Note : Ce billet a d’abord été publié aux Cahiers Pédagogiques dans la section Le papier du blogueur. Depuis un certain temps, cette publication du Cercle de Recherche et d’Action Pédagogique en France demande chaque mois à un blogueur différent s’il veut bien leur écrire un billet… D’ailleurs, ce n’est pas la première fois que je collabore avec l’équipe de rédaction de ce groupe « autonome vis-à-vis de tout syndicat, de tout parti, de tout ministère » (1, 2, 3).
Apprendre pour mieux enseigner, même après plusieurs années en classe, avec des élèves : ça me parait être l’idéal. Enseigner et cesser d’apprendre, parce que je sais : je constate trop souvent cet état d’âme, comme si demeurer ouvert à apprendre enlevait de la légitimité à l’enseignant, démontrant ainsi qu’il ne sait pas tout. Les enseignants ont-ils cessé de vouloir continuer d’apprendre au moment où ils ont commencé à enseigner ? La question se pose, il me semble. Sinon, comment expliquer autant de résistances à remettre en question leurs pratiques pédagogiques ? Et surtout, comment expliquer autrement le peu de considération pour l’utilisation des leviers que sont les technologies de l’information et des communications ?
Quand on sait qu’à partir du début des années 2000, chaque enseignant pouvait s’informer et trouver des ressources pour parfaire sa formation initiale par internet; quand on sait que les réseaux comme celui d’internet brisent l’isolement et permettent de cesser de réinventer l’eau chaude chacun de son côté, peut-être que les enseignants ne sentent pas leur tâche si lourde. Peut-être que les enseignants ne décodent pas que leurs problèmes de gestion de classe ont souvent tout à voir avec la façon dont les jeunes apprennent hors de leur classe.
Sur le web, avec les blogs, Wikipédia et les autres médias numériques dits « sociaux », la planète internet a rapidement été envahie par tous les contenus générés par des utilisateurs du réseau des réseaux. On peut maintenant affirmer que chaque enseignant qui le souhaite a la capacité d’y prendre sa place. Certains y parviennent via leur blog , leur page Facebook ou leur canal Twitter et sont en contact avec des milliers d’autres enseignants. D’autres ont trouvé dans Sésamath ou aux Cahiers pédagogiques des occasions de se mettre ensemble pour réfléchir, agir en se ralliant autour d’un projet commun.
Reste que l’expérience du numérique demeure anecdotique dans les milieux scolaires, de la maternelle à l’université.
Pour apprivoiser la puissance du numérique, il devient nécessaire d’activer la fonction d’apprenant chez chacun de ceux qui ne sont pas nés avec la présence de cet internet devenu participatif. Sinon, il y a peu de chances de pouvoir seulement apprivoiser le potentiel de ce monde des « petites Poucettes » de Michel Serres condamnées à devenir intelligentes. Sinon, il n’y a aucune chance de constater chez les jeunes d’aujourd’hui qu’ils écrivent et qu’ils lisent davantage que ceux de la génération précédente et que c’est nous, risquant d’être analphabètes numériques, qui perdons toutes ces occasions de se servir de ces situations d’apprentissage pour enseigner. Le virage numérique a si peu à voir avec les enjeux technologiques.
Je le redis : sans culture de l’apprentissage, les enseignants risquent de passer à côté du potentiel du numérique !
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