La vidéo qui résume la conversation d’une heure avec François Legault est excellente pour témoigner du ton de nos échanges, mais elle s’avère incomplète au niveau du contenu. Je reviens aujourd’hui avec quelques réflexions que je veux conserver.
Le rôle des directeurs et des directrices d’écoles dans des écoles autonomes et responsables
Une des raisons pour laquelle le courant a si bien passé entre M. Legault et moi est que nous croyons fermement que de la direction d’une école doit avoir la maîtrise de davantage de leviers pour être en mesure de donner de la force à un établissement scolaire. Sur le dossier de l’évaluation des enseignants, M. Legault m’a paru ouvert à une forme de «contre-pouvoir» (que pourrait incarner l’Ordre professionnel des enseignantes et des enseignants), mais l’essentiel du leadership doit venir de la direction. Autonome dans les décisions d’engagement du personnel, responsable dans la supervision pédagogique, animateur du projet éducatif, présent et proactif auprès de la communauté éducative et gestionnaire efficace des ressources de l’école, la direction d’établissement scolaire n’est plus asservie à une autorité extérieure, invasive et trop préoccupée par son image et le maintient de sa bureaucratie. Nous avons évoqué la problématique de la démocratie scolaire dans ce contexte et il y a de nombreux défis à relever pour que les parents et les citoyens retrouvent le goût de s’engager dans l’école. J’ai proposé à M. Legault d’investiguer du côté d’une formule qui susciterait l’engagement démocratique qui favoriserait le sentiment d’appartenance au palier local (au niveau de l’établissement). La représentation régionale ne devrait-elle pas partir du local, voire du conseil d’établissement, si on souhaite une vraie décentralisation en éducation? L’école doit avoir le moyen de ses ambitions. Sur ce point, l’automne devrait être composé de plusieurs échanges et M. Legault souhaite avant tout débattre des moyens à prendre pour arriver à des structures administratives allégées en éducation. Je me suis évidemment engagé auprès de mon interlocuteur à animer la conversation sur ces sujets, à ma façon…
Le Web participatif, un gouvernement plus transparent et des données ouvertes
Beaucoup d’écoute de M. Legault sur ces sujets et de l’ouverture. C’est ce que j’ai senti, véritablement. M. Legault possède un bagage politique déjà très impressionnant qui a le mérite de pouvoir rassurer la population, mais qui pourrait aussi «l’enfermer» dans des comportements prévisibles. Le vent de changement qui souffle au Québec et ailleurs dans le monde n’est pas sans titiller la curiosité des leaders comme M. Legault. Cette idée de donner accès au plus de données brutes possible et de laisser les citoyens «construire» avec, M. Legault ne l’entendait pas pour la première fois. Il m’a confié être à la fois étonné et intrigué par ce concept «des données ouvertes» que certains officiers de l’appareil de l’État avec qui il est encore en contact lui parlent sous le sceau de la confidentialité. Pas étonnant qu’il ne puisse bien comprendre tous les tenants et aboutissants autour de ces questions quand on réalise que les professionnels de la fonction publique doivent eux-mêmes marcher dans un corridor très étroit pour aborder ces questions avec «des politiques». Je suis parti du principe que M. Legault croit énormément au principe de responsabiliser les gens le plus près de là où l’action se déroule. Je lui ai soumis la lecture de ce billet de Lyne Robichaud et je lui ai fait valoir que d’autres internautes veulent connaître l’ouverture de la Coalition pour l’avenir du Québec sur ce sujet qui questionne la gouvernance des affaires publiques. Évidemment, j’ai partagé à François Legault mes déceptions (et mes quelques rares bons coups) sur l’utilisation du Web en politique. Je crois que mon témoignage sur le nombre de mes batailles perdues sur ce terrain de la politique et du Web participatif a pu lui mettre une certaine pression quand est venu le temps de répondre à la fin de notre entretien à la question «On termine ça par une petite vidéo M. Legault?». Le résultat n’est pas si mal, même si sur le plan technique j’aurais pu faire mieux. Reste que la réaction du numéro un de la Coalition a été rafraîchissante… Il avait vécu avec Charles Sirois cette expérience d’une vidéo destinée au Web et il se surprenait de la simplicité de ma démarche. «On a fait ça sur un coin de table, ça nous a pris cinq minutes et on a parlé directement aux enseignants, sans trop se compliquer la vie; ça n’a rien à voir avec le tournage vécu avec Charles…». Bienvenue dans la conversation et le dialogue sur le Web M. Legault!
