Apprendre. Agir. Être. Ensemble. À l’école.

J’ai eu le grand bonheur de passer quelques minutes avec mon copain Clément hier. Son départ annoncé est maintenant une réalité concrète puisqu’il prend l’avion avec toute sa famille dans quelques heures. Je ne crois pas qu’il y ait meilleur témoignage à conserver que ce texte qui est annoncé aujourd’hui sur le site des Cahiers Pédagogiques au dossier «Quel socle commun ?» (# 439).

Jean-Michel Zakhartchouk nous avait contactés au printemps dernier et nous étions loin de nous douter à ce moment que ce serait l’un des derniers textes en commun que nous produirions d’ici à un bout de temps. Il nous avait demandé de traiter de cette fameuse question «franco-française» du socle et de «la mise en place d’un enseignement davantage axé sur les compétences réellement appropriées». Rapidement, nous nous étions entendus sur la formule dialogue, la conversation étant une de nos spécialités…

C’est donc avec une ÉNORME reconnaissance pour le plaisir éprouvé à travailler ensemble que je publie sous l’hyperlien plus bas l’intégral de ce court texte qui ne paraît que dans l’édition papier de ce grand dossier qu’il me tarde de lire en entier. Il est possible de le commander directement en ligne à partir du site du dossier; je vois d’ailleurs que nous sommes en bonne compagnie auprès entre autres de, Michel Develay, Bruno Devauchelle, Hervé Hamon, Philippe Meirieu, Philippe Perrenoud et Claude Thélot côtoyant également quelques Québécois dont Arthur Marsolais et Claude Lessard. Il me semble que le titre de notre contribution évoque tellement l’essentiel de ce que nous avons fait au quotidien depuis ces dernières années. Ah oui… de quoi avons-nous parlé hier P.M.? Mais des projets à venir…

Apprendre. Agir. Être. Ensemble. À l’école.

Mario Asselin a été directeur d’une des écoles ciblées par le ministère québécois de l’Éducation pour l’appropriation et la mise en œuvre de la réforme scolaire. Clément Laberge a été enseignant au secondaire. Ils sont maintenant associés dans une petite entreprise qui offre des services d’accompagnement aux professionnels du milieu scolaire — en particulier dans le domaine des TICE. C’est dans ce contexte qu’ils ont imaginé ce dialogue au sujet des compétences, de l’évaluation des apprentissages et de la culture.

Clément : J’ai parfois l’impression qu’on entretient une polémique au sujet de l’enseignement axé sur les compétences. Comme directeur d’école, comment démystifiais-tu cela aux parents qui exprimaient des inquiétudes?

Mario : J’ai fait appel à plusieurs stratégies, dont celle de leur démontrer que c’est seulement en exécutant des tâches contextualisées qu’on peut reconnaître les « savoir-agir ». Les parents constatent alors aisément que les jeunes ont besoin de savoir (connaissances) pour bien agir (compétences). Et ça les rassure.

Clément : Mais alors, qu’est-ce que ça change dans une classe quand un enseignant décide d’axer son enseignement sur les compétences plutôt que sur les connaissances?

Mario : Chose certaine, cet enseignant s’intéressera davantage aux apprentissages qu’à ce qu’il enseigne en tant que tel. Ça veut dire qu’il doit connaître plusieurs chemins différents pour aider un élève à apprendre. Dans ce type de classe, les enfants sont plus actifs; ils travaillent en coopération, dans un cadre de projet, écoutant des explications quand elles sont requises et qu’elles répondent à un besoin. Tout cela alternativement, dans une même journée parfois ! Tous les élèves ne font pas nécessairement les mêmes choses en même temps.

Clément : Si je te suis bien, cela veut dire qu’il est possible que tous les enfants aient une expérience différente de la même journée de classe. Dans un tel contexte, comment peut-on s’assurer que les enfants se seront éventuellement approprié un socle commun de connaissances et de compétences?

Mario : Dans une classe centrée sur les compétences, l’enseignant planifie l’évaluation en même temps qu’il planifie l’activité d’apprentissage. Il sait reconnaître l’occasion propice pour recueillir de l’information sur le cheminement de chaque enfant et il sait le guider dans les zones plus difficiles de sa démarche. À ce moment, il place l’élève davantage en contact avec ce qui ne va pas, lui offre du support, lui explique différemment, utilise d’autres stratégies en lien avec ce qu’il découvre de qui il est comme apprenant. En bon gestionnaire de sa classe, l’enseignant devient capable de faire des regroupements d’élèves et d’activités qui répondent mieux aux besoins et lui permettent d’avoir du temps pour intervenir et évaluer individuellement.

Clément : Un des conforts importants de l’évaluation par examens, c’est que toute l’information sur tous les élèves est consignée simultanément. Si l’enseignant doit prendre des notes à tout moment sur l’un ou l’autre des élèves, le résultat de l’évaluation ne risque-t-il pas d’être trop subjectif?

Mario : Pour conserver une bonne objectivité professionnelle, il doit connaître sur le bout de ses doigts les seuils à atteindre et les capacités de ses élèves à les dépasser. L’enseignant apprend aussi à s’organiser différemment. L’outil du portfolio (électronique ou imprimé) prend tout son sens dans pareil contexte. Ainsi, les traces que les élèves consignent eux-mêmes au fil de leurs apprentissages (coups de cœur, défis relevés, difficultés rencontrées, analyses réflexives, etc.) deviennent ainsi autant de moyens pour l’enseignant de constater que l’ensemble des membres du groupe sont parvenus à destination… même s’ils ont pu prendre des routes différentes. Avec les examens nous savons qu’ils prennent la même route, mais plusieurs ne se rendent pas bien loin!

Clément : Que réponds-tu à ceux qui disent qu’il y a danger que la culture générale soit de plus en plus asservie à l’utilitarisme et au marché dans ce contexte d’une formation plus axée sur les contextes ?

Mario : Les classiques ne sont jamais remplacés par les modes et les savoirs proliférants. Mais si on veut vraiment qu’ils soient autre chose que des récitatifs creux pour épater la galerie, ils doivent aider à faire des liens avec ce que l’élève sait déjà d’une notion. Je n’ai jamais autant parlé d’Aristote et de la maïeutique que depuis que mes élèves utilisent les blogues comme portfolios électroniques. Par les conversations et les questionnements provoqués par la communauté éducative qui fréquentent nos espaces, j’ai la certitude de retrouver les agoras du temps qui faisaient « accoucher les idées »; pourtant, les outils collaboratifs et l’Internet sont essentiellement utilitaires. L’un ne s’oppose pas à l’autre !

Quelques suggestions, pour poursuivre la réflexion :

Québec, 2 août 2005

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1 Commentaire
  1. Photo du profil de temps
    temps 17 années Il y a

    Bonjour,
    L’agora nécessite une disponibilité, fille de vocation qui n’est pas toujours présente dans les facteurs humains. Et même si parfois le cas est présent, cela ne veut pas dire que ce soit pour longtemps. Peut-être que le facteur humain, ou l’air du temps, ou bien même le ressac marin, font que certains hommes sont usés par les variations, par les mises en mémoire de concepts, en d’autres mots par le temps.
    Cordialement,

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