Je ne suis pas le premier à en parler… Le rapport que François Taddei (généticien, chercheur en biologie des systèmes et spécialiste reconnu de l’évolution) a réalisé pour l’OCDE au printemps 2009 est en droite ligne avec plusieurs des constations qui se retrouvent dans les réseaux avec lesquels je travaille. Bruno Devauchelle écrivait que «la société de la connaissance ne le sera que pour ceux qui sauront apprendre». Rémi Thibert ajoutait: «Oui, il faut former à l’école des gens capables d’être autonomes par la suite, de transférer des connaissances, des compétences dans d’autres domaines, des gens capables d’adaptation…»
C’est le concept, «la capacité d’adaptation», que Libération a choisi de mettre de l’avant lorsqu’il a publié un article sur le rapport de Taddei…
«François Taddei vient d’achever, à la demande de l’OCDE, un rapport sur les orientations à donner à une réforme de l’éducation. Il a un credo, emprunté à Charles Darwin : «Les espèces qui survivent ne sont pas les espèces les plus fortes, ni les plus intelligentes, mais celles qui s’adaptent le mieux aux changements.» Et une conviction : le système le plus performant sera celui qui forme les meilleurs autodidactes.»
Par l’entremise de Michel Lévy de TEDxParis, je suis tombé sur cette vidéo où François Taddei revient sur certaines de ses idées dont les notions de créativité, d’adaptabilité et de collaboration.
Le rapport complet n’est disponible que dans sa version anglaise, «Training creative and collaborative knowledge-builders: a major challenge for 21st century education», mais le billet de Bruno comprend une traduction libre de quelques-unes de ses recommandations.
Je demeure fasciné dans le débat actuel par le nombre de personnes qui applaudissent (dont la journaliste Nathalie Collard) à un supposé retour en force «d’une approche plus classique, centrée sur l’acquisition des connaissances». Comme si le fait de vouloir qu’on sache agir avec ce qu’on sait était rétrograde. Et que dire du «savoir apprendre» qui est à la base du concept des compétences transversales dont plusieurs journalistes et syndicalistes se moquent sans savoir de quoi on parle. À ce sujet, je recommande l’écoute de ce court extrait d’une entrevue radio (4.2 Mo fichier mp3) en compagnie de Manon Bernard, présidente de la FSE-CSQ, incapable de renseigner le journaliste – et les auditeurs de Radio-Canada – sur une question simple comme la différence entre «connaissance» et «compétence». Pas étonnant que les syndicats aient mis autant d’accent à revendiquer de se contenter des connaissances… C’est François Taddei qu’il faudrait inviter au Québec pour inspirer certains leaders syndicaux!
Mise à jour du 27 février 2010: Sylvain Bérubé publie la lettre d’une jeune collègue de travail (Isabelle Arseneau) adressée à Claude Bernatchez, animateur du matin à la Première Chaîne de Radio-Canada, celui-là même qui a reçu la permanente syndicale dont il est question plus haut. Voici «Y en a marre de la désinformation – éducation au Québec».
On peut partager la position que tu défends et rappeler néanmoins qu’un principe général ne peut pas s’appliquer uniformément à tous les publics. Je pense aux plus jeunes: 5-9 ans. Quant à eux, ils apprendront à apprendre s’ils trouvent des professeurs qui veulent bien apprendre avec eux, au plus près. Les guider, les entraîner comme fait un coach. On peut souhaiter que les jeunes deviennent autonomes, et convenir que d’abord ils ne le sont pas. Je veux dire que ce n’est pas en faisant comme s’ils l’étaient toujours-déjà, ou comme s’ils devaient l’être toujours-déjà, qu’ils le deviendront mieux et plus vite. Qui disait qu’on ne fait pas pousser une plante en tirant dessus? Les plus jeunes ont besoin de leurs professeurs (ils disent volontiers leurs « maîtres »). Beaucoup de parents se dérobent. N’encourageons pas les profs à se dérober aussi. Je regardais un épisode de la série Monk, où l’on voyait qu’un père qui n’a pas appris à son fils à faire du vélo quand il était petit, en acceptant un temps de lui tenir la selle, eh bien ce père risque fort d’avoir un fils (ici c’était notre inspecteur Monk) qui restera bien longtemps incapable de faire du vélo tout seul… Il me semble que cette première étape des apprentissages n’occupe pas une place assez importante, aujourd’hui, dans la réflexion des meilleurs pédagogues: je pense à toi et à Bruno Devauchelle… Ce qui ne m’empêche pas, encore une fois, de regarder dans la même direction que vous…
Je place ce raport sur ma liste de lecture à faire. Elle s’allonge récemment! Je place ensuite ce nom sur ma liste pour un prochain colloque, barcamp ou autre activité d’envergure… 🙂 (J’ai de la suite dans les idées ou non?)
Je suis encore et toujours étonné que certains puissent rester cois face à ce vieux débat. Comment peut-on encore ne pas comprendre que la vraie rupture qui existe dans l’école d’aujourd’hui ne vient que d’un refus d’actualiser (et inventer) de nouvelles façon d’apprendre. Nos enfants se forment souvent seuls dans la transversalité sans méthode ni méthodologie car les enseignants ne disposent pas des clefs d’accès. Cela est souvent le résultat d’une volonté supérieure qui n’a pas su anticiper et qui maintenant est totalement dépourvue face à ce type d’apprentissages. Alors, combien de temps devrait-on attendre pour trouver les nouvelles façon de faire aborder ces nouveaux mondes ? Qui va s’y mettre et réagir ? Qui osera bousculer les traditions et chalmbouler les programmes, remettre en question les savoirs, les connaissances et donner de vrais compétences, y compris transversales ?
Je pense que personne ne remet vraiment en question les compétences, au fond. J’aimerais que mes élèves sont compétents en lecture et en écriture. Pas qu’ils me récitent bêtement des règles de grammaire sans les comprendre.
Seulement, l’idée de toujours construire son savoir et ses connaissances recontre en pratique bien des écueils. Certains élèves y arrivent. D’autres moins ou avec plus de difficulté.
