Note: Ce texte est le fruit d’une collaboration avec Clément Laberge, en réaction à une entrevue (et à un discours) qui avait suscité bien des réactions de notre part; comme souvent, nous nous sommes dits qu’il ne fallait pas en rester là!
Une autre entrevue avec Normand Baillargeon qui nous a mis hors de nous, au sujet de la réforme, hier à Indicatif Présent.
Baillargeon apporte quelques points de vue intéressants, mais fait preuve d’une étonnante malhonnêteté intellectuelle en laissant entendre que la recherche en science de l’éducation est unanime à « célébrer » l’enseignement explicite et à condamner toutes autres pratiques pédagogiques… Il est aussi à la limite de la malhonnêteté lorsqu’il sous-entend que « la réforme c’est faire des projets »; encore cette ritournelle! Nous aurions tellement aimé qu’il explique concrètement comment il aurait été possible « d’expérimenter et d’évaluer la réforme avant de commencer à l’appliquer ». Plusieurs des études auxquelles il a fait référence (notamment Follow Through) sont aussi l’objet de polémiques depuis de nombreuses années, ce qu’il s’est bien gardé de mentionner.
Tout cela est particulièrement paradoxal venant de celui qui a signé l’indispensable Petit cours d’autodéfense intellectuelle.
Les écoles privées seraient devenues les protecteurs du bon sens? Pourtant, nous observons à bien des égards le contraire… Elles puisent abondament dans la tradition, certes, mais plusieurs, voir la grande majorité sont bien plus engagées dans la réforme que bien des écoles publiques. La Suisse serait en train de reculer sur tous les points qui ont inspiré la réforme québécoise? Sauf erreur, nous pensons qu’il s’agit plutôt d’un seul des cantons suisses, celui de Genève et sur le sujet bien précis de l’évaluation (des notes au lieu des cotes).
Tout ça nous désole d’autant plus que nous avons longtemps admiré Monsieur Baillargeon, qui, de mémoire, se présentait jusqu’à récemment comme « professeur de sciences de l’éducation » et non comme « philosophe ». Et même comme philosophe, ses positions nous ont semblé hier un peu fragile, parce que beaucoup trop partiales. Nous lui conservons néanmoins toute notre estime en tant que polémiste, parce qu’il le fait admirablement bien et que le Québec en a besoin.
Ce que nous trouvons le plus dommage à l’écoute de cette entrevue, c’est de voir Marie-France Bazzo presque béate devant le discours de Baillargeon — de voir qu’elle avait rangé la capacité d’interpeller et de critiquer qu’elle manie généralement très bien. Nous avions eu la même impression (l’un de nous deux en avait même parlé il y a deux semaines), lors de l’entrevue avec Normand Baillageron (le même) et Jacques Dufresne.
Nous ne sommes pas des fanatiques de la réforme; mais nous y croyons profondément. Et ce que nous déplorons par-dessus tout chez ses détracteurs, c’est la tendance à nier une réalité pourtant essentielle pour comprendre l’avènement de ces changements. Il est franchement trop simple de prétendre qu’elle est le résultat du zèle d’un groupe de pédagogues et de fonctionnaires alliés dans un délire aveugle.
Sérieusement… il faudrait au moins reconnaître que cette réforme est apparue en réponse à des demandes sociales (qu’on peut certes remettre en question, mais qu’il faut d’abord admettre) et qu’elle vise à tenir compte de nombreux constats à l’effet qu’il n’est plus possible de faire de l’école un sanctuaire. On ne peut pas nier non plus que les élèves et étudiants n’apprennent pas tous les mêmes choses en même temps et qu’il est impossible de maintenir le monopole des enseignants comme seuls sources de la transmission des connaissances. On reparlera des compétences, mais il y aurait là de belles évidences à décrire aussi!
Il faudrait aussi dire que la clé d’une éducation de qualité, c’est d’abord et avant tout l’empathie, l’exigence, la constance, la rigueur et le respect, profond, de l’autre. Dire aussi que le succès d’une classe repose d’abord sur la capacité du prof à créer ce lien très particulier avec les élèves qui fait naître l’inspiration, le goût d’apprendre, de se dépasser et qui, permet du même coup d’exiger un effort sans compromis.
C’est surtout parce que nous croyons que cette réforme offre aux enseignants des outils de plus en plus indispensables pour développer avec leurs élèves ce type de relation pédagogique que nous «défendons» toujours autant cette réforme malgré toute les critiques qu’elle essuie depuis quelques mois. Nous intervenons sur le terrain et nous avons des yeux pour voir et des oreilles pour entendre. Il faut débattre de la réforme, certes, mais le faire en évitant de succomber à la tentation du « c’était bien mieux avant ».
Mise à jour du 9 janvier 2010: Je viens de publier une «critique du dernier livre de Normand Baillargeon « Contre la réforme »»…
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Il faut aussi ajouter que « les méthodes d’enseignement traditionnelles » selon les dires de Baillargeon ne sont peut-être pas celles qu’il s’imagine.
Si je prends l’exemple de l’enseignement des sciences que je connais un peu plus, il y a tout de même près de 15 ans que l’on enseigne massivement en utilisant des expériences de façon systématiques (au deuxième cycle du secondaire). C’est très loin de ce que j’ai moi-même vécu, ce que moi je considère comme étant « l’enseignement traditionnel » en sciences, 9 cours théoriques, un cours où on fait des expériences pour vérifier la théorie.
C’est probablement aussi vrai pour d’autres disciplines au secondaire, qui ont évolué progressivement. La différence avec les changements actuels, c’est que toutes les disciplines changent en même temps.
Posez la question aux enseignants de science de quatrième secondaire (le cours de sciences physiques 416-436) à savoir si on devrait revenir à l’enseignement traditionnel (celui d’avant ce cours), à savoir s’ils voudraient revenir en arrière, aux cours de chimie et de physique.
Replacez vous en arrière dans les années 90, et vous verrez que l’on a eu exactement les mêmes réactions à l’époque.
Dommage, je trouvais que Baillargeon était un bon prof de philosophie de l’éducation.
Merci Mario…
je ne voulais pas l’écouter, car je me doutais bien de sa réaction (i.e. une lettre d’opinion dans leDevoir (je ne sais quand), dans laquelle il descendait (plantait de façon presque gratuite) une prof de l’université du Québec à Trois-Rivières madame Legendre je crois.
Eh bien, à ce que je vois, le monsieur a changé… et dire que je me délectais de ses propos dans LeDevoir il y a longtemps.
Traiter monsieur Baillargeon de la sorte me semble faire preuve de cette malhonnêteté que vous lui reprochez. Je pense au contraire que sa position sur la question des recherches en psychologie et en éducation est particulièrement bien appuyée. Si je ne suis pas toujours d’accord avec lui dans sa façon de décrire la situation actuelle, je connais suffisamment la recherche en éducation pour constater qu’il a raison sur ce point.
Avez-vous lu le fameux rapport de Follow-Through et les critiques qui ont suivi. Sans doute n’avez-vous lu que ce que cet auteur polémiste français rapporte sur le site du Café Pédagogique. Je vous empresse donc d’aller lire plus à fond ces critiques, qui n’ont rien d’une « polémique » comme vous dites, mais ont plutôt à voir avec des désaccords d’ordre méthodologique. Si vous retournez aux sources, vous constaterez que malgré ces désaccords sur la méthode, les réanalyses n’ont fait que confirmer les résultats des analyses initiales.
Avez-vous lu les livres de Jeanne Chall sur la recherche en lecture (sa spécialisation) ou son dernier livre sur les pédagogies centrées sur l’enfant et les nombreuses références que monsieur Baillargeon a bien voulu partager avec nous. J’aurais pu en ajouter bien d’autres. Êtes-vous en mesure de citer une seule recension d’études ou méta-analyse permettant d’appuyer le bien fondé de cette réforme?
Le problème est qu’en éducation, le débat porte rarement sur le support scientifique ou empirique d’une approche ou d’un autre. Ce débat est idéologique, souvent irrationnel, faisant plus souvent référence à des idées romantiques, des concepts à la mode, à des croyances, et ayant recours dans certains cas à des épistémologies obscurantistes pour se soustraire au regard critique de la science.
Malheureusement, je n’ai pu que constater que le monde de l’éducation n’a que faire de la science.
Vous dites « Nous aurions tellement aimé qu’il explique concrètement comment il aurait été possible d’expérimenter et d’évaluer la réforme avant de commencer à l’appliquer ».
Pourquoi est-ce si difficile à concevoir? Et les projets pilotes? N’aurait-il pas été possible d’évaluer l’impact de ces projets pilotes quitte à prolonger la durée de ceux-ci de quelques années? N’aurait-il pas été possible de voir si les changements proposés s’appuyaient sur des études antérieures?
Trouvez-vous acceptable d’expérimenter des changements aussi importants sur des enfants sans prendre la peine d’examiner l’impact à court terme des changements sur les enfants, sans prendre la peine d’examiner les changements survenus lors des projets pilotes?
