L’expression «Communauté de placoteux» vient d’un article du Devoir d’aujourd’hui rapportant les paroles de Lise Bissonnette. Et ce n’était pas pour faire l’éloge de ceux qui commentent sur le Web et «qu’on prend à tort pour l’expression de l’opinion publique». C’était plutôt l’expression d’une «charge contre l’effet blogue, Facebook et Twitter que Lise Bissonnette a menée hier, lors d’une conférence à la bibliothèque de l’Assemblée nationale.» Le reste, on pourra le trouver dans l’article d’Antoine Robitaille, «Lise Bissonnette pourfend gazouillis et placotages».
Après Nathalie Petrowski et Josée Legault qui n’avaient été plus tendre avec la «culture des blogues», c’est au tour d’une autre grande dame de pourfendre l’expression sur le Web, en particulier chez les journalistes politiques…
«Mais la plupart du temps, déplore-t-elle, les reporters se dispersent «sur de multiples plateformes»: participation à des émissions de radio et de télé, ou alors entretien d’une «page Facebook», d’une «ligne Twitter», quand ils ne rédigent pas des blogues! Elle doute que cette «frénésie d’hyperactivité Web» contribue à faire progresser le journalisme politique. Au contraire, les énergies des meilleurs journalistes sont alors «dispersées» et «la communauté de placoteux» qui commente au bas des textes et autres entrées forme un «public gazouillant» qu’on prend à tort pour l’expression de l’opinion publique.»
Sur Twitter aujourd’hui, nous étions quelques-uns à convenir que ce sujet de la dispersion pose d’intéressantes questions qui méritent réflexion. Mais tout comme Rémy Charest, je trouve que l’utilisation de l’expression « communauté de placoteux » est franchement condescendante! Cette façon de regarder de haut les gens qui participent au dialogue sur le Web témoigne du regard extérieur de celle qui n’a pas fait l’expérience de ce mode «d’entrée en relation» avec une communauté de lecteurs. Le même Rémy Charest donnait un bon exemple de «mobilisation» que permet le regroupement des «placoteux» dans ce qui est convenu d’être appelée «l’affaire Robinson»; le Web, il me semble, permet le recours à des ressources difficilement accessibles auparavant, du moins, pas à la même vitesse. On peut dire que ce n’est pas un exemple qui touche le journalisme politique, par contre. D’ailleurs, à ma connaissance, peu ou pas de journaliste «politique» n’ont commenté cette prise de position de celle qui fut intronisée au Panthéon du journalisme canadien en 1996.
J’aimerais bien poser la question à… un Michel Hébert, par exemple. Avec ce qu’il publie aujourd’hui sur son blogue, je me demande ce qu’il pense des propos de Mme B…
«Hébert le placoteux», tiens!
N.B. J’oubliais… Nathalie Collard revient sur les propos de Mme Bissonnette sur son blogue aujourd’hui.
Mise à jour du 9 avril: Josée Blanchette poursuit la réflexion de Lise Bissonnette sur la question de la dispersion (et du «placotage sur le Web») dans un billet sur son blogue à Châtelaine.
Mise à jour du 10 avril: Au tour de Nathalie Petrowski cette fois: «Gazouillis de placoteux». Une chronique beaucoup plus nuancée qu’au moment de sa dernière incursion sur les blogues dont je parlais plus haut. Très peu de blogueurs (et encore moins de «politiques») ayant réagit (mais elle n’est pas sur Facebook ou Twitter pour lire ce qui s’est dit), c’est ironique de penser qu’elle serait la première à écrire que «madame Bissonnette y va un peu fort en disqualifiant tout ce qui se fait sur le web au plan politique». Elle a aussi noté la condescendance de l’utilisation du terme «placoteux». Sur l’autopromotion et l’autocongratulation, elle marque aussi de bons points, n’en déplaise à Michelle Blanc qui, de toute façon, sera flattée d’autant d’attention. Mme Petrowski a en commun avec Mme Bissonnette de traiter de ce sujet en étant à l’extérieure de la communauté Web. C’est dommage pour elles de ne pouvoir apprécier les bénéfices «du travailler ensemble». Faut-il être de l’intérieur pour entendre le signal à travers le bruit? Enfin… j’aime bien cette réaction sur Twitter de Marc Desjardins: «Ne nous cachons pas que l’auto-promo éhontée a enlevé de la crédibilité au medium. Par contre, on pardonne si le contenu est fort.» Autre réaction chez Laurent qui propose «un combat de boue»…
Mise à jour du 10 avril en soirée: L’écoute du contenu de l’allocution en entier de Mme Bissonnette place certaines choses en perspective. S’ajoute la réplique de Michelle Blanc pimenté de «Google juice» et ce billet de Marie-Claude Ducas.