La réforme a voulu imposer une méthode unique alors que les élèves ont des profils très variés. De plus, certains élèves ont besoin de connaissances avant d’aller vers l’inconnu. D’ailleurs, cette démarche de partir du connu pour aller vers l’inconnu est bien normale.
Très honnêtement, je crois que ce type d’enseignement est plus adapté au monde du secondaire qu’à celui du primaire. Mais, au Québec, on a voulu partir cela avec les tout-petits. Ce qui fut souvent une erreur. On a manqué de discernement à bien des égards, d’ailleurs.
De plus, encadrer des élèves en découverte est terriblement exigeant et notre réseau de l’éducation n’a jamais disposé des ressources pour affronter une telle approche. Ce n’est pas parce que les profs se pognent le beigne ou parce qu’ils sont d’un naturel conservateur.
Je travaille souvent en projet. Mais ma tâche est bien gérable et vivable parce que je suis avec des élèves forts. Avec des groupes ayant des élèves présentant des difficultés, il faut parfois des efforts qui finissent par épuiser tout enseignant normal.
La réforme s’est cassé les dents lors de son implantation au secondaire alors que c’est là qu’elle aurait dû procurer beaucoup de plaisir aux enseignants. Mais ceux-ci ont déchanté devant des élèves toujours aussi faibles (on nous avait promis mer et monde), des programmes irréalistes et des évaluations parfois fantaisistes.
Contrairement à ce qu’affirme M. Papineau, le socio-constructivisme n’est pas une méthode d’apprentissage. Construire ses savoirs est un phénomène universel. On n’a pas à amener nos élèves à le faire. Ils le font tout seuls, comme tout le monde d’ailleurs. Le défi de l’enseignant est d’en tenir compte et d’amener ses élèves à modifier ses représentations pour que celles-ci soient conformes aux savoirs disciplinaires acceptés. Pour y arriver, il doit d’abord amener ses élèves à se questionner. On peut s’entendre sur le fait que la méthode ne sera pas la même en français qu’en univers social.
Amener des élèves à comprendre le phénomène de la création monétaire dans le système bancaire, par exemple, exige un détour par les représentations initiales qu’ils ont de la monnaie. Il faut faire en sorte qu’ils remettent en question ces représentations pour les amener à adopter une représentation conforme à la réalité. Voilà pour le socio-constructivisme! Comment faire? C’est à l’enseignant de trouver le meilleur moyen d’y arriver, selon les élèves qu’il a devant lui. Il n’y a pas de recette magique; il y a juste de bons profs.
L’École n’est plus le premier lieu de transmission « brute » du savoir, soit. Mais pour un jeune elle demeure le premier et presque le seul lieu où les savoirs transmis sont un tant soit peu passé au tamis de l’esprit critique et véritablement situés en contexte.
Comme si le fait de vouloir qu’on sache agir avec ce qu’on sait était rétrograde.
Ce n’est pas rétrograde, ce n’est juste pas réaliste de vouloir savoir agir sans une bonne connaissance ancrée dans certains domaines. Avant de faire des résolutions de problème, des démarches et des communications de démarches qui sont des compétences adultes, il faut peut-être apprendre et maîtriser un ensemble d’algorithmes. Avant de disserter, faut peut-être faire pas mal d’analyse et d’exercices de contrôle et de mémorisation. Dans la cuvette des projets culturels du cours secondaire, ce ne sera pas possible. Bref, avant de se prendre pour Einstein, on doit en passer par les bases.
Je suis un fervent de l’école manière ancienne qui vise une maîtrise des bases et ça ne m’a jamais empêché de bien m’adapter à mille contextes à la mesure de mes possibilités. Y a pas de méthodologie pour l’adaptation, désolé… y a l’essai et l’erreur et l’expérience. Et un côté voyageur. Curieusement, je ne m’adapte pas à vos paradigmes, car ils ne s’ancrent pas dans la réalité… mais dans une vision projetée de l’avenir.
M. Trudeau,
La critique du socio-contructivisme n’est peut-être pas toujours la méthodologie la plus efficace. Je vois très bien l’utilité de jouer avec la socio-contruction naturelle (encore qu’il faudrait démontrer qu’elle l’est) dans votre exemple, ou dans plusieurs domaines de savoir.
Ma critique de la réforme, et probablement celle de M. Papineau, et de bien d’autres, tient dans le fait que l’on ait imposé à tous âge et à tous les domaines une méthodologie unique: la pédagogie de projet pour arriver à l’objectif d’apprendre.
Or, dans le domaine des langues, surtout au niveau de la base, c’est assez difficile et peu efficace. Savoir questionner et remettre en question suppose certains préalables comme la solidité de certaines connaissances antérieures. Parfois, elles doivent être longuement renforcées avant de passer à l’étape des nuances…
Qu’on redonne aux spécialistes de matière, dans une réflexion pertinente, le pouvoir de mettre en place les méthodes les plus efficaces de transmission de certaines connaissances, préalables aux compétences…
Car sur les finalités de l’école, on s’entend, je crois fort bien tout le monde. On vise les compétences dans des domaines et une capacité d’adaptation.
C’est la méthode et les étapes pour y parvenir qui créent des problèmes. Pourquoi tenir mordicus qu’on fasse tous, sans tenir compte, du niveau de l’apprenant ni des contraintes propres à certains objets d’apprentissage, la même chose?
J’aime beaucoup l’idée énoncée par M. Taddei qui dit que ce ne sont pas les espèces les plus intelligentes qui survivront mais bien celles qui ont un plus haut niveau d’adaptabilité. Je pense que c’est exactement ce qui mine l’école en ce moment: elle n’arrive pas à s’adapter assez rapidement aux intérêts des jeunes, au rythme de la société et aux changements dans notre mode de vie.
L’écart se creuse. Tout nous indique que cette institution ne répond plus du tout aux besoins des élèves. Au contraire même, elle les rebute et les repousse.
Serait-elle en train d’aller à contre-courant?
Aurait-elle perdu contact avec la société?