Qu’arriverait-il si une compagnie pharmaceutique s’avisait d’agir ainsi et commercialisait un médicament sans avoir fait les années de recherches animales et de tests cliniques normalement nécessaires? Qu’arriverait-il si une compagnie, comme cela est arrivé récemment, maintenait un médicament sur le marché en dépit de preuves scientifiques d’effets négatifs? Ne croyez-vous pas que ses dirigeants mériteraient d’être tenus responsables et mis en prison? Or, pour bien des chercheurs en éducation, c’est précisément ce qui se passe et c’est ce que dénonce Normand Baillargeon.
Vous dites que vous croyez profondément à cette réforme. Doit-on vous suivre uniquement sur la base de cet acte de foi? Non? Alors sur quoi?
Je regrette M. Péladeau, mais je n’adhère pas à la thèse que la recherche en éducation soit unanime à «consacrer» l’enseignement explicite comme seule voie efficace. Autant mes lectures que ma pratique me portent à considérer qu’en certaines circonstances ces stratégies sont indiqués et dans bien d’autres, contre-indiqués.
Je regrette M. Péladeau, mais le réseau privé n’est pas le refuge «anti-réforme» que M. Baillargeon croit.
Je regrette M. Péladeau, mais la réforme n’est pas le résultat du zèle d’un groupe minoritaire de pédagogues et de fonctionnaires.
Ces trois points sont véhiculés par M. Baillargeon sur des tribunes, ma foi, assez larges et méritent d’être réfutés. Notre billet commence par «Baillargeon apporte quelques points de vue intéressants», c’est donc que nous lui accordons certains mérites.
Nous avons eu l’occasion souvent d’échanger par écrit M. Péladeau et il me tarde de vous rencontrer pour mieux m’expliquer sur les pans de la mise en oeuvre de la réforme que je n’appuis pas; il y a bien eu des choses innacceptables, mais pas au point de compromettre le bien fondé de ces changements proposés. Cet échange me permettrait probablement de mieux comprendre aussi votre acharnement à faire de l’écoute sélective fondant vos jugements portés sur l’importance de la science en éducation.
En gros, je crois que nos échanges de correspondances ont tendance à me placer à un bout de la lorgnette et vous à l’autre bout, ce que je me refuse de croire bien que les apparences sont en ce sens. Vous avez tendance à ne parler que de ce qui nous divise.
Je comprends que vous aimeriez que j’accorde plus de crédits à «Follow-Through». J’en accorde, je vous rassure. Mais il m’est impossible de mettre tout mes oeufs dans ce panier.
Je vous le répète : «C’est surtout parce que nous croyons que cette réforme offre aux enseignants des outils de plus en plus indispensables pour développer avec leurs élèves une relation pédagogique de qualité que nous «défendons» toujours autant cette réforme malgré toute les critiques qu’elle essuie depuis quelques mois.» Parmi ces outils, il y a l’enseignement explicite.
Le dernier document paru sur le site du MELS (http://www.meq.gouv.qc.ca/lancement/Renouveau_ped/452755.pdf) ne vous a donc pas apporté un peu de beaume sur vos plaies? Les interventions du chercheur Larose sur la liste Édu-ressources ne vous ont donc pas convaincu que le MELS menait par le CRIE-CRIFPE diverses recherches sur le curriculum réformé ?
Vous faites preuve d’une rhétorique qui nous enferme quand vous ne cessez de répéter les mêmes ritournelles sans égard à ce que nous vous accordons.
La recherche en éducation n’est pas « unanime » mais elle forme un fort « consensus » très clairement en faveur des approches structurées et au détriment des approches « centrées sur l’enfant ». C’est sans doute dommage, mais c’est le cas.
Je ne partage pas nécessairement l’opinion que le privé est un refuge anti-réforme. Ce serait trop simpliste de croire cela. Je crois même que le milieu des écoles privées devrait naturellement être plus favorable puisque la sélection des élèves sur le rendement leur permet d’avoir une clientèle en mesure de profiter beaucoup plus de pédagogies par projet ou par la découverte. (qui fonctionne assez bien auprès de cette clientèle).
Je ne crois pas non plus que la réforme soit uniquement le résultat d’une planification par un groupe minoritaire de pédagogues et de fonctionnaire. Ce serait encore une fois trop simpliste, mais l’idée d’une réforme issue de la base, issue des préoccupations des enseignants est tout aussi simpliste et carrément illusoire et dangereuse. En fait, je crois plutôt en un mouvement culturel, une tendance lourde présente depuis de nombreuses années, nourries par des pédagogues en formation des maîtres, des « experts » qui n’ont jamais fait de recherche évaluative en éducation, des gens comme Tardif, Legendre, Carbonneau, Perrenoud, Merrieux, et bien d’autres.
« Les interventions du chercheur Larose sur la liste Édu-ressources ne vous ont donc pas convaincu que le MELS menait par le CRIE-CRIFPE diverses recherches sur le curriculum réformé ? »
Pas du tout. Monsieur Larose avouait lui même qu’il ne faisait pas de recherche sur l’effet de cette réforme sur les enfants. Il s’intéresse bien plus aux effets sur les enseignants. As-t-il identifié une seule étude en cours ou déjà entreprise portant sur les l’effet de la réforme sur les enfants? NON! Avez-vous vérifié si certains de ces collègues du CRIE_CRIFPE faisaient de telles études? OUI? Qu’avez-vous trouvé?
J’ai récemment fait le tour des projets de recherches en éducation subventionnés par nos deux gouvernements. Sur une cinquantaine de projets en éducation, je n’ai identifié uniquement que deux études qui s’attardaient vraisemblablement à mesurer l’effet sur les élèves de la reforme ou d’une approche pédagogique apparentée. C’est pas beaucoup, vous avouerez.
J’ai pu converser avec la chercheure principale d’une de ces études et devrais recevoir le rapport de recherche très bientôt. Malheureusement, je ne crois pas que ses résultats vous plairont.
Voyez-vous, il ne faut pas croire nécessairement tout ce que les gens disent et il faut prendre le temps de vérifier leurs affirmations. Je crois que cette position de monsieur Larose était simplement de la poudre aux yeux visant à faire taire les critiques qui, comme moi, disent qu’il n’y a pas de recherches sur les effets de la réforme. Où sont les autres études auquelles faisait référence monsieur Larose? Qui sont ces chercheurs? Où sont les articles, les rapports de recherches?
Croyez-vous vraiment que ces recherches existent? Demandez-lui publiquement sur Edu-Ressources d’identifier ces gens, ces recherches en cours ou passées et vous verrez bien ce qu’il vous dira.
Il me semble que cette dernière intervention nous rapproche; les «admissions» des paragraphes deux et trois vous honorent. Laissez-moi vous taquiner quand même un peu… Sur quoi vous basez-vous pour affirmer que les approches plus ouvertes en matière de pédagogie «fonctionnent assez bien auprès de cette clientèle» [du privé] ;))
Je crois vraiment que certains élèves bénéficient davantage que d’autres des stratégies centrées sur l’enseignement. Vous utilisez le terme «structurées» [en opposition à non-structurées, j’imagine]] et je ne suis pas spécialiste des «appellations contrôlées» en matière de stratégie pédagogique, mais je considère les stratégies ouvertes comme des pédagogies comportant beaucoup de structure; on ne se lance pas sur ces sentiers à la «va comme je te pousse».
En ce qui concerne «la sélection des élèves sur le rendement» au privé, je suis obligé de vous dire que j’observe que les écoles qui pratiquent beaucoup de sélection ne sont pas celles qui me semblent les plus «pressées» de se lancer dans la réforme au secondaire privé. C’est plutôt l’inverse. J’imagine que vous faites partie de ceux qui croient que les écoles privées sélectionnent toutes leurs élèves sur le rendement, mais vous seriez surpris de constater que la réalité est tout autre. Mis à part sur l’île de Montréal, il y a peu d’écoles capables de le faire parce que la demande dépasse à peine le nombre de places disponibles. Plusieurs écoles ont d’autres critères que le rendement quand ils peuvent «se permettre» de refuser des jeunes et dont certaines qui y vont «au sort» où en lien avec la date où ils ont donné le nom de leur enfant comme c’est le cas dans l’école que je dirigeais.
Je peux vous dire que les enseignants du privé vivent une obligation de résultats différente de celle du public (parce que les écoles privées ne peuvent se permettre aucune baisse de leur clientèle sans compromettre l’existence même de leur école) et qu’ils ne se sont pas lancés aveuglément dans la pédagogie plus ouverte. Dans l’ensemble, ils sont relativement sympathiques aux visées du renouveau pédagogique parce qu’ils croient que les élèves n’apprennent pas les mêmes choses en mêmes temps et qu’il vaut la peine de questionner ses pratiques en étant davantage centré sur les apprentissages et la différenciation pédagogique (ce qui ne veut pas dire qu’ils cessent d’enseigner, je vous le rappelle). Je ne dis pas que les résistances n’existent pas, mais j’ose affirmer que c’est la première réforme depuis le rapport Parent à laquelle l’ensemble des établissements du réseau prête attention…
Je suis prêt à prendre votre parole sur l’existence ou non de recherche sur les effets de la réforme au niveau des élèves bien que je croyais que le groupe de M. Larose travaillait là-dessus. Je demeure sceptique dans votre capacité d’apprécier une recherche qui prouverait la validité des pédagogies plus ouvertes, mais vos admissions du précédent commentaire font baisser «mes gardes».