Autres sujets
Notre conversation nous a permis de mieux nous connaître. C’est en parlant de nos enfants et des jeunes que nous côtoyons puis de notre rapport à l’éducation que nous avons fait cela. Pour une première rencontre, c’était au-delà de mes attentes. Ce contenu restera privé, on le comprendra. Sur le sujet du lien entre les résultats scolaires et l’évaluation des enseignants, je crois que la vidéo résume bien notre position: il y a lieu de prendre son temps et d’écouter tous ceux qui ont des choses à exprimer sur ce sujet, les experts comme ceux qui sont animés par des opinions. La critique des tests standardisés aux États-Unis a été portée à l’attention de M. Legault. En même temps, il faut chercher les moyens de responsabiliser les enseignants, «qui ont la job la plus importante dans notre société». Je crois à cette piste de l’augmentation des salaires et je l’ai dit à M. Legault. Je sais qu’il ne faut pas s’arrêter là, bien entendu. Ma lecture de la situation politique au Québec, mon envie de contribuer et ma façon de voir la communication ont semblé intéresser M. Legault. Sa qualité d’écoute, son désir de s’entourer de gens qui vont le challenger et sa transparence sur le fait qu’il n’a pas toutes les réponses à toutes les questions m’ont ravi. Quand il parle de productivité ou «d’économie de propriétaires», il est tout aussi intense que lorsqu’il parle d’éducation. J’avoue avoir été séduit…
En une heure, ma liste de sujets était loin d’avoir été épuisée. J’imagine que les prochaines conversations seul à seul avec M. Legault seront plus pointues – et rares. D’ailleurs, j’ai été privilégié qu’il m’accorde autant de temps et je me dis que je ne dois pas avoir d’attente que des occasions comme celle-ci se présentent souvent. Actuellement, il compte parmi les personnes les plus sollicitées au Québec. Je saisirai les occasions qui se présenteront. J’attendrai son signal. J’ai beaucoup de gens à rencontrer, à mieux connaître. Je pourrai le croiser dans des activités de la Coalition puisque maintenant je me suis engagé à «donner un coup de main». À travers ces rencontres avec d’autres, je tenterai de rester le plus proche possible de mes convictions tout en choisissant les compromis liés aux itinéraires plutôt qu’à la destination. La prochaine fois, ce sera peut-être un simple regard qu’on échangera. Ou un argument dans une conversation de groupe. J’ai, en tout cas, le goût d’être en complicité avec cet homme politique.
Je nous souhaite une belle aventure.
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Merci de ces précisions éclairantes. Le besoin d’autonomie-école est très actuel chez-nous. C’est parfois un combat politique que les enseignants doivent mener (Normes et modalités) et qui , une fois de plus, nous enlève un peu de temps pour faire notre travail le plus important: enseigner, être en relation avec les élèves.
» la direction d’établissement scolaire n’est plus asservie à une autorité extérieure, invasive et trop préoccupée par son image et le maintient de sa bureaucratie »
Mon cher Mario, ton discours se « stéphaneménardise ». Pas beaucoup de nuances là-dedans, mais c’est OK: s’il est un endroit sur cette terre où la nuance n’est pas la bienvenue, c’est bien en politique. On ne gagne pas d’élections en donnant dans la dentelle. Est-ce qu’on doit comprendre que « Mario tout de go » devient un blogue partisan, une tribune politique ????
Cette seule phrase tirée de son contexte, du contexte de notre discussion entre M. Legault et moi, manque cruellement de nuance.
Marc, ce billet a été publié dans la colonne «Je réfléchis» de mon blogue. Cette colonne a toujours été un genre de carnet de bord qui rassemble des réflexions du moment.