L’école ne sert plus à rien si elle n’arrive pas à remplir son rôle d’éducation auprès des jeunes. De plus, elle n’est pas efficace si elle vit en vase clos sans tenir compte de la communauté qui l’habite et lui donne sa raison d’être. Pour reprendre l’exemple de M. Taddei, l’École devrait faire comme Alice au pays des merveilles qui court très vite pour rester en place. Cependant, elle fait tout le contraire et s’est arrêtée de courir. Elle n’est donc plus à « la même place » que la société qui l’entoure. J’irais même jusqu’à dire qu’on a l’impression qu’elle n’a plus « sa place » dans la société…
Grâce à la technologie, nous avons accès au savoir plus facilement qu’auparavant mais l’École ne nous offre encore que l’ancienne façon d’obtenir le savoir et d’apprendre. Pas étonnant de s’apercevoir que les jeunes perdent tout intérêt pour l’École.
Oserais-je le dire mais je crois que le discours sur la réforme de l’éducation est suranné. Nous ne devrions plus en être là. Nous devrions être en train de considérer la suite, pas de penser en termes « d’avant réforme » mais plutôt de nous projeter dans l’avenir, vers ce qui s’en vient en tenant compte des possibilités d’aujourd’hui. C’est le propre de l’Humanité; nous avançons constamment. L’évolution ne va jamais à reculons. Nous n’avons jamais considéré l’idée de retourner en arrière aux années d' »avant la télé » ou d' »avant la radio » ou d' »avant l’électricité ». C’est tout simplement impensable. Pourtant, en éducation, il semble que cela se fasse très bien. Encore des choses stériles qui ne font que ralentir l’école dans son évolution.
Ah! le fameux argument de s’adapter aux «intérêts des jeunes»! Et que fait-on si les intétêts de certains jeunes sont toujours à court terme, visent une satisfaction immédiate et s’opposent à la notion de travail ou d’effort?
Que fait-on avec certains jeunes qui n’ont pas d’intérêt pour la culture autre que celle qu’on leur vend et le langage qu’ils baragouinent entre eux?
L’école a pour but de sortir l’élève de son individualité, pas de l’y enfoncer.
Pour ce qui est de partir de ce qu’il sait…
La meilleur façon c’est de transmettre les mêmes bases à toute la classe et procéder ensuite à partir de ces derniers. Au moins là on parlera de ce qu’ils savent et on perdra moins de temps avec les caprices de chacun.
Et si ça c’est pas assez bon, on a un ministère de la santé avec d’autres institutions plus adaptées aux cas par cas problématiques.
Pis la technologie donne accès à de l’information, pas des savoir. L’info c’est un objet, savoir c’est un état.
Comment l’éducation peut-elle évoluer si la relève des enseignants n’y est même pas préparée? Les beaux discours pour ou contre la réforme sont inutiles dans le programme d’enseignement des futurs enseignants. La technologie est là, elle est devenue nécessaire pour faire partie de la société du présent. Il faut que les futurs citoyens, actuellement assis sur les bancs d’école, sachent l’utiliser à bon escient. Le système d’éducation doit modifier sa vision des choses, du primaire à l’université, non seulement sa façon de faire.
Je me demandais si je devais répondre à Mario…
Voici ce que je crois que je vais publier, qu’en pensez-vous? Vous avez beaucoup influencé ma perception de la réforme, j’aimerais bien avoir votre avis sur ma critique…
En gros, Taddei nous dit qu’il que l’école doit former des autodidactes, des créatifs qui prennent des risques. Je ne suis pas contre le principe (en éducation supérieure surtout) mais…
Si l’école pouvait se contenter SEULEMENT d’être un BON lieu de transmission du savoir (et un milieu de vie culturel et sportif pour le parasco.), ça serait déjà BEAUCOUP. On met vraiment trop souvent la charrue devant les boeufs…
J’aimerais que l’on réfléchisse à la nature des génies, Newton, Mozart, Leibniz, etc., je veux dire des gens «bons» en création juste pour voir les modalités d’émergence de leur incroyable talent et du contexte par lequel il s’est développé. Nous pouvons travailler nos textes comme nous le voulons, nous sommes «riches», je me demande parfois à quel point Voltaire, Rousseau, Goethe, Kant, avaient la chance de travailler leur texte.
Les modalités techniques rendaient le travail d’écriture et de réflexion beaucoup plus difficile qu’à notre époque, je PRÉSUME qu’ils devaient intérioriser un bon nombre de processus que nous couchons désormais sur l’écran. Je pense qu’ils avaient leur création «dans la tête» avant de l’inscrire sur papier. De nos jours, les artistes trans, multi, pluri, interdisciplinaire essaient, «gossent» et évaluent directement AVANT même de réfléchir à ce qu’il veulent dire ou faire. Si on fait la même chose en science, en lettres, je me demande si cette technologie et cette interdisciplinarité ne sont pas en train de nous rendre un peu nonos…
On ne peut généraliser et étendre à l’éducation ce que l’on observe avec des génies, mais on peut constater que la maitrise et l’automatisation de processus cognitifs extrêmement complexes libèrent de l’énergie et de l’attention pour que l’artiste ou l’expert puisse vraiment faire quelque chose de novateur. La question à poser est donc : quelle structure scolaire et quel curriculum sont favorables aux développements de ces techniques? Quelle est généralement la réponse, surtout pour les élèves socialement défavorisés? On commence à la connaitre et on a même au Québec une certaine évaluation de Théorêt et coll. sur les effets néfastes d’une certaine pédagogie.
http://www.infobourg.com/sections/editorial/editorial.php?id=10409
De toute façon, ceux qui ont développé des logiciels novateurs, l’Internet ou qui sont en ce moment des EXPERTS ne sont pas nés avec l’informatique et les TIC et se sont pourtant eux qui enseignent et développent des applications. Si on sait LIRE, ÉCRIRE, COMPTER ET RÉFLÉCHIR, l’adaptation aux nouvelles technologies se fait naturellement. Une révolution technologie peut tout aussi bien survenir demain matin et rendre caduc les efforts d’assimilation de techniques complexes tant une nouvelle interface simple peut tout révolutionner.
