Le Soleil publie ce matin en page D4 un texte que j’ai adressé à quelques médias québécois au cours des derniers jours au sujet du financement des réseaux scolaires publics et privés. J’ai ressenti le besoin d’écrire cette réflexion au retour d’une journée passée avec des collègues du secteur public en Beauce.
J’y reviendrai dans les prochains jours, mais d’ici-là, les commentaires des lecteurs sont les bienvenus.
Mise à jour du 29 mars : Le Journal de Québec publie aujourd’hui le même texte en page 13 dans la rubrique « opinion » sous le titre « Invitation au dialogue » et Le Devoir le publie également dans l’édition de demain dans la section « Agora » en page B4 sous le titre « Privé, public: une invitation au dialogue« .
S’affirmer aux dépens des écoles privées : invitation au dialogue !*
Le 10 mars dernier, le « Regroupement pour la défense et la promotion de l’école publique » a choisi une approche agressive et médiatique dans sa quête légitime de « donner à l’école publique les moyens de faire mieux », pour reprendre sa propre expression. En d’autres mots, les établissements du réseau scolaire privé empêchent l’école publique de bien s’acquitter de sa mission.
Je suis impliqué dans la gestion d’un établissement privé (on devrait peut-être dire semi-privé, ce serait plus exact !) depuis vingt-deux ans. J’ai oeuvré en compagnie de mes confrères du public dans beaucoup de dossiers dont quelques années à titre de directeur d’une des écoles ciblées par le MEQ pour l’implantation de la nouvelle réforme du curriculum. Je ne peux pas croire que la recherche de solutions pour améliorer l’éducation au Québec passe par l’écrasement systématique des choix de parents de plus de cent mille élèves qui fréquentent les écoles privées du primaire et du secondaire. Je choisis donc le même terrain (celui des médias) pour lancer une simple invitation dans le contexte où je suis persuadé que nous avons mieux à faire que de s’affronter par le biais du calcul des supposées économies à faire. En ce moment, je me sens comme le petit frère qui semble avoir réussi dans la vie à qui on demande de s’effacer pour que le grand puisse s’épanouir à la hauteur de ses ambitions. Je vous propose de relancer la discussion sous un angle nouveau : le dialogue !
Je crois vraiment que nous gagnerions à se fréquenter un peu plus, mes amis du public. Nous avons beaucoup de choses à apprendre de vous et je crois aussi que certaines de nos manières de faire pourraient vous intéresser. À chaque fois que je participe à des groupes de travail avec des officiers du réseau public, je m’émerveille de ce que nous découvrons à échanger ensemble pour le plus grand bénéfice des jeunes qui fréquentent nos institutions. Certes, il m’arrive de ressentir un malaise au départ quand je me présente… Je suis « un méchant » du privé ! Mais, après quelques minutes, souvent, nous oublions cette étiquette qui nous empêche de se voir avant tout comme des personnes et nous nous mettons au travail en nommant nos tâches communes et les immenses défis de « faire l’école en 2005 » ! Nous réalisons à ce moment que nos jeunes se ressemblent.
Certains en arrachent, d’autres sont gourmands et exigent beaucoup; plusieurs ne demandent qu’à apprendre de la vie et, au demeurant, forment la grande majorité des élèves à qui nous avons à rendre service. Je ne veux pas escamoter les défis particuliers que vous relevez, gens des organisations membres du regroupement.
Ces problématiques sautent aux yeux : vos ententes régissant les conditions de travail du personnel sont rigides, ce qu’on appelle l’école Montréalaise commande des interventions très particulières, l’intégration parfois « sauvage » de certaines clientèles ne vous rend pas la vie facile et il est difficile de maintenir « à bout de bras » les petites écoles de village. De notre côté, la situation de nos pensionnats inquiète, nos écoles EHDAA sont à bout de souffle, notre personnel doit composer avec des nombres d’élèves par classe très élevés (beaucoup plus élevés que vous ne le croyez) et de plus, nous ne pouvons bien souvent offrir des conditions de travail aussi intéressantes sur le plan financier que les vôtres.
Ensemble, il me semble que nous avons en commun de manquer gravement de ressources pour l’entretien et la réfection de nos immeubles. Les services éducatifs de qualité que nous tentons de rendre reposent sur les épaules d’enseignants et d’éducateurs qui ont des tâches beaucoup trop lourdes dans le contexte de la réforme actuelle. Et je ne parle pas de la reconnaissance de la profession; cadres scolaires et enseignants « vont au bâton » à tous les jours sans le filet protecteur du soutien parental. Je généralise un peu, je sais…
N’aurions-nous pas avantage à s’asseoir plus souvent autour de la même table ? Ne trouvez-vous pas que ces démarches autour de la pertinence de subventionner l’enseignement privé est un débat qui ne nous mènera nulle part ? Ne pensez-vous pas que la maladresse du gouvernement sur la question du financement à 100% des écoles juives est un « mauvais courant » pour espérer construire des solidarités entre nous ?
Le dialogue entre tous les intervenants du monde scolaire est essentiel aux visées de réussite que chaque enfant du Québec a le droit d’espérer. Nous prenons trop de place à certains endroits ? La question de la sélection des élèves dans certains établissements vous irrite ? Vous trouvez que certaines ressources ou expertises pourraient être partagées ? Pourquoi ne pas aborder de front toutes ces questions ? Nous aussi, trouvons que les « palmarès » n’ont pas leur place quand vient le temps d’évaluer la qualité de nos services dans les écoles. Autant que vous, la réforme nous emballe sous plusieurs aspects et nous embête parfois sur d’autres.
Nous faisons le plus beau métier du monde : nous aidons des jeunes à apprendre ! N’y aurait-il pas moyen de se centrer un peu plus sur ça, ensemble, autour de la même table ?
* J’ai suggéré ce titre, mais dans le Soleil de samedi, le texte est plutôt intitulé « Écoles publiques, écoles privées: il faut se parler ! »
Salut Mario,
Félicitation pour ton texte, tu as très bien exprimé le sentiment de plusieurs établissments d’enseignement privé.
Ton texte est clair, précis et bien envoyé…
En passant, ou-est-ce que l’on va te trouver l’an prochain ?
Te verra-t-on à l’AQUOPS cette année ?
à la prochaine.