lui le temps de devenir lui-même avant d’exiger (je me parle même pas de lui permettre) de lui son jugement. Il vit la réalité de l’âne qui se croit tout-puissant de parole, sans expérience de la vie pourtant, est-ce sain? Déconnecté à mon sens comme le programme…
En math, même délire des méthodes de résolution de problème dès le jeune âge, méthodes portées à bout de bras par des profs devant faire de leur mieux avec un programme déconnecté. A côté, mes jeunes doués en maths ne connaissent pas leurs tables comme je les maîtrisais en 4e année. Il a fallu que je leur souffle la récitation comme voie de salut… Comment devenir un matheux sans avoir la tête bien solide d’automatismes intégrés? Ce printemps encore, un collègue de sciences constate l’accroissement substantiel du contenu et les évaluations présentées par le ministère sont irréalisables, trop ambitieuses comme en math l’année précédente. Et on ne veut pas du bourrage de crâne? Déconnecté…
A croire que les penseurs de la réforme ne sont pas en contact avec l’enfant pour savoir comment il se développe.
J’apprenais en psycho il y a longtemps que le développement de la pensée formelle est autour de 14 ans en moyenne. La gestion méta-cognitive me semblait difficile même jeune adulte sur un banc universitaire… Les jeunes qui peuvent évaluer leur pair sans tomber dans l’affectif sont rares…
J’ai appris ma phrase au secondaire, j’ai appris le texte au Cégep, la pensée à l’université, pourquoi avoir ce besoin urgent de faire de nos enfants de petits hommes ou femmes capables de faire des powerpoint brillants avec un contenu superficiel et donc inutile?
Pourtant, c’est de la neurobiologie qu’on devrait retrouver le bon sens pour se souvenir qu’un circuit neuronal se renforce dans la répétition et la réutilisation. Pourquoi avoir condamné l’école qui répète, qui construit, qui fait vivre de la maîtrise progressive? Pourquoi construire facticement dans le surf utilitariste? Sinon pour faire des jeunes et plus tard des humains sans consistance?
Les jeunes ne sont pas plus forts, plus sûrs d’eux, c’est une illusion Je constate plutôt qu’ils ne sont pas capables de prendre la critique, de recevoir la moindre rétroaction sans entrer dans une démarche nerveuse d’auto-justification et souvent ils se mettent en colère. C’est comme notre système financier, on ne veut pas savoir comment il va! Leur raisonnement est délirant et défensif… Souvent, il attaque d’avance pour bien mettre en garde l’enseignant évaluateur. Je n’ai même pas une valeur d’évaluateur à leur yeux, moi l’adulte, expert dans le domaine où ils apprennent. Il faudra la gagner à l’usure, dans la finesse et la manipulation subtile… Leur hauteur doit être vertigineuse… Bipolaire!
Mais beaucoup d’autres ne sont même plus là… Ils font leur temps, car ils ne suivent plus. C’est la multiplication des clones clowns! Qui s’arrange pour que la classe ne fonctionne pas, pour se cacher, se défiler, la culture de la dissimulation est une grande avancée de la réforme. Je crois qu’elle n’a jamais atteint autant de consistance que ces dernières années… C’est bien évidemment une attitude défensive.
Mon fils est sur le front de la réforme, il en aurait long à compter… Quand il écrit pour lui-même, il fait une faute presque à tous les mots. Il est dans les forts d’une école publique… J’ai eu son âge, je m’en foutais aussi, mais pour une faute par ligne ou trois peut-être… De toute façon, j’avais certains automatismes solides en moi qu’il n’aura jamais… Trop tard… Temps perdu à faire des singeries transversales et des travaux d’équipe où l’on travaille très peu en fait…
Non, il est temps qu’on regarde de près ce qu’on a fait… Qu’on ramène nos objectifs à une hauteur raisonnable, accessible…
Je suis un enseignant constamment déstabilisé par cette réforme, qui attend depuis longtemps que la réalité de l’enfant et de son développement revienne au centre de notre vision de l’éducation, à qui on demande d’évaluer sans repère, sans norme, sans balise dans des échelles de compétences ridicules et de garder des traces pour les procès quand le client n’est pas satisfait.
Malheureusement, votre foi inébranlable, à force, me devient suspecte.