Mais pour poursuivre dans le coeur du propos de Taddei :
Tu veux de la créativité? Fais tes gammes! La «drill» mécanise des opérations complexes qui libèreront ton énergie lorsqu’elles se feront toutes seules, on ne s’épargner cette peine. Lire Mihaly Csikszentmihalyi si cette question vous intéresse, Le populaire Malcom Gladwell, dans Tipping Point ou Outliers http://www.gladwell.com/outliers/index.html nous explique que ce qui fait la différence, c’est le 10 000 heures de pratique dans un domaine. La «compétence», c’est d’abord et avant tout une question d’exercice.
Voilà la raison d’être du BLED, j’entends trop souvent des profs de français me dire que les étudiants connaissent les règles, mais ne savent pas les appliquer, c’est normal, ils n’ont pas fait les centaines d’heures d’exercices pas trop signifiants, mais tellement nécessaires pour être au-dessus de leurs affaires en écriture. La maitrise de la règle doit être ORGANIQUE, pas «construite par moi dans mes ti-projets que j’ai réfléchis très fort»… En tout cas, c’est pas cette réflexion-là à 7 ans qui va t’aider à passer ton Épreuve uniforme à 18 ans, c’est la diligence de tes profs qui t’auront offert les exercices et les auront évalués pour pas que tu passes trois sessions dans les centres d’aide…
Maintenant, étudions le point de vue de Taddei :
»Whereas the environment is becoming less predictable, formal education still too often prepares students for a static world. Whereas students will have to collaborate in interactive and interdisciplinary teams, they are still too often trained in a competitive mode that divides the acquisition of knowledge into disciplines ».
Tu veux être multi ou pluri ou interdisciplinaire? Apprends les bases de chacune d’elle! La division par discipline n’est pas fortuite, elle renvoie à des catégories et des perspectives qui correspondent aux appréhensions humaines du réel. L’école doit donc se charger d’abord de ça…
Si la base de l’apprentissage se fait sur les connaissances antérieurs, l’arrimage de savoirs et de savoirs faire complexes sollicitera l’acquisition des connaissances déclaratives élémentaires au préalable, c’est là je trouve un bel objectif pour le primaire et le secondaire.
Ceux qui prêchent «que le monde change et que l’éducation doive s’adapter, qu’elle est en retard, auraient intérêt à revisiter leurs classiques (Hérodote, Thucydide Tite-Live, Machiavel) et quelques modernes (Benjamin,Gramsci et Arendt), le monde ne change pas tant que ça, une certaine classe instrumentalise ce qui est à sa disposition comme pouvoir pour provoquer un certain affaiblissement de ses opposants potentiels et pour favoriser le cours de la fortune en fonction de ses intérêts. Malheureusement, on évacue les connaissances des cours d’histoire qui sont préalables à la compréhension de cesdites structures.
Toujours Taddei
«le système le plus performant sera celui qui forme les meilleurs autodidactes»
Voilà le projet humaniste de la Renaissance, un certain Montaigne touche à la question, je crois… Au coeur du projet? L’apprentissage des langues, LA LECTURE DES ANCIENS et l’exercice de l’esprit critique.
Et pour terminer, Teddei insiste sur l’existence de certain darwinisme pédagogique, qu’est-ce qui l’autorise appliquer ce postulat : «Les espèces qui survivent ne sont pas les espèces les plus fortes, ni les plus intelligentes, mais celles qui s’adaptent le mieux aux changements», et à l’appliquer au monde de l’éducation?
Ça veut dire que si une société traverse une passe très très corporatiste, pendant, disons deux décennies, seules les écoles qui se seront adaptées à ce changement survivront, en produisant des entrepreneurs autodidactes. Que perdra-t-on au change? Si notre entrepreneur devient gestionnaire et qu’on lui soumet des projets demandant, par exemple, une évaluation des qualités esthétiques d’un projet, mais que nulle part, le curriculum n’a incité notre entrepreneur à développer des connaissances et à exercer son jugement en art, et disons qu’il décide de ne pas utiliser son jugement d’autodidacte pour demander de l’aide sur le sujet, mais qu’il utilise plutôt ses compétences autodidactes comptables, lesquelles lui permettre de choisir un projet très économique, mais absolument nul sur le plan du design de l’environnement ou de critères architecturaux, pour reprendre Teddei contre lui, les décideurs »don’t know what they don’t know », d’où l’importance pour l’école de précisément reconnaitre sa fonction, son rôle de médiation, de transmission d’un bagage essentiel.
Lier l’école à la contingence des modes peut être extrêmement dangereux, on devrait plutôt militer pour que l’école soit justement indépendante des humeurs du très court terme. C’est de cela qu’on parle, quand on évoque l’idée de la «tour d’ivoire», ce terme ne devrait jamais être perçu comme un terme péjoratif.
Baillargeon, dans ses écrits, explique d’ailleurs la différence entre progressisme scolaire et progressisme politique. Le premier n’est pas nécessairement au service du second. Teddei, dans son rapport (c’est palpable dans ses premières recommandations), me semble disposé à diffuser la nécessité de comprendre de cette nuance.
ironiquement, c’est dans le paragraphe sur la grammaire que je vois des fautes d’accord assez atroces
(les centre, les exercices signifiant)
j’ai justement pas fait assez de BLED…
DSL
Note de Mario: J’ai corrigé quelques coquilles. Ne vous en faites pas avec ça… Je vous reviens avec un commentaire plus substantiel.
Le meilleur moyen d’apprendre à apprendre ne serait-il pas d’abord, d’apprendre, pour de vrai ? Doit-on obligatoirement être en rupture avec les traditions en matière d’enseignement pour être de son temps et additionner quelques possibles en terme de stratégies pédagogiques? Si c’est plus difficile de considérer en certaines circonstances des stratégies plus ouvertes, si les ressources dont disposent les profs ou les écoles ne sont pas suffisantes, doit-on baisser la tête et se dire qu’il faudra attendre un meilleur contexte pour innover, surtout quand on se sait en présence d’élèves qui en bénéficieraient? L’important «tamis de l’esprit critique» n’exige-t-il pas que parfois, l’information entrant dans la classe arrive par les sources qu’utilisent les élèves pour s’informer au quotidien et que nous les profs, soyons au rendez-vous pour le construire et permettre aux élèves de l’emporter avec eux («l’» étant le tamis)? Doit-on se contenter de ce qui est réaliste en éducation? Peut-on se demander collectivement d’envisager d’en faire plus que ce qui est réaliste sans dénigrer ceux qui font bien ce qui est réaliste? Ceux qui critiquent le fait que la pédagogie de projet ait été présentée trop souvent comme «l’unique modèle» veulent-ils simplement nous dire qu’ils conçoivent bien qu’elle peut s’avérer très utile, dans certains contextes avec certains élèves?
