En attendant le Sommet, plusieurs questions se posent !

Note : Ce billet sera aussi publié sur le site du Huffington Post, dans la section « Blogues ».

Pauline Marois, Pierre Duchesne et Léo Bureau-Blouin ont annoncé cette semaine la tenue à la mi-février 2013 du « Sommet sur l’enseignement supérieur ». Surtout, ils ont procédé au lancement de la démarche qui va nous mener au Sommet :

« Le gouvernement du Québec propose une démarche ouverte et rassembleuse, axée sur la participation active des acteurs du milieu de l’enseignement supérieur et de la population. »

Ouverture relative à toutes les hypothèses ?
Je suis constructif de nature. Je vois bien que la période du printemps dernier marquée par la confrontation sur une proposition de hausse des droits de scolarité du précédent gouvernement a fait place à une autre où tous les espoirs de la reprise d’un dialogue plus fructueux sont permis. Force est cependant d’admettre que le gouvernement n’est pas vraiment « ouvert » à toutes les options possibles. Alors qu’une bonne majorité d’électeurs ont voté aux élections du 4 septembre dernier pour une formation politique privilégiant une hausse des droits de scolarité, les scénarios d’un gel ou d’une indexation de ces droits semblent être ceux qui seront sur la table au moment d’échanger à la mi-février prochain.

Dans la foulée, le chroniqueur du Devoir Michel David parle d’une « manoeuvre audacieuse » qui consiste à « remettre en question le seul point sur lequel la classe politique semblait unanime durant la crise étudiante du printemps dernier » : le sous-financement des universités. Ainsi, en niant tout simplement l’existence d’un sous-financement, l’attention passe vers d’autres enjeux au point même où les tenants de la gratuité scolaire se sentent maintenant en position d’exiger que ce sujet soit au coeur des discussions. Même une démonstration rigoureuse des problèmes de financement paraît maintenant constituer un point de vue marginal.

Une communication soutenue du gouvernement et des associations étudiantes agit de façon à ce que la fenêtre d’ouverture pour un réinvestissement dans les universités se referme passablement avant même que le Sommet ne débute, ce qui pourrait nuire à l’avenir du Québec. Sur son blogue, Donald Charette parle de double traitement

Un sommet Web 2.0 qui ne respecte pas les bonnes pratiques ?
On a fait grand état du site Web et de la page Facebook mis en ligne le 12 octobre dernier, aménagés pour « permettre l’expression de toutes les opinions ainsi que le partage de la connaissance ». Bien que je salue ces initiatives, je m’étonne que la conversation soit dirigée vers un espace Web qui ne permet pas une gestion efficace de l’identité des participants, ni ne permet de conserver le patrimoine d’informations qui sera hébergé sur des serveurs de la Silicone Valley.

L’écosystème de Facebook peut certes jouer un rôle dans une communication Web efficace, mais privé d’un référencement adéquat et des mécanismes de gestion des communications qu’aurait offert un espace hébergé sur des serveurs plus accessibles que ceux de Facebook, le gouvernement manque l’extraordinaire occasion de développer sa connaissance du fonctionnement des communautés sur le Web.

On ne connaît pas encore tous les usages qui seront privilégiés sur le site ministériel, mais s’il ne demeure qu’un lieu de communication unidirectionnel, on n’aura pas fait un grand pas « 2.0 ».

Alors que les événements du « printemps érable » ont démontré l’importance des médias sociaux dans la communication avec les plus branchés des citoyens, le gouvernement devrait saisir l’importance d’un agora qu’il peut animer efficacement et dont on pourra utiliser au maximum les traces d’un Sommet supposément axé sur la conversation.

La recherche domine, l’enseignement piétine ?
Je parcourais dernièrement cette Enquête sur le corps professoral québécois publiée en novembre 2008 par la Fédération québécoise des professeures et professeurs d’université. Les insatisfactions des profs semblent loger à deux enseignes (p. 37):

  • Le mécontentement à l’égard de l’administration des universités, notamment face aux décisions prises au profit d’une forme de marchandisation de l’institution universitaire.
  • La pression ressentie autour de la recherche. La recherche prend tellement d’importance qu’une part non négligeable du corps professoral souhaiterait en faire la composante unique d’une tâche professorale nouvellement définie.