Je débute souvent (voire presque toujours) mes conférences en demandant aux gens de se «méfier» de ce que je vais leur dire… La posture «du suspect» me convient!
Que le «programme dépasse pour une large part les attentes raisonnables d’acquisitions des jeunes» me paraît plus logique que de dire qu’il est vide, insuffisant ou manque de rigueur. Votre critique me paraît plus «recevable», si j’ose dire.
Pour le reste, je vous trouve un peu «dur» avec le potentiel des jeunes… Je veux dire… Si on continue à exiger ce qu’on exigeait, on risque de continuer à avoir ce qu’on avait. Non?
Merci de vous centrer davantage sur le programme dans vos critiques que sur cette réforme dont on ne sait plus trop ce qu’elle est devenue.
@Francis Poissant
Je suis un collègue d’univers social et certainement un des enthousiastes de la réforme. Une des choses que j’en préfère est que nos disciplines se rejoignent désormais en plusieurs intersections. J’en nomme deux auxquelles vous vous objectez : savoir vulgariser et développer un esprit critique, sont des compétences construites dans ma discipline, la vôtre et dans le programme en son ensemble. De même, certaines des choses que vous ressentez avoir un peu abandonné comme de développer la capacité à comprendre le sens du texte sont bien plus effectuées en histoire que par le passé. Dans les compétences, on trouvera aussi maintenant des liens interdisciplinaires plus forts entre l’histoire et les sciences que la culture, certes magnifique, qu’est l’histoire des sciences.
La réforme adopte un point de vue optimiste au sujet des capacités des élèves, je vous l’accorde -et la tâche serait colossale pour un seul prof- mais si plusieurs enseignants d’un même niveau et pendant cinq ans travaillent de concert, je crois qu’on peut arriver quelque part. À cet effet, j’ai confiance dans une école où on a le droit de tendre vers un but, et apprécier le voyage, sans sentir que la mission est un échec si on ne l’a remplie que partiellement. Quand je vous lis, j’ai cette impression : puisqu’il est impossible de développer ces compétences qui ne sont pas « plafonnées » si je puis m’exprimer ainsi, il serait inutile d’avoir des exigences aussi élevées envers nos élèves. Au contraire, je trouve carrément extraordinaire de lire la réponse d’un élève à une problématique qui aurait nécessité que je m’arrête à dépouiller les sources moi aussi. Même question, mêmes documents, et les attentes qui s’adaptent. C’est ça pour moi la maîtrise progressive.
Je suis enthousiaste, je vous avais prévenu, et loin d’avoir toutes les réponses, si vous saviez… Comme vous j’ai constaté que certains de mes jeunes font du temps, ne suivent plus. Est-ce que c’est la réforme qui est en cause ou bien est-ce parce que ces faux-forts étaient moins visibles derrière mon examen de choix de réponses ? Ce que je sais est que mes premiers élèves ont oublié le contenu de mes cours et que ce n’est pas par dans la répétition qu’on forme un historien. Dans ma matière, on perd peu à voir grand, à proposer des tâches complexes qui seraient un défi au secondaire, au cégep et à l’université. Pour que cette réforme, idéaliste certainement, soit réussie, elle présuppose qu’on travaille davantage ensemble. Mais j’ignore encore à peu près tout de votre programme. Venez me trouver!
Discussion intéressante, mais sans trop de conclusion possible.
Je relance ici mon idée que j’ai à quelques reprises propagée sur le blogue du RAEQ.
Je suis convaincu que la confection et la révision des programmes devraient être officiellement et ouvertement confiées aux enseignantes et aux enseignants eux-mêmes.
On sait que depuis des lustres, ils y travaillent activement, mais sans responsabilité directe et, pour ainsi dire, dans le silence.
Je pense que des programmes élaborés et défendues publiquement par les professionnels qui doivent ensuite les enseigner seraient mieux acceptés.
Bien entendu, le ministre donnerait son approbation finale et l’on peut imaginer aussi un organisme de contrôle pour s’assurer que les procédures ont été correctement suivies.
Je remarque par ailleurs que cette idée n’a jamais été relevée sérieusement par les enseignants au point où je me suis demandé si la raison n’en était pas qu’au total, ils préfèrent malgré tout le système en place qui leur pemet de le critiquer ad nauseam sans jamais parvenir à un consensus. Je me le demande vraiment…