Toutes ces questions me sont venues suite à la lecture des 12 premiers commentaires. Je remercie chacun d’ailleurs, de sa contribution.
Par l’intermédiaire de ce commentaire sur un autre blogue M. Charles, vous semblez dire que c’est l’avis de la personne s’affichant sous le pseudo de Jonathan Livingston que vous souhaitez lire à propos de votre «critique» publiée au commentaire #13. Je me permets de vous donner le mien.
Je suis assez d’accord avec le fait que ce serait déjà bien que l’école soit «un BON lieu de transmission du savoir (et un milieu de vie culturel et sportif pour le parasco)». Mais ce ne serait pas suffisant, comme le titre de ce billet le suggère. J’ai toujours pensé que la meilleure façon d’obtenir peu des étudiants et des élèves était de ne pas beaucoup leur en demander. Je crois toujours aujourd’hui que de leur demander de savoir agir avec ce qu’ils savent est un bon moyen de s’assurer qu’ils veuillent toujours en savoir plus. Je ne suis pas contre «la maitrise et l’automatisation de processus cognitifs extrêmement complexes». Je dormais avec ma balle de baseball en main du temps où j’étais lanceur dans une ligue élite et j’ai expérimenté que la répétition pouvait engendrer l’amélioration. À l’école, du temps où nous étions «école ciblée», il y avait toujours de l’espace pour des exercices et de la répétition. Croiriez-vous que les étudiants de ces classes qui utilisent les blogues et les projets pour apprendre ne répètent pas les mêmes processus en vue de les raffiner et de mieux apprendre? Le contexte de leurs apprentissages (ils ne travaillent pas que pour leur prof, ils savent qu’ils sont lus) favorise à la fois leur motivation à répéter et ils sont encouragés à faire plus d’efforts.
Si «le monde ne change pas tant que ça», il change… c’est déjà ça. «S’adapter», ce n’est pas un synonyme «d’être en rupture» avec le passé. Vouloir former «les meilleurs autodidactes» ne veut pas dire «refuser l’aide de ceux qui veulent m’enseigner». C’est peut-être seulement vouloir être certain de ne pas créer de lien de dépendance envers eux…
Bonjour Mario,
Tout d’abord merci pour les coquilles de l’autre texte…
Je suis évidemment content d’avoir votre avis (et en plus, on est numériquement chez vous…) et j’insiste encore une fois pour saluer votre ouverture au dialogue.
Je ne peux de mon côté qu’être d’accord avec vous quand vous écrivez que « la meilleure façon d’obtenir peu des étudiants et des élèves était de ne pas beaucoup leur en demander. »
Toutefois, je pense qu’il faut « leur en donner d’abord» et je parle ici d’information et de méthode pour l’organiser. Les projets qui font, dans une école ou même à l’extérieur, beaucoup de lumière et de bruit font-ils autant d’étincelles neuronales internes que d’artifices externes?
Je suis tout à fait d’accord avec l’idée d’insérer les TIC et les projets, dans la mesure où ceux-ci sont des suppléments, des aides, mais non le squelette d’un cours.
Je vous donne un exemple anecdotique, j’ai demandé à des étudiants de faire des recherches à la bibliothèque, je voulais ainsi les initier aux références, aux revues spécialisées, aux sections liées à leur discipline et enfin au moteur de recherche et au catalogue de la bibliothèque.
J’ai un étudiant «super branché», il a un «blackberry», s’il pouvait avoir un Ipad, je suis certain qu’il en aurait un. J’avais émis une consigne bien claire, pas d’Internet, pas de wikipedia pour répondre aux questions de mon exercice. Les étudiants devaient trouver des informations qui existent physiquement, localement, concrètement dans la bibliothèque.
Mon étudiant branché a vraiment eu l’ai d’une âme en peine, trop habitué à Google, il peinait à faire une recherche par mots-clés sur un logiciel plus spécialisé. Je sais qu’ils ont eu une initiation complète lors d’un autre cours, c’est donc surprenant que mon étudiant ne se soit
pas débrouillé autrement. Ce n’est pas un cancre (je n’aime pas ce mot de toute façon), ni un paresseux, mais ce n’est sûrement pas un cas isolé, il n’a juste jamais eu besoin de développer d’autres habilités. N’oublions pas que les TIC deviennent de plus en plus intuitifs, je dirais donc qu’il faut discriminer l’étudiant véritablement habile à développer divers savoirs, et celui qui est « branché », car ce dernier jouit peut-être simplement d’un avantage économique sur ses pairs, et non d’une véritable expertise.
Lors de la rétroaction sur l’exercice, il nous a expliqué qu’il s’était toujours débrouillé sans avoir à passer par la bibliothèque ni à consulter des bases de données disponibles. Je ne peux généraliser à l’aune d’un cas singulier, je me méfie simplement que des compétences technologiques remplacent des compétences qui devraient être antérieures dans la chaine du développement des savoirs et des savoirs-faire. Comme les jeunes côtoient un monde ou Internet était là avant eux, il y a un phénomène d’horizontalité dans l’accès aux informations
disponibles.
Il faut donc instruire les jeunes et leur permettre de développer des méthodes pour faire des discriminations efficaces. Les anciennes divisions disciplinaires me semblent précisément des lieux qui auraient particulièrement adaptées, il y des topiques, des délimitations, des structures dans les disciplines. La connaissance précise de connaissances et des méthodes de chacune permet précisément de développer des aptitudes à la recherche (par exemple) qui peuvent ensuite être l’objet d’un transfert à mesure qu’elles se précisent. En les refondant (ces disciplines) en divers champs agglomérés, lesquels sont traversés par des compétences pouvant être développées d’un champ en l’autre, peut-être avons-nous complexifié l’accès à la connaissance.