Je souhaite ardemment que dès l’étape des rencontres organisées par l’Institut du Nouveau Monde les moyens de valoriser l’enseignement universitaire seront au coeur des préoccupations. Pour le moment, je ne sens pas la volonté d’agir pour que la qualité de l’enseignement dans nos universités atteigne de nouveaux sommets. Les chargés de cours font du bon travail, mais la valorisation de la « fonction enseignement » des professeurs devrait être au coeur de ce prochain Sommet que je suivrai de très près !

Je viens de participer aux entretiens à la base du livre « De quoi le Québec a-t-il besoin en éducation » et je crois que la contribution de tous les intervenants ayant permis ce bouquin peut constituer une excellente préparation au Sommet sur l’enseignement supérieur…

Mise à jour du lendemain : Alain Dubuc de La Presse chronique sur le sujet dans « La petite noirceur ».

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5 Commentaires
  1. Photo du profil de Stéphane Allaire
    Stéphane Allaire 10 années Il y a

    Par curiosité, ça se concrétiserait par quoi ultimement pour toi une volonté d’atteindre de « nouveaux sommets » en enseignement universitaire?

  2. Photo du profil de Mario Asselin Auteur
    Mario Asselin 10 années Il y a

    Trois indicateurs me permettraient, entre autres, de croire que la formation aux études supérieures s’améliore :
    1- De meilleurs taux de diplomation. Alors que nous sommes la province où les études universitaires sont parmi les plus accessibles, notre taux de diplomation est largement inférieur à la moyenne canadienne.
    2- L’augmentation du nombre de cours donnés par des professeurs titulaires au lieu de chargés de cours.
    3- Une préoccupation de tous les profs à l’université pour la pédagogie et le numérique autant comme moyens d’enseigner – et d’apprendre – qu’en tant que lieu de diffusion des apprentissages et des résultats de recherche. « University as a platform » !

    N.B. Comme c’est toi – via Twitter – qui m’avait guidé vers l’Enquête sur le corps professoral québécois, j’attire ton attention sur ce dossier de l’Institut français de l’éducation : « Les technologies numériques dans l’enseignement supérieur, entre défis et opportunités ».

  3. Photo du profil de Stéphane Allaire
    Stéphane Allaire 10 années Il y a

    Ça me rend perplexe cette façon de considérer les chargés de cours comme des « pis allés ». J’essaie de trouver des études sur la réussite/compréhension des étudiants selon qui leur enseigne. Pas évident… Tu excuseras la directitude de la question mais toi qui es chargé de cours, tu regardes un prof. de si bas que ça?

    Pour ce qui est de la pédagogie, comme prof. dans un département d’éducation, je suis évidemment d’accord avec ton 3e élément. La pédagogie universitaire fait son chemin mais Compostelle est une longue route… Si le rapport au contenu est fort au secondaire, j’ai peine à trouver un qualificatif pour l’université… Il faut continuer le travail mais il est illusoire de s’attendre à des changements de masse à court terme à mon avis. Ce n’est pas sans danger bien sûr, notamment avec l’abolition des frontières de l’apprentissage. Mais il demeure qu’en dépit de toutes les modes techno, le face à face a encore la cote chez les étudiants. Ça devrait permettre aux profs de garder leur aura de grands manitous déversoir de vérité encore un moment. Paradoxalement, le rapport au savoir préconisé en enseignement universitaire est bien différent de celui préconisé en recherche. Le premier étant encore beaucoup encyclopédique alors que le second est nettement coconstructif. Il y a là quelque chose à mieux articuler mais ça pose des enjeux de faisabilité.

    Un aspect qui m’irrite au plus haut point dans la diffusion de connaissances, ce sont les articles payants… Tout particulièrement lorsque les connaissances sont issues de projets subventionnés par des deniers publics. Mais, si je veux considérer l’envers de la médaille, cela s’explique. Gérer une revue, ça nécessite des ressources matérielles et humaines. Les fonds disponibles à cette fin ne sont pas légions. Les rédacteurs font cela nettement en surplus de tâche, les évaluateurs sont passablement sollicités, bref, il faut trouver certains incitatifs et en assumer les coûts. Malheureusement, c’est parfois le lecteur qui écope car il doit débourser. Évidemment, ce n’est rien pour encourager monsieur et madame Tout le monde à s’intéresser à la recherche.

    Pour ce qui est du nombre de cours dispensés par les profs, il faut absolument considérer la nuance de la situation géographique des universités indiquée dans le rapport.