Je crois quand même qu’il n’est pas trop tard pour ce faire [des études] si ce n’est pas déjà fait. J’ai oeuvré avec le premier groupe d’écoles ciblées au primaire et de ce fait, j’ai régulièrement des contacts avec des gens dans les réseaux et au MELS et je n’entends personne qui soit contre les recherches au contraire. Mais les gens sont davantage dans l’action et je n’ai pas la perspective de vous dire l’état de la situation exacte à ce niveau. Tout le monde est intéressé à faire avancer la réussite scolaire, ça, j’en suis sûr. Et je vois aussi plein de belles réussites.
L’école a «écoeuré» de bons élèves dans le passé parce qu’elle n’a privilégié qu’une seule façon de faire avec eux. Elle n’a pas aidé tous les jeunes en difficulté non plus et une réforme s’imposait. Ce n’est pas parfait, mais le groupe des «nostalgiques» qui ne font que prôner le retour aux méthodes anciennes du temps où ce n’est pas tout le monde qui fréquentaient l’école me font enrager. Au cours classique, je veux bien comprendre que l’enseignement direct donnait de bons résultats, mais il faut maintenant comprendre que la révolution tranquille a atteint son objectif de démocratisation de la fréquentation scolaire.
Les jeunes devant nous ont en partie des difficultés à vivre positivement l’expérience de l’enseignement direct dit «structuré». Nier ce fait est une hérésie de gens qui ont peu d’expérience terrain. Ça ne prend pas une recherche pour découvrir ça, je peux vous jurer… Nous ne pouvons plus faire à 100% du temps comme avant. Nous ne pouvons pas jeter du revers de la main des bonnes pratiques comme celles qui existaient non-plus. Il faut additionner sans soustraire…
Je suis à l’aise avec le fait que vous revendiquiez plus d’études et que vous souhaitiez plus d’assurances de bons résultats. Mais pendant ce temps-là, pouvez-vous prendre soin de ne pas désinformer les gens en colportant que la recherche ne prouve pas hors de tout doute que le sol soit ferme à 100%? Dites-vous que les gens professionnels comme sont la grande majorité des enseignants n’adoptent pas des stratégies qui ne procurent pas des apprentissages plus signifiants. Si le MELS a été maladroit (je dis bien «si») et qu’il a laissé croire qu’il ne fallait plus enseigner, personne ne les a écoutés rassurer vous!
Ça enseigne encore dans les écoles, mais ça fait apprendre de plus en plus et quand la situation commande de se questionner (parce que l’enseignement ne fonctionne pas tout le temps), il faut toujours bien s’ouvrir à d’autres façons de faire qui donnent de meilleurs résultats.
Le temps où un enseignant disait qu’il avait fait «sa job» parce qu’il enseignait est terminé…
Il doit maintenant faire apprendre, et c’est plus sérieux qu’un jeu de mots!
Vous dites: « Sur quoi vous basez-vous pour affirmer que les approches plus ouvertes en matière de pédagogie «fonctionnent assez bien auprès de cette clientèle» [du privé] »
Je mentionne plusieurs études dans mon article paru dans le dernier numéro de la Revue des Sciences de l’Éducation, je pense entre autres à la recherche de Resnick, Siegel, & Kresh (1971) ou à l’article de Snow(1986), ou celui-ci résume les recherches sur les interactions traitement-aptitude de la façon suivante:
« Il y a des preuves substantielles que les élèves les plus faibles réussissent mieux lorsque l’enseignement est minutieusement structuré, lorsque les leçons sont décomposées dans une séquence d’unités simples, et lorsque l’enseignant exerce une supervision soutenue tout au long de l’activité et fournit des rétroactions fréquentes. Ces élèves réussissent moins bien dans des enseignements traditionnels ou dans des environnements qui requièrent une plus grande quantité d’activités autonomes de l’élève pour combler les limites d’un enseignement moins structuré ou incomplet. Dans ce type de situation, les élèves plus talentueux excellent »
Cette citation est particulièrement intéressante puisqu’elle fait une distinction très claire entre l’enseignement structuré et l’enseignement traditionnel, alors que votre dernier message nourrit encore une fois la confusion entre enseignement direct, enseignement structuré et enseignement tradionnelle. Croyez-vous vraiment que les gens qui s’opposent à la réforme sont tous des « nostalgiques ». Croyez-vous vraiment que l’enseignement traditionnel qui, selon vos termes, a « écoeuré » les élèves, était un enseignement direct, un enseignement structuré? Les cours classiques étaient des enseignements magistraux, et non pas des enseignements directs et structurés. S’il vous plaît, Monsieur Asselin, arrêtez d’entretenir cette confusion.
Vous ajoutez: « pouvez-vous prendre soin de ne pas désinformer les gens en colportant que la recherche ne prouve pas hors de tout doute que le sol soit ferme à 100%? »
Pardon? Vous m’accusez de faire de la désinformation? Pouvez-vous être plus précis dans vos accusations?
On peut élaborer maintes théories sur ce qu’il faut faire ou ne pas faire… M. Baillargeon, a un discours fort charmeur. Il a simplement oublié de mentionner que les pratiques actuelles (enseignement directif) produisent notre grand taux de décrochage. Il n’y a vraiment que dans l’enseignement que l’on peut prétendre conserver des pratiques qui sont innefficaces.
Peu importe les insuccès, le décrochage, l’ennui des étudiants…maintenons le cap sur un enseignement directif! Voilà la proposition de M. Baillargeon.
Monsieur Daneau, je vous invite à réécouter l’entrevue de Monsieur Baillargeon. Celui-ci fait référence à l’ « enseignement direct », qui est un modèle pédagogique très précis, développé dans les années 60 par Sigfried Englemann et qui n’a jamais été appliqué au Québec (sauf dans de très rares exceptions et à une échelle très limitée). En fait, je ne crois pas que Monsieur Baillargeon prône un retour aux vielles méthodes. Il me semble plutôt favorable à un changement. Il constate cependant que la direction des changements amorcés est très discutable puisque ces changements vont à l’encontre des études sur l’efficacité des différentes approches. Il prône cependant une approche d’enseignement beaucoup plus structurée que l’approche tradionnelle ou que les approches mises de l’avant par les promoteurs de la réforme.
Deuxièmement, il est aussi faux de prétendre que l’enseignement au Québec avant la réforme était un enseignement « directif » ou même tradionnel. En fait, l’examen, même sommaire, nous permet de constater qu’il y avait depuis de nombreuses années, des éléments de pédagogie par projet, pédagogie de la découverte, apprentissage coopératif, autant que des méthodes d’enseignement magistral. Il est donc simpliste de vouloir attribuer le haut taux de décrochage à ce que vous prétendez être des méthodes d’enseignement directif ou même aux méthodes que l’on considère comme étant des méthodes d’enseignement tradionnel. Il serait également exagéré de vouloir attribuer cette augmentation du taux de décrochage aux éléments plus progressifs déjà présents.
Si vous n’êtes pas convaincu de ce que j’avance, je vous suggère de mettre la main sur les manuels pédagogiques approuvés par le ministère de l’Éducation depuis les derniers 35 ans et de lire attentivement les guides aux enseignants. Allez lire également les différents documents gouvernementaux ayant servi de justification aux différentes réformes de l’éducation depuis ces derniers 35 ans.
Quelques précisions :
– Merci M. Péladeau pour la source de votre assertion à propos «des interactions traitement-aptitude».
– Je ne crois pas qu’ils soient tous des «nostalgiques» (les opposants à la réforme), mais force est d’admettre que ceux-ci semblent plus enclins à exposer publiquement leurs doléances.
– «… l’enseignement traditionnel qui, selon vos termes, a « écoeuré » LES élèves»; certains élèves, des élèves… pas tous mais de bons élèves par-dessus le marché.
– Je vais faire plus attention, mais admettez que l’enseignement explicite est plus proche du magistral que de la pédagogie ouverte…
– Je ne vous accuse pas. Je vous demande de ne pas le faire. Je reprends : «… pouvez-vous prendre soin de ne pas désinformer… ?» Désinformation : «Utilisation des techniques de l’information pour induire en erreur, camoufler les faits.» Oui, je maintiens que votre discours peut avoir comme effet d’induire en erreur. Je ne dis pas que c’est ce que vous voulez faire, mais je crois que c’est ce que vous pourriez faire en proclamant qu’en dehors de l’enseignement direct, il n’y a point de salut.