J’entends par là qu’il faut alors être un expert de cette réorganisation des savoirs et un expert de notre discipline puis un aventurier des autres disciplines. Ce n’est pas à la portée de tous les profs.
Je me demande donc si le rapport de Taddei ne peut pas nous leurrer dans les avenues qu’il préconise :
«Knowledge-building Innovative methods of collaborative knowledge-building have been tested in 19 countries, based on theories developed in Canada by Marlene Scardamalia and Carl Bereiter. According to them, this approach can have broad impact:
“Knowledge-building has been shown to yield advantages in literacy, in 21st century skills, in core-content knowledge, in the ability to learn from text, and in other abilities. However, it is a fact that knowledge-building involves students directly in creative and sustained work with ideas that makes it especially prom ising as the foundation for education in the knowledge age.”
The main principle is that in knowledge-building, work involved in the creation and improvement of ideas can be a source of learning. Adult knowledge-workers produce knowledge, simultaneously learning and updating their skills. Scardamalia and Bereiter argue that although achievements may differ, the same process can occur from the first grade to the PhD and after in working life, and that the software platform they developed, Knowledge Forum, can be adapted to all age groups. » (p.39)
La citation est longue, mais pour faire référence au blogueur dont je réclamais l’avis (Jonathan Livingston), la pierre angulaire de son propos est que au contraire de Taddei, l’APPRENTISSAGE NE FONCTIONNE PAS DE LA MÊME MANIÈRE CHEZ L’ENFANT, L’ADO ET L’ADULTE.
Pour construire son argumentation, il utilise à la fois ses connaissances en psychologie, son expérience d’enseignant et son analyse des programmes. Je ne peux soutenir scientifiquement la validité de ses propositions, mais je peux affirmer qu’elles ont du moins de fortes cohérences internes.
Ma conclusion préliminaire consiste donc à dire que les méthodes les plus centrées sur l’enseignement doivent être prépondérantes en début de parcours scolaire, et celles dont le spectre tend vers l’apprentissage doivent être situées en fin de parcours. Le cloisonnement disciplinaire doit également être strict et les disciplines doivent se recouper seulement quand la base de ces dernières commence à être connue et maitrisée, ce qui nous amène plus ou moins à l’épreuve synthèse au Cégep.
Je suis intervenu parce que les propositions et les recommandations de Taddei, bien qu’elles semblent stimulantes écrasent les hiérarchies que je propose. Mais ce n’est pas parce qu’il blesse mon ego que je m’y oppose ( je vais utiliser toute méthode susceptible d’accroitre la réussite de mes étudiants, si elle est validée, même si elle déconstruit mes croyances), mais parce qu’elle induit une « horizontalité des connaissances » qui ne correspond pas à ma compréhension du savoir, des sciences cognitives et de la psychologie de l’apprentissage. Bien qu’il semble démocratique, le progressisme pédagogique n’est pas garant d’un libéralisme politique ni d’un progressisme social.
Je finirais même en soulignant que le rapport de Taddei contribue plutôt à détourner le débat dans plusieurs pays , débats où certains proposent aussi un retour à un enseignement plus traditionnel. Je comprends que sa proposition est celle d’une école qui peut être instrumentalisée, le vocabulaire de ses propositions en fait foi. Le rapport Taddei est alléchant, car sa vision inspirante, son appel à la créativité font rêver. Mais retenons qu’elle tient plus du «quikfix» qui nous sort momentanément de la confusion des savoirs que j’ai évoqués plus haut, que d’une vision structurée et philosophique de ce que devrait être l’école. Par contre, je salue évidemment ses appels à un investissement plus soutenu en éducation.
Je ne peux donc qu’être d’accord avec vous, Mario, sur l’utilité des outils, des TIC et des projets, du moment qu’ils servent d’appoint à l’enseignement, mais ils ne peuvent, à mon avis, servir de socle. Je suis donc comme vous favorable à «l’adaptation», mais à l’intérieur de balises précises.
Pensons par exemple à l’informatique, nous n’avons pas vraiment développé de cours d’informatique au niveau élémentaire. La génération X ou Y en tout cas n’en a pas eu. Les habilités informatiques sont aujourd’hui un bon exemple d’une compétence transversale (mais peut-être que je me trompe sur la définition exacte de ces dernières), que nous utilisons d’un domaine à l’autre. Par contre, sur le plan informatique, nous ne sommes pas indépendants, nous sommes liées par l’industrie, par le capital, par les stratégies commerciales. Si nous avions eu des cours de programmation, la base alphabétique d’une société de l’information, nous saurions généralement fonctionner sous LINUX, nous aurions une société qui bidule des applications, gratuitement. Il existe bien un mouvement «open», mais nos gouvernements et le MELS n’en font pas la promotion. Dans mon école, nous fonctionnons sous Windows et sous office. Est-ce normal?
Je vois là des générations de consommateurs de TIC pas de compétents en TIC. Un individu créatif, instruit et compétent innove, démocratise. Nous consommons les technologies, nous n’en sommes pas les maîtres. C’est ce que j’entends quand je dis que l’éducation est instrumentalisée. Un enseignement disciplinaire et non transversal aurait fait de nous des individus critiques sur le plan informatique… Taddei ne semble pas vouloir inverser la vapeur.
J’ai longtemps hésité à participer à cette discussion, trop éloignée de mes préoccupations et de mon microcosme quotidien…
Je m’étonne qu’il y ait encore débat sur la supériorité de telle ou telle méthode.
Je ne dispose pas de la culture scientifique nécessaire pour argumenter en faveur/défaveur des uns ou des autres.
Je m’appuie sur mon simple parcours et ma pratique quotidienne.
=> De mon point de vue, l’école n’est pas le système scolaire !
L’école d’Afrique, d’Asie, d’Europe ou d’Amérique vise à transmettre savoir-faire et savoir-être, tandis que le système scolaire vise à inculquer les règles et les connaissances utiles/nécessaires pour vivre au sein de la société dont il est lui-même issu.
