Privé d’accès Internet hier à l’Université Concordia, je n’ai pu utiliser Twitter ou bloguer sur ma participation à cette première journée complète d’activités à l’École d’été de l’Institut du Nouveau Monde. Je me reprends ce matin, à l’aube d’un deuxième contact avec mon groupe du parcours «À go, on change le monde», profil «développement de projet». J’ai fait hier la connaissance avec des jeunes remplis de capacité!
Nous avons d’abord appris à former un groupe à travers nos différences. Chacun a pu se présenter, décrire son projet et situer l’endroit où il est rendu dans sa démarche de mise en oeuvre. Pour la plupart, il s’agissait dans ces premières étapes d’apprendre à nous communiquer plus clairement les motivations à la base du projet et surtout, élaborer sur le problème de société à la racine du projet. Chacun avait sa petite idée de ce qu’il voulait faire, mais nous les avons encadrés de façon à ce qu’en une minute, ils apprennent à nous dire exactement qui ils sont, ce qu’ils veulent changer et comment ils envisagent de le faire. Beaucoup de progrès a été fait par les jeunes avec qui j’ai travaillé. Je vais me garder pour le moment de nommer les projets sur lesquels ils «bûchent», mais j’ai été agréablement surpris de constater que les jeunes sont dans le concret. Il y a certes quelques «idées folles», mais un sens du réalisme me paraît animer cette joyeuse bande d’entrepreneurs social composée à majorité de jeunes femmes.
L’activité de hier après-midi s’est terminée par l’obligation de devoir discerner l’étape du cheminement de projet sur laquelle ils ont le plus de chemin à parcourir avant de pouvoir se mettre en oeuvre. Nous allons reprendre avec ça cette après-midi. Personnellement, j’avais un petit devoir à faire pour une participante qui a un projet en éducation. Elle avait utilisé une expression pour illustrer son ambition auprès des gens visés par son projet («attiser la flamme des jeunes») et je lui avais promis de retrouver une citation (et son auteur) qui pourrait lui être utile. La voici:
«Eduquer ce n’est pas remplir un vase, c’est allumer un feu.» (William Butler Yeats)
À l’origine, cette citation est en anglais… (Education is not filling a bucket, but lighting a fire).
En fin d’après-midi, je suis allé assiter, tel que prévu hier, à la table ronde «Le Web : cause ou solution à la crise des médias ?». Animée par Sandra Rodriguez, cette discussion a débuté très lentement puisque le premier tour de table offrait à chacun des intervenants un premier huit minutes qui est resté dans les généralités. La plupart des intervenants ont nié l’existence «d’une crise des médias». Bernard Descôteaux en particulier a parlé de «nécessaire période de mutation», tout au plus, alléguant que les problèmes de certains quotidiens aux États-Unis qui ont dû fermer boutique étaient liés à d’autres sources que le Web. Louise Lantagne de Radio-Canada s’est positionnée comme étant très méfiante d’une vision «apocalyptique». Pour elle, Internet «est un instrument de promotion extraordinaire et un lieu d’expérimentation inusitée». Sophie Cousineau de Gesca était préoccupée par le iPad et le sociologue André Mondoux a tenté de cerner les enjeux d’un passage du «nous» au «je».
Le débat s’est animé quand des questions venant des membres du panel et de la trentaine de participants ont pu être posées. J’ai personnellement été déçu de ne pas sentir que ces représentants de grands médias (trois sur quatre) n’avaient pas abordé le sujet des nouvelles relations à construire avec ces gens qui peuvent produire et diffuser du contenu. Surtout, je leur ai partagé mon étonnement que personne ne semble avoir de plan pour mieux utiliser le déluge de données qu’ils peuvent tirer des fréquentations de gens qui utilisent leurs sites Web. Un des jeunes présents a même demandé au directeur du Devoir «à quand un site Web au Devoir qui me reconnaît et qui s’ouvre sur la section économique si c’est celle que je fréquente le plus sur votre site ? À quand des publicités ciblées sur mon profil d’internaute ?». Nous n’avons eu droit qu’à des réponses évasives. À une question portant sur Wikileaks, Mme Lantagne a même été obligée d’admettre qu’elle ne connaissait pas ce site. M. Mondoux en a profité pour disqualifier «tous ces wikis dont on ne peut jamais vraiment savoir si du contenu valide s’y trouve, tellement les sources sont invérifiables».