Nous échangeons des points de vue et je vous rappelle que j’ai toujours autant d’estime pour ce que vous êtes M. Péladeau et surtout, pour le temps que vous prenez à débattre. Nous ne sommes pas dans une bagarre de ruelle. Je ne vous prête aucune intention, car je ne doute pas de votre bonne foi. J’ai des doutes sur votre capacité à apprécier les conséquences qu’ont vos écrits sur les comportements des gens qui vivent une période de grand déséquilibre apportée par des changements pas banal du tout.
Je crois aux débats, je respecte votre point de vue divergeant du mien et je suis rassuré quand vous admettez des faits qui me semblent difficiles à contester. Mais vous semblez continuer à ne voir aucun sens à utiliser des stratégies autres que l’enseignement direct… que voulez-vous que je vous dise?
Comprenez que si je tiens à ce que je dis et qu’aucun de mes arguments «n’ébranle» votre certitude, je me dis qu’il y a deux catégories d’hypothèses.
1- Je m’explique mal ou il n’y pas d’explication convaincante.
2- Vous ne voulez pas concevoir que ça se peut (qu’il y ait autre chose en dehors de l’enseignement direct) et il y a une raison que ma raison ignore.
En vous demandant de prendre soin de ne pas désinformer, j’ai probablement spéculé dans le champ du #2; vous allez me dire que la réponse est dans le #1, mais vous allez comprendre qu’au mieux, je sois prêt à considérer que je m’explique mal…
À moins que je vous comprenne mal et que vous voyez des vertus aux pédagogies ouvertes dans certains contextes? À ce moment, je serai ravi, car il y aurait là beaucoup moins de distance que je ne l’évalue actuellement entre nos prises de position. Si c’est le cas, je suis dans l’erreur en vous demandant de ne pas frayer avec la désinformation. Je comprendrais à ce moment que tout ce que vous demandez, c’est de ne pas exclure la validité de l’enseignement direct dans plusieurs contextes, ce à quoi j’adhère sans réserve…
« mais admettez que l’enseignement explicite est plus proche du magistral que de la pédagogie ouverte… »
Oui! C’est vrai. Comme pour un républicain aux États Unis, le parti démocrate est plus près du parti communiste. Ça ne justifie pas pour autant de traiter les démocrates de communistes.
Le fait que l’enseignement explicite ou direct ou les autres modèles instructionnistes partagent certaines similarités avec les approches tradionnelles, surtout lorsqu’on adopte le point de vue des pédagogies ouvertes, ne justifie pas le fait d’associer l’une à l’autre. Les adaptes de ces modèles instructionnistes sont aussi très critiques face à l’enseignement magistral et à d’autres aspects de l’enseignement tradionnel qu’ils jugent inefficaces.
« Mais vous semblez continuer à ne voir aucun sens à utiliser des stratégies autres que l’enseignement direct… »
Je n’ai jamais dit ça! J’ai beaucoup de respect pour cette approche et pour bien d’autres approches pédagogiques qui se donnent la peine de se soumettre à l’épreuve des faits empiriques et j’en ai beaucoup moins pour celles qui s’en moquent éperdument. À plusieurs reprises, j’ai publiquement défendu l’utilisation de techniques d’enseignement comme le projet, mais dans des contextes bien précis, où l’on sait que cette méthode offre des avantages. (Ces contextes sont cependant beaucoup plus limités que ce que l’on nous laisse croire et l’utilisation que j’en fait demeure fort différente).
Quant à votre capacité à me convaincre, je vous dirais qu’elle dépend de votre capacité à m’identifier des recherches démontrant le bien-fondé des propositions que vous avancez. Je suis bien sûr en mesure d’apprécier un argument, une démonstration logique ou l’énoncé d’un principe ou d’une valeur. Mais, pour moi, l’idée de savoir qui a raison ou qui a tort (et jusqu’à quel point l’un à tort ou à raison) lorsqu’il s’agit de choisir une technique d’enseignement plutôt qu’un autre ne doit surtout pas reposer sur la beauté ou la force de l’argumentation, sur l’attrait que l’on a pour une position ou un autre, sur la foi en une croyance ou une valeur morale, mais plutôt sur des faits observés et mesurés. C’est ce qui constitue l’essentiel de l’ « éthique scientifique ». Et croyez-moi, je suis tout à fait en mesure de m’incliner devant les faits et d’admettre mon erreur si l’on me présente des données qui contredisent mes croyances.
M’avez-vous déjà mentionné l’existence d’une seule étude, d’une recherche ou de données pour appuyer vos propos? Je ne crois pas. C’est sans doute la raison pour laquelle vous avez l’impression que vos propos n’ont que peu d’influence sur mes positions.
En fait tout le problème dans ce débat qui a lieu au Québec c’est précisément qu’il se situe essentiellement au niveau idéologique et jamais au niveau scientifique. Il y a bien sur des gens qui, d’un côté travaillent à identifier des études, des recherches, des évaluations, et ces gens sont généralement défavorables à la réforme. Mais avez-vous déjà vu des gens favorables à cette réforme faire mention d’études scientifiques ou de résultats de recherches évaluatives? Oh bien sûr, plusieurs ont mentionné l’existence de telles études, mais jamais (ou presque) ils n’ont produit de références à cet égard. Pourquoi selon vous?
L’enjeu majeur pour pour moi dans ce débat n’est pas de faire la promotion d’une approche ou d’une autre, mais de faire valoir l’importance de faire reposer le choix des pratiques sur des données issues d’une démarche de recherche scientifique.
J’en viens même à partager l’opinion de ceux qui disent que la recherche en éducation est inutile. Ne vous méprenez pas. La recherche en éducation est pour moi essentielle. Elle est essentielle, mais elle est inutile. Inutile parce qu’elle n’a vraisemblablement aucune influence sur le mode de l’éducation, sur les pratiques dont ont fait la promotion, sur les croyances qui ont cours dans ce milieu.
Cela m’attriste profondément, croyez-moi!
Le débat est encore une fois animé !
Étant donné que Baillargeon fait référence au livre de Jeanne
Chall, j’ai pensé utile de représenter la synthèse de ce livre effectuée par Barak Rosenshine (un spécialiste de l’enseignement efficace) que j’ai déjà fait paraître sur la liste edu-ressources en août dernier.
Resumé du livre paru dans :
JOURNAL OF EDUCATION FOR STUDENTS PLACED AT RISK, 6(3), 309–311, 2001, Lawrence Erlbaum Associates, Inc.
The Academic Achievement Challenge: What Really Works in the Classroom? Jeanne Chall, New York: Guilford Press, 2000, 210 pages,
Reviewed by Barak Rosenshine
Department of Educational Psychology
University of Illinois at Urbana
«The Academic Achievement Challenge: What Really Works in the Classroom? Was Jeanne Chall’s last book. It was completed shortly before she died in November 1999. In this book, Chall identifies instructional procedures in the classroom and the home that have resulted in improved student academic achievement. Underlying this review of research, in each chapter, is a major problem that has
haunted educational research and practice throughout the 20th century: the conflict between the empiricists, who base their recommendations on objective data, and the romantics, who favor progressive, student-led instruction. At one pole, we have romantic notions of discovery learning and children joyfully teaching themselves. These ideas have been expressed in Whole Language, Language Experience, Open Education, Discovery Learning, Student-Centered Education, Hands-On-Learning, and Constructivism. At the other pole, we have the results of empirical research results that have shown the advantage of instructional support and systematic instruction. Chall’s book provides research and thoughtful analysis on this unrelenting
conflict». (Rosenshine, 2001, p. 309)
«Chapter 4 is a scholarly history of the swings between
student-centered and teacher-centered instruction in reading, math, science, and social studies. The chapter summarizes a number of evaluations comparing the romantic and empirical approaches. Chall notes that in the area of beginning reading, the research syntheses by Chall (1967), Bond and Dykstra (1967), Adams (1990), and Snow, Burns,
and Griffin (1998) all reached the same conclusion: The use of systematic phonics in primary grades results in better achievement. Chall asks, Why do we not accept the research findings and base our instruction on it (p. 65). The answer she gives is that most educators have a preference for student-centered instruction and will not accept results that conflict with their ideology. Chall wrote that the romantic view of children (and romantic is her term) is imbued with love and hope. This view holds that a child learns to
read as naturally as he learns to speak, if only we encourage him to use his language and his cognitionwhen he reads interesting books. But sadly, this view has been proven by research, theory, and practice to be less effective than a code-emphasis, particularly for hildren who are at risk for learning to read. (pp. 67-68)».