L’école s’appuie sur l’individu, tandis que le système scolaire traite du groupe.
Je m’étonne que cette discussion n’est apportée aucune réponse concrête à la question sous-jacente à l’origine de ce billet : le savoir peut-il se transmettre ?
Gaël, nous avons tous pris pour acquis, je crois, que le savoir pouvait se transmettre.
Voilà pourquoi nous avons été attirés ailleurs, par ce débat 😉
Ah !
Personnellement, je crois que le savoir s’acquiert…
Sans cette attitude volontaire de l’apprenant, j’ai le sentiment que la transmission n’est qu’une chimère…
Au contraire… on est en plein dans vos préoccupations :
le titre et le propos de votre billet posent la question de la transmission des savoirs et de la nécessité de dépasser cet impératif, vous nous présentez Taddei afin d’étoffer ledit point de vue.
L’école, du moins dans certains pays, est tributaire du système scolaire qui la régit. Le système scolaire relève de l’autorité politique, or c’est cette dernière qui impose ensuite les «régimes». L’autorité a choisi, au Québec, un régime «pédagogique», un programme «pédagogique» et un curriculum «pédagogique» (les compétences) au détriment d’une approche «disciplinaire». Nous ne sommes donc pas ici dans le débat entre telle et telle méthode, mais dans l’exposition d’une structure qui en impose une de manière verticale. Taddei est pour une plus grande ouverture, mais il se pourrait que son rapport serve à la fin inverse : cautionner un système scolaire qui « produit » des individus à la curiosité limitée, parce qu’aux connaissances limitées.
Revenons à Taddei, son message est inspirant et il semble partisan d’un certain progressisme politique. La transmission d’un savoir ne suffit pas, il veut que les jeunes se questionnent, qu’ils critiquent et qu’ils soient autodidactes.
La raison de mes interventions ne porte en fait que sur ce constat, je suis d’accord avec les finalités de Taddei, je me permets par contre de répéter ce que d’autres ont dit mieux que moi : cette atteinte d’idéaux progressistes (politiques) a peu de chance d’arriver, en contexte d’enseignement de masse, si l’école est soumise à des programmes moulés selon la pédagogie progressiste.
On nous présente Taddei, c’est bien, mais lorsqu’on lit son rapport, on constate qu’on peut facilement l’instrumentaliser pour cautionner un progressisme pédagogique qui dissimule un conservatisme politique, c’était la démonstration de mon commentaire précédent.
Par là, j’entends que l’on oriente les jeunes vers le développement d’aptitudes qui visent un arrimage avec le «monde réel» et qui permettent la démonstration d’une véritable maestria chez ces derniers, démonstration qui sert de preuve pour l’évaluation positive du système scolaire, mais pendant ce temps une partie de ce qui faisait la valeur de l’école, justement la communication d’un savoir humaniste, liée à une tradition féconde et culturellement riche, est doucement évacuée. Le programme d’univers social au secondaire est, je pense, l’exemple le plus probant de ce type de détournement. Comeau, Lavallée, Lavallé, Rioux et Favre expliquent ce dernier mieux que je pourrais le faire.
Le savoir peut-il se transmettre? Taddei nous parlant de ses macaques nous le prouve certainement. Par quelles modalités opératoires cognitives et communicationnelles le savoir se transmet-il, c’est là une question complexe j’en conviens.
C’est justement la complexité d’une telle question et son impact qui exige de la discuter avec transparence. C’est ce que j’ai tenté de faire en analysant très sommairement quelques conclusions du rapport Taddei, en allant au delà de la beauté de la petite vidéo. Si c’est bien d’encourager les jeunes à agir concrètement dans leur milieu, cette action ne doit pas occulter l’objectif primaire de la transmission d’un savoir structuré et universel, lequel est garant, malgré son conservatisme pédagogique, du développement l’esprit critique. Conservatisme susceptible d’accoucher d’individus plus politiquement engagés et progressistes…
Taddei est lui-même l’héritier d’un tel système et chez nous, les pères de la modernisation du pays qui ont tout bouleversé (Lesage, Parizeau, Lévesque ou même Trudeau) étaient issus d’un système pédagogique conservateur.
En terminant, je pense que derrière la créativité, si chère à Taddei, se cache la discipline. Pour ceux qui s’intéressent à cette question et qui n’ont pas encore lu Mihaly Csikszentmihaly, c’est un incontournable :
«La créativité, ce vétéran de la psychologie positive, prof à l’université de Chicago, l’a étudiée avec pragmatisme et humanisme. Pendant des années, avec ses étudiants, il a interrogé des centaines de « créateurs » reconnus, aussi bien artistes et poètes que chercheurs et savants. Le résultat est un modèle touffu, passionnant et impossible à résumer.»
http://www.nouvellescles.com/article.php3?id_article=866
http://www.cgu.edu/pages/1871.asp
Oups… encore pardon Mario.
En début de mon commentaire, j’aurais dû écrire à Gael : le titre DU billet (et non de votre billet ) comme si le dernier commentaire était de vous.
Mes commentaires sont vraiment trop longs, l’important vraiment c’est les liens sur Mihaly. Ces livres peuvent vraiment nous aider.
Charles
Les plus importantes recherches expérimentales et méta recherches menées ces trente dernières années sur les approches ou les méthodes d’enseignement tendent à démontrer l’avantage des pratiques pédagogiques centrées vers un enseignement systématique et soutenu des apprentissages de base. Ces résultats sont d’autant plus probants quand on tient compte des effets de ces approches sur les plus jeunes enfants, les enfants provenant de milieux défavorisés ou les élèves en difficulté.