Mise à jour du 12 avril: Autre billet sur le sujet, celui de de Michelle Sullivan que j’hyperlie à cause de cet extrait: «Les journalistes se disent garants de la démocratie. J’ose espérer qu’avec le temps, tous finiront par reconnaître l’importance du droit de parole, que cela se fasse sur la place publique … réelle ou virtuelle.» Il y en aurait d’autres à citer, mais je crois bien qu’à ce stade-ci, le sujet est épuisé…
Mise à jour du 15 avril: Paraît dans La Presse ce matin «Pertinents gazouillis», écrit par un journaliste blogueur, Jérôme Lussier.
Mise à jour du 16 avril: Décidément, il y en a à chaque jour… Aujourd’hui, c’était «Un gazouillis persistant», chez Christiane Charette et «Touche pas à mon Twitter !», de Sophie Durocher.
Mise à jour du 22 avril: Suite à ma participation à un enregistrement télévisé, je partage quelques notes sur le sujet: Une critique éclairée de l’utilisation des médias sociaux est-elle possible?
Mise à jour du 24 avril: Antoine Robitaille recueille de nouveau les propos de Mme Bissonnette ce qui lui permet de préciser sa pensée sur ce sujet. Ça donne «Lise Bissonnette, une anti-gazouillis?».
Tags: "La vie la vie en société"
Madame Bissonnette était rédactrice en chef du Devoir quand elle m’y a engagé comme critique de télévision. C’est donc une personne de goût et de bon jugement. 🙂
Ce qu’elle a fait par la suite à la Grande Bibliothèque est oeuvre d’Histoire, de culture, d’architecture et de richesse urbaine.
N’ayant pas vu la conférence, j’aurais tendance à penser qu’elle est citée peut-être pas hors-contexte, mais hors nuances. Ce n’est pas son genre de se prononcer avec force sur un sujet qu’elle ne semble pas connaître.
Elle est extraodinairement brillante, cultivée, curieuse et les propos cités font étalage d’une opinion dépassée et ignorante. Ça ne lui ressemble pas. Ou ce n’était pas elle. Ou quelqu’un a mis du poison dans sa soupe. Je demande un second examen, votre honneur.
Comme je l’ai souligné sur le blogue de Mme Collard, je pense que Lise Bissonnette a voulu surtout souligner l’éparpillement des journalistes. Ce que Nelson Dumais a déjà très bien exprimé dans son billet «cul-de-sac 2.0»: http://blogues.cyberpresse.ca/technaute/dumais/2010/03/12/1007745/
Et pour le «placotage», il faudra un jour se brancher… Les spécialistes du web s’entendent habituellement pour décrire Twitter comme un gros fumoir où se retrouvent les fumeurs pour jaser ou que ce serait l’équivalent des conversations autour de la machine à café dans une entreprise… Si ce type de conversation n’est pas du placotage, je ne sais pas ce que c’est.
À mon sens, Twitter et FB sont des réseaux de placotage et de mémérage. Faudra tout de même avouer que la très grande majorité des tweets publiés font dans le monologue, le commérage et cie.
Cela dit, j’y trouve toujours mon compte et m’en amuse grandement. Il faudrait peut-être simplement descendre le pied d’estale un peu. Là, on a le vertige parfois.
Sur les réseaux sociaux, on trouve de tout, du plus léger au plus sérieux. Il n’y a pas que du placotage. Dans un journal, à ce que je sache, il n’y a pas que des articles de fond. Il y a aussi du placotage et des futilités. Le débat n’est vraiment pas là. Le débat est simplement que la tribune collective n’appartient plus aux journalistes. Et c’est là tout le changement que ça suppose, comme je l’exprime ici : http://paysanurbain.com/2010/04/09/gazouillis-revolution-twitter-snobs-et-autres-placoteries/