(Rosenshine, 2001, p. 310)
«Chall concludes this book with two recommendations for improving the academic achievement of our students: (a) a greater emphasis on a traditional, teacher-centered approach to instruction and curriculum and (b) the need for a greater awareness of scientific results in the education community. One problem, of course, is that in the past, scientific results have been rejected by those who put ideology before
data. Thus, we note that after 50 years of extensive, heavily funded research, there is still no common consensus regarding best teaching practice, no common body of knowledge about instruction, and no common standards of practice. This problem is not due to a lack of research
or of consistent, replicated findings. As Chall noted, the problem, in beginning reading, is not the research. The results of the research on beginning reading have been the same since the 1920s. The problem is getting people to accept the results of this research. And here, no compromise, no reconciliation has been possible. The romantics reject all objective test results, claiming that the tests are only testing mere facts and rote learning. Instead, the romantics make unsupported claims that their methods will lead to critical thinking skills and problem-solving abilities. But, as research has shown, expertise in any area is highly dependent on well-organized, extensive, overlearned, and accessible background knowledge the very knowledge that is dismissed by romantics. Chall notes systematic
instruction is particularly effective for those who enter school with limited knowledge, language, experience, and skills, regardless of social class. She writes that, The traditional teacher-centered education works for children with learning difficulties because it provides more structure, more support, and more systematic instruction
than does a progressive, child-centered approach (p. 177). This instructional support includes providing students with prompts, scaffolds, and guided practice. This support includes sequencing material so that confusion is minimized, teaching small amounts of new material and then providing for practice, and providing for sufficient practice until mastery is obtained. If there is any learning style,
it is that students from low-income families profit when they receive a great deal of instructional support. But it is unfortunate that these very supports and scaffolds are rejected by the romantics in their misguided efforts to help children. The losers, in this conflict, are children from less advantaged families». (Rosenshine, 2001, p. 310-311)
Malheureusement Monsieur Bissonnette, j’ai bien peur qu’aucune étude, aucune méta-analyse, aucune recension de recherche ne réussira à faire changer l’opinion des gens en faveur de cette réforme, précisément parce que:
« scientific results have been rejected by
those who put ideology before data. »
Rosenshine décrit précisément par cette phrase la situation que je déplorais dans ma dernière intervention.
Allons-y dans l’ordre parce que vous êtes très productifs messieurs… ;))
D’abord, je dois revenir sur votre commentaire M. Péladeau adressé à M. Daneau; nous avons posté nos commentaires presqu’au même moment. Je ne peux laisser passer cet extrait :«En fait, l’examen, même sommaire, nous permet de constater qu’il y avait depuis de nombreuses années, des éléments de pédagogie par projet, pédagogie de la découverte, apprentissage coopératif, autant que des méthodes d’enseignement magistral.» Pourquoi?
Voilà un exemple qui démontre que votre méthode de recherche d’informations comporte des failles. Au-delà de ce qui est écrit dans «les guides et manuels pédagogiques approuvés par le ministère de l’Éducation depuis les derniers 35 ans », il est évident pour un observateur qui a moindrement été présent dans les classes et les écoles que la façon privilégiée largement par les enseignants d’avant la réforme est un enseignement direct et magistral (frontal, tient!). C’est d’ailleurs encore le cas en ce moment, je vous l’assure. Je ne peux comprendre que vous soyez si sûr de vous en prétendant le contraire. C’est incroyable!
Autre point. Vous n’avez jamais dit que «les stratégies autres que l’enseignement direct ne font pas de sens», soit. Donc, vous prétendez avoir beaucoup de respect pour «l’utilisation de techniques d’enseignement comme le projet, mais dans des contextes bien précis, où l’on sait que cette méthode offre des avantages.» Vous connaissez des études dont les résultats vont en ce sens, mais vous me demandez d’en citer pour que mes arguments soient recevables. Je me disqualifie donc à vos yeux parce que je ne peux citer ce que vous connaissez ?
Avec ce type de raisonnement, je comprends que nous ayons de la difficulté à communiquer. J’accorde probablement trop d’importance à ce que je vis sur le terrain au détriment de ce que la littérature rapporte.
Monsieur Bissonnette publie un résumé de livre qui me semble bien sympathique mis à part l’utilisation du vocable «romantique» pour parler de ceux qui favorisent la «discovery learning and children joyfully teaching themselves»; j’imagine qu’on ne peut pas être un peu romantique, un peu «amateur de données empiriques»?
Et puis arrive ce petit commentaire rempli d’ironie… 😉 Les proréformes sont donc des gens fervents par idéologie et les autres sont des gens qui se fient aux vrais faits, aux données empiriques. Idéologie : «Philosophie vague et nébuleuse, basée sur des idées creuses»… hum, ce n’est pas gentil pour nous ça !
Je suis sensible aux études et aux données empiriques et je suis aussi sensible aux vingt-trois années d’observations que j’ai accumulées. Je vis professionnellement avec des gens qui me ressemblent sur ce point. Dénigrer tous ceux qui ne sont pas scientifiques, doctorants ou Phd (encore que ces gens ne s’entendent pas beaucoup entre eux) en les réduisant à de «vulgaires personnes» dominées par leur sensibilité (ce qui est propre au romantisme), vous arrange peut-être, mais ne me convainc pas qu’il faille tout rejeter de la réforme actuelle.
Je conserve mon sens critique depuis le début de cette aventure qui m’a mené en éducation et je suis plutôt sympathique à vos théories. En ce qui a trait à l’apprentissage de la lecture en particulier. Mais votre argumentaire qui contribue à décourager toute forme de changement face à ce qui ne marche pas dans les classes, je le rejette quand il ne fait pas de sens.
Ces gens, Tardif, Legendre, Carbonneau, Perrenoud, Merrieux (je l’écris comme vous l’avez écrit, mais vous ne devez pas le lire beaucoup parce que son nom ne s’écrit pas comme cela), seraient tous des «romantiques» parce qu’ils «n’ont jamais fait de recherche évaluative en éducation» semble-t-il… Et bien si vous m’obligez à choisir un camp, je vais vous décevoir. Mais ce qui est agréable c’est que je ne me sens pas obligé de choisir un camp dans l’absolue. Il n’y a pas de camp, il n’y a que des gens qui cherchent comme vous, mais pas avec les mêmes méthodes.
J’ai beaucoup de considérations pour ce que vous écrivez, mais je constate que tout ce qui vous intéresse est de faire obstruction à la réforme, pas de chercher les meilleurs moyens pour faire apprendre.
C’est ce que je retiens de nos derniers échanges.
Je vais essayer de demeurer ouvert encore. Peut-être parviendrez-vous à voir en moi le meilleur des alliés que vous pourriez trouver si vous arrêtiez de ne me voir qu’en artisan de la réforme! Hormi ce mur qui vous empêche de me voir tel que je suis, il y a moins de choses qui nous séparent que vous ne le croyez…
Ces dernières interventions caractérisent tout à fait la nature du débat. Nous sommes en présence de deux hypothèses contradictoires quant à savoir si l’enseignement qui avait cours avant la réforme était un enseignement traditionnel (hypothèse de Monsieur Asselin) ou un mélange d’enseignement traditionnel et de pédagogies progressistes (projet, découverte, coopération, etc.), ma propre hypothèse. Deux hypothèses, une seule réalité. Comment savoir laquelle est véridique, ou du moins la plus près de la réalité.
De mon côté, je demande à Monsieur Daneau de ne pas me croire sur parole mais l’invite plutôt à examiner le matériel pédagogique utilisé dans les classes depuis les 35 dernières années, qui ne sont ni plus ni moins que les outils utilisés par les enseignants de l’époque. J’ajoutais également l’idée d’examiner les documents de politiques du MEQ. J’aurais pu ajouter les vieux numéros de Vie Pédagogique et les livres de pédagogie vendus en librairie à l’époque, les documents vidéo, s’il en existe, montrant la dynamique des classes. Il y a par ailleurs sûrement des chercheurs qui se sont évertués à observer systématiquement les pratiques éducatives dans de vraies classes et qui ont publié leurs résultats. Comme il n’existe pas de machine à remonter le temps, je proposais donc l’utilisation des méthodes propres aux historiens et aux archéologues.
De l’autre côté, Monsieur Asselin, nous demande de le croire sur parole. Selon lui, son hypothèse n’a même pas besoin d’être vérifié puisque que cela « est évident pour un observateur qui a moindrement été présent dans les classes et les écoles ». En se faisait, il a recours à l’argument d’autorité, de l’expérience qui lui permet de juger, fort de ses vingt-trois années d’observation accumulées, de la véracité d’une proposition sans avoir besoin de vérifier ses dires. On peut le croire sur parole. Il est très fort également pour démoniser son adversaire, pour le décrire comme quelqu’un qui méprise et dénigre tous ceux qui ne sont pas scientifiques, et les réduit à de « vulgaires personnes » (ce sont ses mots, pas les miens), à me décrire comme quelqu’un qui ne cherche qu’à détruire. Il est habile également lorsqu’il extrapole la logique mon argumentation pour me faire dire des choses qui vont bien au-delà de mes pensées pour ensuite s’en prendre à ces conclusions qui ne sont pourtant pas les miennes. Comme par exemple, lorsqu’il prétendait dans un message précédent que j’aurai affirmé qu’en dehors de l’enseignement direct, il n’y aurait point de salut ou encore dans son dernier message lorsqu’il affirme:
« Je me disqualifie donc à vos yeux parce que je ne peux citer ce que vous connaissez ? Avec ce type de raisonnement… »
Mais il s’agit de votre raisonnement, pas du mien! Vous raisonnez à ma place. Vous concluez à ma place alors que je n’ai jamais rien dit de tel. Vous vous disqualifiez vous même, peut-être dans le but de vous dispenser de répondre.
