Je me répète chaque jour jusqu’à quel point la somme de ce qu’il faut savoir est immense pour continuer de pouvoir exercer un jugement critique tous azimuts.
Je pense aux jeunes en particulier… Le monde qui les entoure est en constant changement et la rapidité avec lesquels ces changements surviennent contribue à mettre une pression énorme sur les individus, les familles et les organisations.
C’est en partie ce que j’avais en tête au retour de mes vacances. Seulement quelques jours hors du Québec (et hors ligne aussi) et la somme d’informations que j’avais à rattraper était impressionnante. Je viens à peine de tout consulter mes fils RSS, mes courriels et de retourner les appels urgents… deux jours à temps plein au travers de mes autres préoccupations!
Les communautés au centre des préoccupations
Parmi les sujets les plus documentés de ce que j’avais à me réapproprier, le monde des communautés. Ce premier texte de Frédéric Bascuñana sur ReadWriteWeb France est une forme de déconstruction du «community manager» qui m’a beaucoup plu:
«On ne « gère » pas une communauté. C’est une notion que nous avons inventée, le plus souvent pour nous rassurer, parfois aussi pour étoffer des offres de prestation, crédibiliser les dispositifs de communication via les médias sociaux qui prolifèrent.»
Il faut se montrer critique envers la nature de cette fonction d’emploi qui semble vouloir prendre racine dans notre paysage institutionnel et corporatif. Tous les animateurs de communauté ne tentent pas de galvauder le réel sens de «communauté», mais il s’impose de remettre les pendules à l’heure sur ce vocable du «community management». Ce texte «Le mythe du Community Management ne survivra pas à la réalité du Trust Management» y contribue beaucoup. Je relisais ce que François Guité écrivait le 4 janvier dernier dans «Médias sociaux et silos» et ça me semblait aller dans le même sens:
«Tant que nous ne valoriserons pas la critique au sein de nos communautés, nous pouvons difficilement revendiquer un statut de professionnel.»
Sans éducation aux TIC, les jeunes peuvent devenir de la chair à canon des cultures numériques qui les attendent
Comme si j’avais besoin d’être motivé dans ma réflexion, j’ai trouvé chez France culture d’autres arguments pour illustrer l’urgence d’agir dans le contexte de l’éducation aux nouvelles technologies (lire le billet publié hier). À l’émission «Place de la toile», Xavier Delaporte rencontrait Yann Leroux un dimanche avant Noël pendant une heure où ils discutaient de l’inconscient du Web. L’extrait en sous-titre vient de Yann à qui je dois plusieurs autres sources de réflexions souvent basées sur du vocabulaire inusité (je me souviens de digiborigène, entre autres). Sur Twitter, il ajoutait suite au gazouillis de l’extrait sur «la chair à canon» qu’un «lumpenprolétariat numérique est en train de se construire sous nos yeux» et il n’a pas tort. Je vais répéter ce que j’ai déjà écrit ici, mais la situation sur les blocages Internet dans les commissions scolaires n’a presque pas évolué…
«C’est plus dangereux de ne pas éduquer devant la présence de dangers potentiels que de mettre à l’Index et de risquer que les jeunes soient confrontés aux mêmes dangers (hors de l’école) sans les moyens d’y faire face».
La puissance des réseaux ouverts
Je n’arrive pas à comprendre pourquoi on s’acharne à mettre des masses d’argent dans des environnements fermés qui ne motivent pas les jeunes, habitués aux dispositifs de publication de contenu qui les aident à se construire une identité numérique. Dans un billet sur son blogue, Marielle Potvin me rappelait l’existence d’une courte vidéo construite par Roberto Gauvin au sujet de l’utilisation des blogues pour améliorer l’apprentissage de l’écriture et de la lecture. J’y suis cité à deux reprises et un de ces extraits représente un énorme pan de mon credo en éducation:
«Je m’oppose à ces anciens réflexes [qui consiste à repousser le plus loin possible le moment de se produire en public]. J’encourage les enseignants à ouvrir les robinets… c’est en écrivant et en recevant des avis, en cherchant à se corriger et en se faisant montrer, accompagner, en privé et de préférence, en public que nous augmenterons le nombre de ceux qui écrivent bien.» (source)
Le nombre de ceux qui choisissent d’agir auprès des étudiants avec des environnements ouverts augmente (un exemple par ici), mais j’en suis rendu à penser que sans un coup de force, certains gestionnaires vont continuer leur pratique du blocage uniquement dans le but de forcer l’utilisation de dispositifs qui ont coûté très cher et qui sont à contre-sens de ce qui motive les jeunes à lire et à écrire.
Le monde change…
«La première décennie du 21e Siècle a commencé en Occident ce 11 septembre 2001 (écroulement de deux tours à New York) et s’est terminée le 28 novembre 2010 (écoulement d’un quart de million de télégrammes volés au gouvernement américain).»
Je sais que je pousse un peu loin. Cette citation provient d’un excellent billet de Martin Lessard sur Wikileaks. Le billet lui-même n’avait pour but, aux dires de l’auteur, que «de mettre par écrit les faits, suite au ban de Wikileaks, question de se rappeler de quels bords certaines compagnies sont». Le titre de mon billet de blogue est inspiré de ce texte de Martin. Je comprends que l’école doit exercer une certaine résistance aux changements pour assurer aux élèves qu’elle n’est pas ouverte aux modes proliférantes et aux lubies des fantaisistes. La possibilité de diffuser du contenu par monsieur/madame tout le monde est indéniable. Dans une société de l’abondance de ces contenus qui circulent de toute façon dans l’environnement des jeunes, la seule réponse possible est l’éducation. Le repli sur soi expose l’école à l’insignifiance et condamne les élèves à en sortir sans les outils pour discerner le vrai du faux, le beau du laid et le réel du virtuel. Je ne veux pas de cette école, tout comme je suis prêt à me bagarrer contre ceux qui croient qu’il est sage d’en savoir le moins possible sur ce que s’échangent nos dirigeants dans leurs conversations privées sur les sujets d’intérêts publics.
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