«Mario tout de go», un blogue partisan, une tribune politique ? Je crois que les lecteurs doivent savoir que j’ai accepté de donner un coup de main à cette Coalition. J’ai toujours assumé mes biais et ma grande subjectivité. et puis… je ne m’adresse que très peu souvent à mes lecteurs. J’écris pour moi, avant tout. Je réfléchis «tout haut», en public.
Je ne suis pas naïf; je sais bien que des gens lisent. Mais je n’écris pas en premier pour être lu. Quand le dialogue prend… c’est un bonus!
– De quelle nature sera ce coup de main donné au groupe de M. Legault? C’est lui qui va probablement préciser la nature de l’aide dont il a besoin.
– De quel type de partisanerie il sera question ici ? Je demeure partisan des mêmes choses qu’avant, à peu de chose près.
Ce blogue a souvent traité de politique, mais je n’ai jamais milité pour une formation politique. Je ne sais pas ce qui m’attend cet été, cet automne à ce sujet…
Une chose est certaine, plusieurs prises de position ne devraient pas représenter une surprise pour quelqu’un qui me lit attentivement depuis tout ce temps où je blogue sur Mario tout de go : j’ai une vision de l’école autonome et responsable qui fait une toute autre place au palier situé à la hauteur des commissions scolaires que celle qu’elles occupent présentement. Je crois en une structure mitoyenne entre le MELS et les écoles, mais elles devraient oeuvrer dans un esprit de coopérative de services. De services aux établissements. Cette vision est antécédente à «mon engagement» avec le groupe de M. Legault. Toute personne qui en doutera n’aura qu’à lire les archives de ce blogue.
Ce blogue va demeurer un espace ou je partage des trouvailles et des réflexions. Ce blogue va continuer d’accueillir les trouvailles et les réflexions des internautes qui veulent commenter.
Oui, il y sera question de politique; comme avant… sauf qu’on comprendra maintenant que ce que j’y exprimerai touchant ce sujet (la politique) pourra être teinté du «coup de main» que je compte donner à la Coalition pour l’avenir du Québec.
Tu sais Mario, j’aime bien te lire et je ne déteste pas échanger avec toi, sinon, que ferais-je ici ? J’essaie juste de te dire que la seule façon de ne pas finir par parler comme un politicien, c’est de se tenir loin du jeu politique. Tiens, prends François Legault. Il y a dix ans, il disait: « Autant en lecture, en mathématique qu’en sciences, les jeunes du Québec sont dans le peloton de tête et se situent parmi les meilleurs dans les pays de l’OCDE. Nous pouvons être fiers d’eux, de leurs enseignants et du système d’éducation qui les a amenés à réaliser une pareille performance ».
Tu vois, il faut être fier du système d’éducation qui a produit de tels résultats, disait-il. Dix ans plus tard, ce ne serait plus vrai ? Pourtant, 10 ans en éducation, c’est court. Mais en même temps il est clair que d’aligner son discours sur celui des faiseux d’opinion dont les cotes d’écoute ou le lectorat sont beaucoup plus pesants que leurs arguments, est payant à l’urne.
Legault a des idées, c’est clair. Et il veut les réaliser. Pour ça, il a besoin du pouvoir. La question, c’est jusqu’où il est prêt à aller pour l’obtenir. Et toi ?
En toute amitié,
Marc
Je ne vois pas de contradiction entre le François Legault de voilà dix ans qui se disait fier des résultats des jeunes du Québec dans des tests internationaux et celui d’aujourd’hui qui ne se satisfait pas que un jeune garçon sur trois et une jeune fille sur quatre quittent l’école secondaire sans diplôme.
J’ai offert un coup de main au groupe de M. Legault. Je n’ai actuellement aucune idée de où ça va me mener…
Tu me donnes quand même le goût de réfléchir cet été sur les indicateurs qui vont me permettre de jauger la pertinence des prochains pas à faire.
Reste que hier soir, dans le cadre d’une activité où était présent M. Legault, j’ai eu l’occasion d’échanger avec une douzaine de jeunes dans la vingtaine qui m’ont donné le goût d’aller de l’avant dans la formulation d’un projet politique.