Je me réjouis de savoir que, vous cherchez « les meilleurs moyens pour faire apprendre ». Mais devant des opinions aussi contraires sur l’efficacité d’une approche ou d’une autre, comment savoir ce qui marche et ce qui ne marche pas? Doit-on reposer sur les arguments d’autorités, la foi, les croyances profondes?
Vous dites « Nous ne sommes pas des fanatiques de la réforme; mais nous y croyons profondément ».
Pourtant, vous dites également être sensible aux études et aux données empiriques (sans jamais avoir pris la peine d’en citer une seule). Est-ce que ces études et données empiriques seraient en mesure d’ébranler vos convictions, de modifier vos croyance? Jusqu’à preuve du contraire, permettez-moi d’en douter.
Messieurs, permettez-moi d’intervenir dans cette discussion fort intéressante.
Je commencerai par citer une conférence intitulée Accompagnement des élèves dans le cadre de tâches d’apprentissage et d’évaluation donnée à la session des personnes ressources (mars 2004) où Mme Jacqueline Beckers expliquait qu’une des trois conditions pour réussir l’accompagnement est de « …planifier un cursus cohérent autour de quelques compétences … ». Je fut alors étonné d’apprendre qu’il est nécessaire d’alterner entre des tâches complexes et des tâches simples (de l’exercisation, par exemple).
M. Péladeau, à ce moment-ci, j’ose reprendre ce que vous disiez au commentaire #7 en citant l’article de Snow(1986) : « Il y a des preuves substantielles que les élèves les plus faibles réussissent mieux lorsque l’enseignement est minutieusement structuré, lorsque les leçons sont décomposées dans une séquence d’unités simples, et lorsque l’enseignant exerce une supervision soutenue tout au long de l’activité et fournit des rétroactions fréquentes…»
Il est vrai qu’un enseignement structuré favorise la réussite de tous et je crois qu’un enseignant qui accompagne réellement ses élèves fait un bon pas dans cette direction.
Comme M. Asselin, je crois énormément en cette réforme et si on s’enlève de l’idée que les élèves y seront constamment placées devant l’inconnu, le complexe et les projets ouverts, et bien nous aurons finalement compris en quoi elle consiste.
Brièvement,
La meilleure «preuve» que je pourrais vous donner que je suis «sensible» aux études et données empiriques et que je laisse un espace ouvert dans mes convictions et croyances est que je milite depuis le début de l’arrivée de la réforme pour l’autonomie professionnelle des enseignants et la diversité des approches à utiliser. Il y a sur ce blogue de nombreuses traces en ce sens. Je suis persuadé que les études que vous citez contiennent des trésors d’arguments.
Je dis seulement qu’il n’y a pas que cela qui doivent motiver mes convictions et croyances.
Quand à savoir si ma parole vaut quelque chose ?
Autant que celle des autres… j’espère.
Quand à savoir si cette parole peut faire autorité dans le domaine ?
J’espère que non. Mais la parole d’un grand groupe, elle, peut constituer un début de semblant d’autorité, je crois.
Je regrette, j’accorde aussi une certaine valeur aux témoignages… surtout lorsqu’ils sont concordants.
« Je fut alors étonné d’apprendre qu’il est nécessaire d’alterner entre des tâches complexes et des tâches simples (de l’exercisation, par exemple). »
Pourquoi étonné! Je suis simplement curieux!
Dans un enseignement structuré, cette alternance se fait normalement par les tâches simples au départ, jusqu’à une bonne maîtrise de celles-ci, et ce, de façon préalable à l’accomplissement de taches plus complexes, aux projets ou problèmes.
Mais si vous avez lu sur cette question vous aurez sans doute remarqué que plusieurs auteurs s’opposent à ces exercices simples dont Marie Françoise Legendre (parlant au nom du MELS), Jacques Tardif, et plusieurs autres. De mon côté, je me réjouis de voir des gens en Belgique reconsidérer leurs positions et admettre la valeur de ce type de tâches (dont Bernard Rey, et semble-t-il, selon vos propos Mme Bechers).
« Je regrette, j’accorde aussi une certaine valeur aux témoignages… surtout lorsqu’ils sont concordants. »
Si vous vous contentez de mentionner les témoignages qui vous sont faits, alors il s’agit malgré tout d’un argument d’autorité, puisque nous devrons encore une fois vous croire sur parole. Ce serait votre parole contre celle de Baillargeon qui parle également des témoignages que les enseignants lui ont faits, de Steve Bissonnette qui rencontre également beaucoup d’enseignants, de ceux que j’ai eu la chance de rencontrer, etc. On ne s’en sort pas de cette façon.
S’il s’agit de résultats de sondages ou d’une enquête systématique, alors c’est autre chose. On ne peut pas de pas en tenir compte, ne serait-ce que parce que ce sont ces gens à qui on demande de modifier leurs pratiques d’enseignement. Ceci dit, est-ce que le fait de qu’une majorité d’individus croient en une chose font de cette chose une réalité? Selon une enquête aux États-Unis en 1994, 71.0% des gens croient à l’enfer et 65.4% croient à l’existence du diable.
Une autre enquête aux États-Unis révélait qu’une très grande majorité des enseignants (99%) croyaient à l’importance d’enseigner en tenant compte des styles d’apprentissage des élèves, soit selon qu’ils seraient auditifs ou visuels (on ne parlait pas de kinesthésiques à l’époque), et ce, en dépit du fait que les recherches, même de ceux qui ont proposé cette distinction, n’ont jamais réussi à démontrer une quelconque interaction entre les méthodes et ces prétendus styles d’apprentissage.
Oups! La référence de ce sondage et de la revue de littérature est:
Arter, J.A. & Jenkins, J.R. (1979). Differential Diagnosis – Prescriptive Teaching: A Critical Appraisal. Review of Educational Research, 49(4), 517-555.
Je comprends ce que vous voulez dire par «les arguments d’autorité» et des limites qu’ils comportent. Vous savez, il n’y a pas que de ce côté qu’il y ait des limites. Quand on écoute ce que des psychiatres (disons un en particulier) font dire à des études scientifiques concernant les gens de race noire et les femmes on apprend aussi à entretenir des réserves… (lire ce billet de mon copain très versé dans les arguments scientifiques.)
Voilà pourquoi, il faut rester vigilant en tout temps, avec les arguments d’autorité et ceux en provenance de données empiriques. Je ne suis pas nihiliste et j’accorde beaucoup de crédit à la science, mais admettez que plusieurs chercheurs trouvent ce qu’ils cherchent et seulement ce qu’ils cherchent à prouver. Vous qui aimez citer les faits du côté du monde pharmaceutique, «Viox» et «Celebrex» ne sont-ils pas des exemples qui nous commandent de ne pas tout mettre nos oeufs dans la barque du monde scientifique ?
Je maintiens que nos positions sur la question des meilleurs moyens pour faire apprendre ne sont pas si éloignées l’une de l’autre. Je crois que c’est le décodage de ce qui se passait dans les écoles et les classes avant la réforme et l’éclairage de ce que le «renouveau pédagogique» offre qui ne nous aident pas à se rejoindre.
Dans le contexte où on se rejoindrait sur les stratégies pour faire apprendre, ne pourrait-il pas y avoir moyen de «remettre le compteur à zéro» sur ce que veut dire le concept de réforme en janvier 2006 et partir sur de meilleures bases pour mieux construire ensemble avec la nouvelle année ? Je ne parle pas de redéfinir la réforme; ni vous ni moi avons «cette autorité». Mais tenter de s’entendre sur le message à véhiculer à partir des informations dont on dispose aujourd’hui. Je parle d’essayer de mettre de côté ce qui a été dit ou véhiculé de 1998 à 2004 et se centrer sur la représentation de janvier 2006 du concept de réforme…
J’aime bien échanger avec vous, mais s’il y avait moyen de travailler un peu plus dans le même sens…
L’exemple de Mercks et du Viox me semble au contraire un bel exemple de l’importance de la recherche scientifique. En fait, ce qu’on peut reprocher à Mercks ce n’est pas d’avoir produit des recherches qui niaient les effets, mais de ne pas en avoir tenu compte. Ses propres recherches avaient permis d’identifier ces risques importants, mais ils ont choisi de les ignorer. C’est un bel exemple ou les impératifs économiques (ou politique) ont eu le dessus sur les données scientifiques.
Dieu merci, les normes scientifiques qui ont cours dans le milieu de la recherche pharmaceutique nous ont permis de démasquer ces manoeuvres.
J’aimerais tellement que l’on puisse en faire autant (ou même juste un peu) dans le milieu de l’éducation, mais avouez que l’on en est bien loin.