Les échanges se sont terminés sur une excellente question d’un autre jeune participant: «Garder le sceau de qualité, la crédibilité de vos médias… de vos «marques», qui ont souvent le haut du pavé… Comment vous allez faire? Votre marque a toujours été forte… Maintenant que tous peuvent publier… diffuser… comment vous aller faire?» La question est arrivée un peu tard, mais j’ai eu l’impression que les intervenants du panel avaient réalisé que les membres de l’auditoire n’étaient pas si rassurés de la «non-existence d’une véritable crise des médias». La journaliste Sophie Cousineau semble celle qui avait le regard le plus juste sur l’ampleur des défis à surmonter et j’ai aimé son attitude qui consistait à poser les questions, apporter quelques faits (parfois, chiffres à l’appui) plutôt que de tenter de rassurer tout le monde.
L’école d’été de l’INM a offert hier une très belle première journée. Je quitte à l’instant en direction de l’Université Concordia, espérant en vivre une aussi bonne aujourd’hui, muni d’un Internet sans fil fonctionnel, cette fois! J’espère aujourd’hui pouvoir rencontrer les jeunes qui tiennent ce blogue «des reporters officiels de l’École d’Été de l’INM 2010» qui vient d’être mis en ligne.
Mise à jour du 14 août: Ça me fait drôle de lire «Où est mon iSauveur? de Sophie Cousineau après avoir écrit ici, ce billet…
Mise à jour du 19 août: Deux autres billets sur le sujet du Web comme cause possible ou solution à la crise des médias, chez Sophie Labelle et sur le blogue du 30.
Tags: "...à d'où je viens" "Institut du Nouveau Monde" "La vie la vie en société" LesExplorateursduWeb
Petite précision (mise en contexte) à propos de cette citation que vous m’attribuez : nous parlions de référencement – journalisme – où la vérification de la source est cruciale. Par ailleurs, ma phrase suivante a été « je n’ai rien contre la consultation de wikis pour aller dénicher d’autres sources de référence moins ‘volatiles' ». De plus, je crois avoir été assez explicite quant à la crise des médias : bien réelle et sous certains aspects bien méritée. Enfin, simple commentaire : prenons garde aux propositions «à quand un site Web au Devoir qui me reconnaît et qui s’ouvre sur la section économique si c’est celle que je fréquente le plus sur votre site ? À quand des publicités ciblées sur mon profil d’internaute ?», car, bien que louables en soi, elles ouvrent également une porte sur la banalisation de la surveillance. Gardons donc l’oeil ouvert…
Ceci dit, merci pour ce billet donnant une occasion de s’exprimer et je vous remercie pour la qualité de vos interventions à l’atelier d’hier. J’espère que nous aurons un jour l’occasion de discuter ensemble plus longuement sur ces sujets aussi fascinants qu’importants.
Ayant moi-même assisté à la table ronde Le Web : cause ou solution à la crise des médias?, j’ai pu constater que l’attitude des représentants des médias traditionnels face à leur audience était caractéristique de ce qu’ils reprochent aux publications Web, c’est-à-dire que leur message sur l’absence de crise des médias, bien que présenté comme basé sur des faits réels et établis, en était fondamentalement un de relations publiques.
Le fait que ces représentants des médias traditionnels soient au parfum des techniques propagandistes utilisées sur le Web 2.0 et les transposent dans leurs propres médias, et ce, au lieu de mettre à l’avant l’accessibilité accrue à l’information et à la publication de contenu synonymes de démocratisation, prouve qu’ils perçoivent encore Internet comme une source d’inspiration technique et de lecteurs.
En ce sens, je suis d’accord avec Mario Asselin : les médias traditionnels manquent une occasion en or de transformer leur façon d’envisager le rapport à l’information, one-to-many à many-to-many, chose qui sera probablement nécessaire à leur survie.
@André Mondoux
Merci pour la mise en contexte sur la question des wikis. Je n’avais pas bien saisi votre position sur l’existence (ou pas) de la crise des médias; merci de l’avoir précisé, car il m’avait semblé que vous aussi, pensiez qu’il ne fallait pas conclure en ce sens. Ce sera un plaisir que de discuter de ces sujets, en présence l’un de l’autre «un de ces quatre!»
@Frédérick
C’est un plaisir de retrouver ici et à l’INM mon cher (N.B. J’ai connu Frédérick au moment où il était au secondaire). En théorie, les médias ne veulent manquer aucune occasion de questionner leur façon de faire. On a vu hier, qu’en pratique, il y a encore beaucoup à faire…
Ajout J’attire l’attention des gens passant par ici sur l’excellent billet de Frédérick sur le blogue de l’École d’été de l’INM.