Et oui, pour le réaliser… il faudra que ces idées soient portées par des gens qui devront solliciter « le pouvoir ».
Si on croit que je pourrai être utile, d’une manière ou d’une autre, au terme de cette démarche visant à proposer… j’y réfléchirai sérieusement. Actuellement, je ne me cherche pas d’autres emplois que ceux que j’occupe (chez Opossum et à l’Université de Montréal).
Et pour le moment, nous n’en sommes pas là, à ce que je sache… ce, malgré tout ce que je peux lire ici et là.
« …je tenterai de rester le plus proche possible de mes convictions tout en choisissant les compromis liés aux itinéraires plutôt qu’à la destination. »
C’est une habile formulation.
À mettre en lien avec le texte dont je m’inspirais en fin de semaine?
http://remolino.qc.ca/2011/06/25/sur-le-leadership/
C’est indéniable que ton blogue se métamorphosera au cours des prochaines semaines —
— que certains apprécieront et d’autres moins.
— que tu perdras des lecteurs et que tu en gagneras.
— que l’écosystème qui prend forme autour de celui-ci sera bouleversé en profondeur.
— qu’il ne te retournera plus les mêmes échos.
Ce sera très différent pour nous, lecteurs, mais — je pense — en encore plus dépaysant pour toi.
Cela ne me choque pas que « tu y parles plus comme un politicien » — parce que je valorise profondément l’engagement politique et que je sais les compromis que cela exige, et l’inconfort qui l’accompagne.
Reste à ce que tu conserves la même ouverture au dialogue et que par-delà les mots imposés, tu nous laisses entrevoir parfois, même très subtilement, tes doutes — pour qu’on puisse continuer à t’aider à réfléchir.
Je ne suis pas inquiet, mais ce n’est sans doute pas inutile non plus d’en laisser la trace ici, à l’amorce de cette nouvelle aventure.
Si quelqu’un sait à quel point je tiens à la réflexion à voix haute ici et à l’expression de mes doutes/convictions, c’est bien toi Clément qui m’a fait découvrir cet espace d’affirmation qu’est le blogue en octobre 2002, lors d’une visite impromptue à mon bureau de directeur d’école…
Que de chemin parcouru depuis ce temps.
Toute nouvelle aventure donne le vertige. Et puis… je n’ai aucun contrôle sur la réaction de ceux qui passent par ici. En même temps, je sais qu’ils sont importants…
Autour des années 2004-2005, je me souviens d’avoir essayé d’écrire davantage pour les autres que pour moi et cela avait été une erreur. Je m’étais vite repris, perdant une partie de ce que j’avais «à me dire» en essayant de trop «deviner» ce qu’on voulait lire de moi ici… C’est le piège qui me guette, je crois.
Je suis prêt à vivre avec la réaction des gens face aux changements de ton qui pourraient survenir sur mon blogue. Je suis curieux de voir apparaître ce nouvel «écosystème qui – pourrait – prendre forme».
Je souhaite maintenir cet espace où un réseau de gens qui comptent pour moi viendront me faire le cadeau de leurs contributions. Réfléchir tout haut sans les autres n’a pas la même saveur, en particulier «ces autres» qui m’ont aidé à me construire depuis ce mois d’octobre 2002, en particulier.
Tout ça pour te remercier de ta généreuse contribution par ce commentaire Clément. Tu sais qu’on a évoqué nos cheminements dans ce billet de Jean Trudeau? On y parle «de voies différentes» que nous prendrions toi et moi et j’ai peine à imaginer ce scénario puisque tant de bonnes idées/beaux projets nous unissent.
J’ai hâte à la suite des choses cet automne en même temps que je ne sais pas du tout ce qui nous attend.
Puisse cet automne nous permettre de continuer la conversation en public. Ce serait déjà une garantie que l’engagement politique n’exige pas que des compromis 😉
Ta réponse —
— c’est toi.
— c’est nous.
— elle témoigne de ce que le web peut offrir de plus riche.
La suite reste à écrire.