Vous avez peut être une ouverture face à ce que les recherches peuvent apporter, mais je constate qu’ils sont bien minoritaires ceux qui pensent de la sorte chez les gens en faveur de la réforme.
Rien ne laissait croire que les politiques à l’origine de la réforme (« Prendre le virage du succès » et « L’école tout un programme ») allaient donner naissance à un programme de formation axé sur le développement de compétences, inspiré d’une théorie socioconstructiviste de l’apprentissage et véhiculant un modèle pédagogique. Les auteurs du Rapport Inchauspé, dont est tiré la politique « L’école tout un programme », n’ont jamais recommandé que les programmes soient conçus selon ces paramètres. Ils s’en défendent bien. Même constat si on relit les rapports émanant de la Commission des États généraux.
Mais je retiens, entre autres choses, que tous ces documents « fondateurs » de la réforme militaient en faveur d’une plus grande marge de manœuvre pour l’école et d’un accroissement de l’autonomie professionnelle des enseignants. Pourquoi, l’autonomie professionnelle? Relisez Inchauspé : on y déplorait que le dispositif entourant les programmes d’études des années 1980 était de nature à verrouiller l’action pédagogique. Qu’on en juge : chaque programme, décliné en de multiples objectifs installés sur plusieurs étages, était accompagné de guides pédagogiques qui prévoyaient à peu près tout. Ce fut aussi l’époque de la sophistication des grilles d’analyse du matériel didactique soumis à l’approbation : il fallait montrer patte blanche en matière de pédagogie. Les fameux guides pédagogiques étaient les livres de chevet des auteurs et éditeurs. Rappelons-nous aussi que les moyens financiers utilisés à l’époque pour implanter les programmes n’avaient pas de commune mesure avec ceux d’aujourd’hui. Les directions régionales du MÉQ fourmillaient d’agents de développement pédagogique.
On a voulu tourner le dos à ce modèle? Pas vraiment. On n’a peut-être pas les moyens de l’époque mais on cultive aux plus hauts niveaux de l’administration la même volonté de contrôler l’action pédagogique. Les premières moutures du programme de formation sont le fruit d’une approche idéologique et dogmatique en matière d’enseignement. Dès lors, on a confondu finalités et moyens. La réforme du curriculum est devenue la réforme de l’enseignement. L’expression « renouveau pédagogique » – sans doute conçue pour atténuer la charge émotive du mot « réforme » – participe de cette détermination. Et examinez la grille d’analyse (aspects pédagogiques) des manuels scolaires soumis à l’approbation… La créativité appelée par Inchauspé, pour les auteurs des ensembles didactiques, en prend pour son grade.
Autonomie professionnelle, vraiment? Je sais ce qu’indique à ce sujet le tout dernier des documents ministériels (« Le renouveau pédagogique, ce qui définit le changement »). On y décline tout ce qui bouge en matière d’approches pédagogiques, y inclus l’enseignement explicite. Tout est acceptable, tout est relatif.
Faites un vox pop sur le sens de la réforme (ou le renouveau, c’est selon). Vous y entendrez encore « pédagogie du projet » et les généralités habituelles qui en découlent. Si évaluer la réforme signifie mesurer les effets de telle ou telle méthode pédagogique, je conclus à la dérive et au détournement de sens des politiques qui en étaient à l’origine.
Je ne doute pas qu’un «vox pop» aille dans le sens de ce que tu suggères Daniel, mais je ne ressens pas que la volonté des officiers du MELS soit à l’effet de véhiculer une compréhension qui encadre à ce point les stratégies des enseignants. Personnellement, mes interventions portent dans les écoles à se munir de plusieurs stratégies pour faire apprendre. J’interviens dans ce sens depuis le début de mon «appartenance-réforme» qui remonte aux premiers temps des écoles ciblées 1999-2000. Je ressentais beaucoup moins de marge de manoeuvre comme directeur et coach à ce moment, sur ce sujet, mais maintenant, je crois qu’elle est là et il faut se l’approprier.
Je te remercie de ramener l’éclairage de ce grand Monsieur qu’est Paul Inchauspé. Je me souviens d’avoir écrit un billet à la suite d’une de ses visites à une assemblée de d.g. et je viens de relire le billet; le 2 novembre 2000, voici ce qu’il nous disait :
«Alors, j’ai voulu profiter de l’occasion qui m’était offerte pour recentrer les discours sur la réforme sur deux de ses enjeux les plus importants : le renforcement de la fonction cognitive de l’école et le renforcement de l’espace professionnel des enseignants et des enseignantes. Ces deux questions constitueront les deux points de mon exposé. Pour chacun d’eux, je ne me contenterai pas seulement d’expliciter un peu la nature de ces enjeux, j’indiquerai aussi des conséquences qui en découlent pour un directeur ou une directrice d’établissement qui veut être partie prenante de ces enjeux. Mais avant d’aborder ces deux sujets, je voudrais dans un premier temps vous livrer quelques réflexions sur ce qu’est une réforme et sur la raison d’être de la réforme du curriculum d’études.»
Le texte complet de son allocution peut être trouvé au bas du dit billet.
Je suis de ton avis Daniel, ce serait une dérive que de vouloir mesurer les effets de telle ou telle stratégie. Ce serait aussi une dérive que de se détourner «du sens des politiques qui en étaient à l’origine», comme tu dis.
Si les processus d’approbation du matériel «réforme» s’éloignent du sens originel (et je sais que tu t’y connais en cette matière) ou si ailleurs dans l’appareil gouvernemental, c’est la même chose, je crois qu’il est de notre devoir de le crier haut et fort.
On parle, on parle… On écrit, on écrit… et j’entends parfois des gens qui sont déçus qu’il y ait si peu d’interventions «officielles».
Le document «sur le renouveau» (accessible sur le site du MELS) m’avait semblé un pas dans la bonne direction; la situation commande probablement un peu plus que sa simple diffusion. Pourquoi n’a-t-on pas «joué ça» très fort ? Je ne m’explique pas…
J’assiste parfois à des présentations de gens payés pour cadrer et présenter «le renouveau» qui desservent le dit document, alors je ne m’étonne pas que les «vox-pop» ne soient pas plus conséquents avec le sens premier de cette réforme. À d’autres moments, c’est OK; mais il y a si peu de gens qui s’expriment dans les espaces publics. Le contexte des négos? Le ministre et ses sbires mal-à-l’aise de prendre le micro? Je ne sais pas…
Je ne démissionnerai pas à tenter d’expliquer ce que j’en comprends parce que j’y crois au sens premier (bien cadré par le texte d’Inchauspé dont je parlais plus haut)!
Merci Daniel de ton intervention.
Merci à toi Mario. Je suis d’accord sur le fait qu’au MÉLS, on effectue un repli stratégique sur certains irritants, principalement en ce qui touche à la pédagogie. Quelqu’un s’est sans doute rappelé l’article 19 de la Loi sur l’instruction publique, qui consacre l’autonomie du prof. On a pu aussi y approfondir le schéma classique qui gouverne normalement les relations entre l’état et ses intermédiaires : sur la répartition des rôles entre le MÉLS – qui définit les orientations – et les milieux scolaires – de qui relève le choix des moyens pour les mettre en œuvre. Il n’empêche que les perceptions sont tenaces. Le paradigme apprentissage imprègne les esprits. L’histoire retiendra que la théorie socioconstructiviste a constitué le fondement de cette réforme et que le Québec dans son entier s’est employé à appliquer les pratiques qui en découlent. Rappelons-nous comment on a décrété – a posteriori – que les programmes des années 1980 étaient d’inspiration néobehavioriste, pour mieux faire passer cette réforme. Comme si, à l’époque, nous avions été collectivement complices d’une vaste entreprise de modification de comportements.
Au passage, je ne peux m’empêcher de penser qu’il y a quelque chose d’absurde de figer ainsi dans le temps une théorie pour en faire le pilier d’une politique aussi fondamentale qu’un curriculum d’études, dont la durée sera d’au moins … 10 ans? 15 ans? 20 ans? C’est faire fi de l’évolution de la science et de l’intelligence des chercheurs, dont il m’apparaît que la contribution en didactique (et en pédagogie) consiste à enrichir la pratique beaucoup plus que de façonner des orientations gouvernementales au profit d’une bureaucratie.
Merci aussi pour Inchauspé.
Les propos de monsieur Trottier rejoignent la conclusion de l’ouvrage auquel j’ai participé (Échec scolaire et réforme éducative. Bissonnette, Richard & Gauthier, 2005).