Jeanne Chall, qui a mené plusieurs de ces recherches expérimentales et qui a elle aussi conclu aux avantages des approches centrées sur l’enseignant, a toutefois écrit dans la conclusion de son dernier ouvrage qu’il existe dans certaines recherches des indices à l’effet que l’avantage des approches centrées sur l’enseignement puisse être moins marqué auprès d’élèves du second cycle du secondaire. Si d’autres études confirmaient ces résultats, nous pourrions explorer la possibilité que chacune des approches, centrées sur l’enseignant ou centrées sur les élèves, peut avoir ses propres avantages selon le niveau scolaire ou le niveau de développement des compétences des élèves. Nous pourrions alors émettre l’hypothèse que les approches plus systématiques et centrées sur les apprentissages de base sont plus efficaces avec certains apprenants : soit avec des novices confrontés pour une première fois à l’apprentissage de connaissances ou d’habilités de base, soit avec des élèves dont la maturité scolaire est insuffisante ou encore avec d’autres dont le niveau de développement des compétences, pour différentes raisons, est trop bas.
Il serait alors possible de penser qu’à mesure qu’un élève chemine, consolide sa base de savoir et ses compétences et devient relativement plus autonome, on puisse recourir à des approches davantage considérées comme étant « centrées sur l’élève ». J’ouvre ainsi la porte à l’idée d’un continuum différencié. Ça reste à être testé.
Et j’ajouterai à votre proposition, Monsieur St-Pierre, que l’interdisciplinarité devrait elle aussi être réservée à la fin d’un parcours, alors qu’un cloisonnement disciplinaire plus strict serait préférable en début de parcours.
De cette manière, le «rattrapage» pour les élèves passés plus systématiquement sans avoir les connaissances requises en serait facilité.
Moi, mon problème, c’est qu’on ait ce genre de discussion alors qu’il y a 12 ans, on a implanté une réforme complète de l’enseignement au Québec en imposant presque de façon unilatérale une façon d’enseigner.
Ce que M. St-Pierre a écrit a beaucoup de sens. Chaque âge commande peut-être sa façon d’enseigner. Autant de sens que quand plusieurs et moi le pensions il y a 12 ans.
Mais maintenant que le chaos règne dans le système de l’éducation, on fait quoi?
Luc,
On continue le combat pour que la vérité se comprenne davantage que les a priori imposés jusqu’à ce que notre système s’améliore vraiment. Pas trop de choix.
On démonte patiemment les mécanismes de l’illusion.
On rappelle, entre autres, aux gens, «cracks» d’informatique, qui ont la chance, dans de bonnes écoles avec une clientèle favorisée, d’expérimenter l’enseignement avec des portables que l’immense majorité des profs, pas «craks» d’informatique nécessairement, se débattent avec des jeunes en grandes difficultés, ou avec de grands retards, avec des manuels réformes et des incitations à perdre leur temps dans des activités non rentables académiquement. Pire, ils doivent se cacher souvent tellement il est mal vu d’utiliser des techniques traditionnelles dans sa pédagogie.
Sans méthodologie claire et reconnue, avec le support matériel technologique nécessaire, comment croire que nous pourrons entrer dans cette réalité chantée par les progressistes? Encore, qu’avant de nous empêcher de dormir par les acquisitions nécessaires à cette révolution du fonctionnement scolaire, plusieurs aimeraient avoir des preuves tangibles de l’efficacité d’un tel changement. Mais bon, personnellement, je crois que nos pays soit disant riches touchent le fond du baril en ce moment et ne peuvent plus se cacher derrière une finance moderne qui a maquillé notre appauvrissement depuis les années 80 et l’illusion de la liberté à 55 ans qu’on a fait miroiter à une classe moyenne qui s’est en contrepartie fort assagie dans sa participation au capitalisme. On va devoir rendre des comptes bientôt et donc les coûteux portables n’entreront pas dans les écoles de sitôt… A mon avis, les finances publiques sont encore une fois au bord du gouffre, si ce n’est cette fois un abysse. On aura plus urgent à faire, comme payer les comptes et aider les gens à manger.
En ce moment, ouvrir les fenêtres de l’école, pour bien des profs sur le plancher des vaches du régulier, a plutôt l’effet de devoir faire gérer des risques que de nombreux élèves se jettent par la fenêtre et je crois que, sur ce chapitre, nous sommes déjà imputable!
Le mur à mur de la pédagogie de projet, inscrite dans nos programmes et prescrite obligatoire, est à remettre en perspective et c’est urgent! Défaire le mensonge qu’on colporte ces derniers temps qu’on a jamais empêché d’enseigner des connaissances, qu’on relise son programme. En français, l’enseignement des connaissances est un «temps d’arrêt» inscrit dans une démarche de projet et absolument pas autre chose: un projet d’intégration des connaissances acquises par exemple.
Pour moi, les murs pédagogiques ne sont pas à la même place que l’exergue de ce blogue le suggère.
La «différentiation pédagogique» doit laisser la place à la différenciation pédagogique vraiment et laisser l’enseignant maître d’œuvre sans le culpabiliser du choix de la pédagogie appropriée!
Le rôle des sciences de l’éducation est de l’informer des informations vérifiées lui permettant de le guider pas de l’endormir avec une doctrine idéaliste et argumentée à la manière d’un néo-libéralisme compétitif pour survivre à la complexité du monde.
Ces visions apocalyptiques ou exaltées ne légitiment pas la non éducation.
Au sujet du commentaire de J. Livingston,
voir la conférence de C.Lamontagne sur le site de l’université de Sherbrook – une réflexion des plus fondamentale sur la pédagogie – et ce dans la mèque de la réforme!
En effet Jonathan, il semble que notre expertise en pédagogie soit bien moins avancée, que notre technologie le suggère.
celle-là?
http://www.usherbrooke.ca/carrefour/archives/archives-des-conferences/2005/bien-sur-quils-apprennent-mais-enseignons-nous-vraiment/
@ Charles,
Oui, celle-là!
François Taddeï, devrait se convertir à la politique :
Une mise en scène bien léchée, des propos et un développement sur des thèmes mille fois répétés, envisagés, étudiés, éprouvés ……
Des petits traits d’humour à multiples degrés.
Puis pour terminer, voilà ce que j’ai fait, ça a valeur universelle, alors puisque J’ai sauvé le monde, suivez MA théorie, bougez vous !
En bref, contenant et communication – 20/20
contenu et information – 3/20
comme à chaque élections, après des années de militantisme je vote BLANC, là c’est pareil.