    Plus à venir…

    • Photo du profil de Mario Asselin
      Mario Asselin 10 années Il y a

      « Tu excuseras la directitude de la question mais toi qui es chargé de cours, tu regardes un prof. de si bas que ça? »

      D’aussi bas que ce qui nous sépare (profs et chargés de cours) en terme de conditions de travail ? 😉

      J’ai beaucoup de respect pour les chargés de cours et je sais qu’il font un travail de qualité, mais l’université investit énormément de ressources dans le corps professoral. Compte-tenu de leurs expertises, il me paraît normal d’espérer qu’ils en fassent davantage côté enseignement. Ce n’est vraiment pas possible sur le long terme d’envisager « une carrière » de chargé de cours et à la fin, c’est la qualité des apprentissages des étudiants qui doivent guider les choix, hormis les impératifs en recherche.

      Je sais bien que la pente est abrupte et qu’il faudra travailler très fort pour faire entrer quelques notions de pédagogie dans certains auditoriums, mais quand j’entends des étudiants à l’université me raconter qu’il y a encore des profs qui leur lit le livre-dont-ils-sont-l’auteur pendant les trois heures du cours… j’enrage !

      Bon point sur « articles payants » et sur « la situation géographique des universités ».

      Je demeure attentif !

  4. Photo du profil de Stéphane Allaire
    Stéphane Allaire 10 années Il y a

    « D’aussi bas que ce qui nous sépare (profs et chargés de cours) en terme de conditions de travail ? »

    Ah d’accord, je comprends mieux maintenant. On caresse les profs dans le sens du poil en faisant miroiter leur expertise pour leur faire comprendre doucement qu’ils sont gras durs. Aurais-tu omis de lire la partie du rapport sur la charge de travail? 😉 Dommage qu’elle ne précise pas qu’un prof., ça ne reçoit pas d’overtime. Sérieusement, si on veut augmenter la charge globale d’enseignement disons classique, il faudra faire des choix.

    On associe souvent la composante des services à la collectivité à l’administration. C’est vrai uniquement en partie. C’est bien d’autres choses que ça, notamment une présence dans le milieu social. On voudrait vraiment se priver de ça pour ensuite rabâcher que les universitaires sont dans leur tour d’ivoire?

    Par rapport à ceux à qui on reproche de faire trop de recherche et de trop peu enseigner, oublie-t-on que des étudiants participent à ces projets de recherche et qu’il y a là un excellent lieu d’apprentissage, incluant pour les étudiants de premier cycle? Les centaines d’heures d’assistanat de recherche qu’un prof. accompagne par année, pourquoi n’est-ce pas considéré dans la contribution qu’il fait à la formation?

    Les colloques professionnels auxquels un prof. participe et les articles destinés aux praticiens, ce n’est pas une forme d’enseignement, ou à tout le moins de diffusion de connaissances?

    Ensuite, mettre de vrais administrateurs aux postes d’administration? Même si plusieurs décisions qui s’y prennent ont un caractère et des incidences hautement pédagogiques? La question est plus complexe qu’elle n’en a l’air. Ce qui ne veut pas dire qu’on doive garder le status quo bien entendu.

    La carrière de prof. n’est pas un cheminement linéaire. Comme l’explique le rapport, la recherche dépend de plus en plus de l’obtention de subventions. Mais pas que de cela, des solliciations du milieu. Quand une commission scolaire appelle et qu’elle désire s’engager dans un projet, même si ce n’était pas prévu dans mon plan de travail annuel, je fais quoi? J’accepte évidemment! Vais-je laisser passer une occasion de rapprochement avec le milieu? Des gens sont davantage sollicités que d’autres. N’est-il pas normal que ceux qui ont une surcharge en recherche soient libérés un peu de leur charge d’enseignement classique?

    En éducation, les approches de recherche collaborative prennent de plus en plus de place. Ces approches combinent recherche et développement professionnel. Pourquoi quand quelqu’un mène un tel projet, particulièrement exigeant en temps, ne considère-t-on pas qu’il contribue à la formation de gens? N’y a-t-il pas une partie d’enseignement dans ce type de recherche?

    Les frontières de la tâche d’un prof. sont poreuses. Les façons d’acquérir des connaissances sont diversifiées. On aurait intérêt à regarder ailleurs que dans les salles de classe pour jauger la contribution à l’enseignement des profs. En ramenant cela strictement à la classe, des choix s’imposeront et on pourrait perdre des éléments précieux.

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