«Si les États généraux sur l’éducation ont été l’occasion au Québec de faire le bilan de tous les problèmes relatifs à l’éducation (décrochage, laïcité, garçons, éducation des adultes, sous-financement, régions, etc.), ils n’ont cependant pas (ou si peu) débattu de pédagogie. Pourtant, quand on analyse les principaux documents préparant la réforme , la proposition d’un changement de paradigme n’était pas à l’agenda et ne faisait pas partie des dix chantiers prioritaires clôturant les États généraux sur l’éducation, ni des propositions du Rapport du Groupe de travail sur la réforme du curriculum dont les travaux ont suivis, ni de l’Énoncé de politique éducative qui lançait, en quelque sorte, la réforme. On ne sait pas trop pourquoi, mais rien n’obligeait à un changement de perspective aussi radical, si peu discuté et, pis encore, si peu fondé. La réforme en cours remet fondamentalement en cause le paradigme d’enseignement et fait des propositions qui vont beaucoup trop loin sur le plan pédagogique comme en témoignent, entre autres, les critères d’évaluation des aspects pédagogiques pour l’approbation du matériel didactique. Nous anticipons que ce changement, s’il est réalisé dans toute son ampleur, aura un impact fort négatif sur l’ensemble du système et, plus particulièrement, auprès des élèves en difficulté. Puisse ce petit ouvrage sensibiliser les principaux acteurs de l’éducation à ce danger» (p.86).
Bonjour Mario et TLM
Apprentissage par la découverte
Voilà ! J’ai réussi ! Sans passer votre soupe à la loupe, j’ai lu attentivement et d’une seule gorgée, vos écrits érudits formant cette discussion Coach scolaire et catalyseur de communautés d’apprentissage. Éventuellement, je pourrai(s) donc soupoudrer ma cuillerée d’épices à votre potage de sages, mais cette fois-ci, puis-je glisser dans votre palissade que balise (html) s’écrit avec un seul s ; d’ailleurs, j’ai testé qu’à part les balises fonctionnelles [b] et [i], ces autres ne fonctionnent pas : [font], [u], [s], [u], [div], [img]. Je n’ai pas testé [table].
Pour styliser
son commentaire,
utiliser les
balises html
[b] gras [b]
et /ou
[i] italik [/i].
Pour en revenir à mon titre, je suis, depuis plusieurs minutes, en situation d’Apprentissage par la découverte. Le tout a commencé quand j’ai voulu publié un simple test avec différents codes HTML de mise en page, mais sans inscrire ni mon nom, ni mon courriel, ni mon URL.
Attendu l’absence d’un bouton de prévisualisation dans la version française de ce BLOG, j’ai tout simplement cliquer Publier : cela m’a redirigé à la version anglaise de ce système bloguien et au mess@ge m’indiquant que je dois inscrire mes em@il and N@me. Néanmoins, maintenant, sous la fenêtre contenant ce mess@ge, j’ai le bouton Post, mais aussi le bouton Preview. Yes!
Ça serait mégaSuper si la version française avait le bouton : Brouillon. Le bouillon de ce potage de sages, ne pourrait qu’en être plus …
____________________________________
je vous laisse trouver le(s) mot(s).
(ceci était un exercice à trou.)
Qui plus est, toujours dans mon Apprentissage par la découverte, et toujours dans la version anglaise de ce BLOG Opposumien, j’ai vu qu’au prévisionnement d’un lien URL, le HTML [a href] s’ajoute automatiquement avant et après le texte du lien. J’ai également observé que le texte visible du lien initial peut alors être modifié :
http://www.djo.ca/cvIntro.html = Djeault
Cela peut être utile ds le cas des liens très et /ou trop longs … ou encore pour, donner plus de « sens » au lien.
La morale de cette bouillabaisse ?
Quand on ouvre une parenthèse,
ne serait-ce que sur un s,
on ne sait pas toujours quand elle cesse.
Bonne fin de semaine TLM
🙂
Je pense que vous êtes bien plus alliés que vous ne le pensez, que vous poursuivez les mêmes buts et que vos problèmes sont plus des problèmes de termes employés, de communication en somme, que des désaccords de fond.
J’interviens bien tard dans le débat…
Bonjour à tous,
Je viens de lire cet échange, ma foi, très intéressant.
Étant sur le coup de la lecture, Je retiendrai une chose qui m’a frappé :
Monsieur Péladeau exprime à plusieurs reprises ses réserves légitimes face à l’implantation de cette réforme en expliquant que, avant de jouer aux apprentis sorciers avec les enfants, il faudrait au préalable DÉMONTRER SCIENTIFIQUEMENT la valeur de la réforme telle que proposée, réforme qui, d’après ce que j’en comprend jusqu’ici, ne va pas dans le sens de ce qui avait été pensé au départ par ceux qui l’avaient imaginée, à savoir : « Former des citoyen éclairés dotés d’un esprit critique ».
Donc, sans pour autant avoir une position dogmatique sur la question, monsieur Péladeau demande de la rigueur scientifique de la part des décideurs, ceci afin de s’assurer que l’on ne va pas dans un cul-de-sac dont les enfants en feraient lourdement les frais.
Et cette rigueur passe inévitablement par une démarche scientifique rigoureuse afin de mesurer la valeur pédagogique de ce que l’on veut implanter. Personne ne prétend que la science est parfaite et exempte de tout biais mais, que voulez-vous, à défaut de la perfection, l’être humain se rabat sur ce qu’il connait de mieux. et la science est ce qui se fait de mieux lorsque vient le temps de démontrer quelque chose.
Monsieur Péladeau a une préoccupation fort légitime. Mais, à cette préoccupation, on lui oppose des opinions personnelles, des arguments d’autorité et des expériences personnelles. Pas une seule fois on ne reconnait à monsieur Péladeau la pertinence de son inquiétude légitime. Pas une seule fois un ne lui reconnait la valeurs de la science dans tout ce débat. Est-ce à dire, monsieur Asselin que vos opinions basées sur l’affect ont préséances sur la rigueur des faits scientifiques?
Que vous puissiez fonctionner ainsi pour vous-même, ça vous regarde. Mais quand ça implique tous les étudiants du Québec, là ça ne va plus.
Je trouve très inquiétant que PAS UNE SEULE FOIS dans cet échange, monsieur Asselin ne semble se préoccuper de mesurer scientifiquement la valeur pédagogique de la réforme à mettre en place. Lorsque je parle de valeur, je ne parle pas de considération romantiques ou d’idéologies mais de l’atteinte du but poursuivi : L’Éducation de nos jeunes.
Qu’est-ce que doit être la raison d’être du système d’éducation? Peut-être aurait-il fallu s’entendre sur cette question au préalable.
Pour ma part, L’École doit servir à former des citoyens éclairés, des citoyens possédant un esprit critique aiguisé. L’Étudiant doit posséder un bagage culturel suffisamment riche pour comprendre le monde dans lequel ils se trouve et qu’il soit outillés pour y faire face, y vivre et contribuer démocratiquement à le transformer selon ses aspirations citoyennes.
Pour moi, C’est la chose la plus importante à réaliser pour un système d’éducation et la réforme actuelle semble plus soucieuse de former des travailleurs que des citoyens éclairés.
Monsieur Asselin ne reconnait pas dans cet échange l’importance de se fier à des faits objectifs (scientifiques) avant de se précipiter tête baissée dans une aventure aussi périlleuse que celle de chambarder le système d’éducation déjà très lacunaire.
Pire encore, à la préoccupation de rigueur scientifique de monsieur Péladeau, monsieur Asselin oppose son expérience personnelle, comme si cela pouvait constituer un argument rigoureux!
Avouez que ce N’est pas rassurant!!
Opposer l’expérience personnelle à la rigueur scientifique de qui que se soit n’est jamais une bonne idée, j’en conviens facilement. La grande majorité de cet échange date de 2005. Au commentaire #4 de ce billet, j’écris «je n’adhère pas à la thèse que la recherche en éducation soit unanime à « consacrer » l’enseignement explicite comme seule voie efficace.
J’accorde aussi de l’importance aux travaux de Seymour Papert et la rigueur scientifique de Piaget et de d’autres constructivistes me fait croire qu’il y a d’autres voies efficaces.
Je ne suis pas contre l’enseignement explicite; je ne l’ai jamais été. Mais le point de départ de ce texte est l’entrevue complaisante accordée à une personne que dont je respecte beaucoup le travail, que je lis sur son blogue d’ailleurs, mais qui, cette fois, a condamné toutes autres pratiques pédagogiques que celle qu’il préconise.
Je ne sais pas si c’est rassurant… mais il y a d’autres chercheurs qui arrivent à d’autres résultats en éducation. Depuis 2005, j’ai eu l’occasion d’en lire davantage sur ce sujet.
J’essaie de lire le plus possible, de considérer les expériences qui apportent de bons résultats (comme celle du Science Leadership Academy que j’ai visité en fin de semaine) et je me dis qu’il faut faire la part des choses… Avec le recul, je peux dire que M. Péladeau n’a pas tout faux dans cette échange. Mais il est arrivé que son obstruction systématique à la réforme me soit apparue comme une insurmontable difficulté à bien communiquer avec lui.
J’aimerais bien un jour pouvoir le rencontrer d’ailleurs. Comme quelqu’un l’a écrit au commentaire #28, nous sommes «plus alliés» que nous ne le pensons, peut-être…
Merci pour votre commentaire M. Chapleau et pour ce rappel d’une discussion que j’avais un peu oubliée.
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