L’appel à contribution de la deuxième édition d’éduCarnaval est l’occasion pour moi de faire un bilan de mes expériences au contact «de la bête»…
Je n’élaborerai pas beaucoup sur celles vécues à Autrans ; depuis ce voyage en janvier 2004, je suis d’allégeance wikiste ayant découvert au contact de la communauté Crao un puissant levier de construction de sens et de collaboration. J’ai traité abondamment sur ce blogue de l’impact que ce voyage a eu pour moi dans la découverte des vertus des wikis et ma dernière expérience de construction sur le wiki d’Autrans, même si elle n’était pas collaborative sur le plan de mon récit du futur a pu avoir un certain impact collaboratif dans l’élaboration des scénarios pour l’éducation dans dix ans.
Mon premier réflexe après avoir vécu Autrans a été d’aménager un wiki à l’école dont j’étais le directeur. En dehors des usages propres au quotidien de l’école, deux événements se sont construit sur ce wiki : le mini-colloque sur l’utilisation des carnets à des fins d’apprentissages et l’élaboration de «La réforme pour les nuls» qui a conduit au site «Jasons réforme» ont été deux faits d’armes qui m’ont appris jusqu’à quel point l’outil pouvait s’avérer efficace pour construire ensemble sans être au même moment au même endroit; ce billet en témoigne…
Vint ensuite la découverte de Wikipédia. Doucement, lentement, je me suis mis à apprivoiser la démarche au point d’écrire sur ce sujet plus souvent, de collaborer au niveau des articles (très peu quand même), mais surtout, au point d’installer MediaWiki, le moteur wiki sous le capot de l’encyclopédie collaborative. Le projet que nous menons depuis peu dans une école secondaire consiste en l’élaboration d’un dictionnaire biographique. Je remarque déjà que la section discussion en parallèle des articles incite les enseignants à coélaborer bien davantage. C’est un des projets que je pilote ces temps-ci qui me fait vibrer le plus; il me tarde de voir jusqu’à quel point cette communauté éducative «assez traditionnelle» va pouvoir s’ouvrir davantage les uns aux autres par le moyen du wiki et de l’animation jardinière. Wikipédia m’a aussi permis de rencontrer des personnes extraordinaires qui me stimulent beaucoup dans ma quête d’apprendre et de faire apprendre; Patrice Létourneau et Anthere sont sans conteste des sources d’inspiration qui n’ont pas fini de me surprendre et de m’alimenter. Ce projet à l’Externat Saint-Jean-Berchmans n’a pas encore eu d’incidence avec Wikipédia, mais il me prouve combien il faut être patient avant de pouvoir faire en sorte qu’une communauté éducative se mette en marche pour devenir productive autrement que chacun de son côté.
Je ne dis pas cela pour critiquer la vitesse avec laquelle le monde de l’enseignement évolue sur le plan de l’utilisation de ce type de technologie, mais pour nommer que ce n’est pas tout que de se montrer convaincu de son utilité dans le processus d’apprendre et de coconstruire. À la base, je réalise que les enseignants ont peu développé les compétences qui pourraient leur permettre de mieux collaborer. Ils ont appris à s’isoler bien davantage qu’à échanger des points de vue divergents, ils ont appris à se protéger bien davantage qu’à s’affirmer et ils ont développé puissamment les stratégies d’évitement qui alourdissent leur tâche bien plus que celles à base de collaboration avec d’autres qui répartissent sur plusieurs épaules cette même tâche, lourde et si prenante. Et je ne parle pas des mécanismes structurés pour garder le contrôle d’un maximum de choses, de ceux qui les obligent à se considérer comme seuls pourvoyeurs des connaissances à transmettre et enfin, de ceux qui les incitent à juger les erreurs de ceux qu’ils font apprendre comme si c’était les leurs en propre !
Cette semaine, en travaillant avec un wiki, une enseignante s’est risquée à dire devant ses collègues : «Si j’ai bien compris, ça veut dire que n’importe qui passant par là peut changer ce que j’aurai publié et je serai obligé de me justifier chaque fois que je voudrai faire valoir l’à-propos de mon point de vue?» Et combien de fois j’ai entendu «Si je mets ça public, je vais passer pour celle qui veut se vanter ou celle qui ne sait pas travailler; je n’ai pas le choix de garder mes idées pour moi, c’est une question de survie et de respect.» Enfin, je ne parle pas non plus de ce réflexe des enseignants qui travaillent avec les plus vieux du primaire ou du secondaire : « Imaginez que n’importe qui dans l’école copie ce que je fais; les élèves ne seront plus surpris quand ils vont arriver avec moi, ils vont déjà avoir fait ce que je prône et je devrai tout réinventer…» Nous sommes loin de la coupe aux lèvres et pourtant, c’est le fait d’avoir exprimé cela en groupe qui m’a permis à chaque fois d’avancer en ayant «une prise» sur ces résistances. Ce n’est pas quand «ça sort» que j’ai des réels problèmes avec ce genre de commentaire; c’est quand c’est silence et que ça ricane sourire en coin ou que ça boude les bras croisés; là je patine en s’il vous plaît.
Souvent, il est préférable de procéder par étape dans l’exercice de coélaboration. Par exemple, à l’Externat Saint-Jean-Eudes et au Collège du Mont-Sainte-Anne, le wiki nous est bien utile pour travailler à renouveler le projet éducatif et développer une planification stratégique. Mais j’ai dû me résoudre à ne permettre l’accès à la plupart des pages qu’au cercle restreint de quelques collaborateurs ou à la communauté éducative locale. De cette façon, je constate que les éducateurs se sentent «en sécurité» pour exposer leur point de vue même s’ils sont conscients de se priver de l’apport de sources externes qui pourraient enrichir leur exercice. La crainte d’être jugé ou le désir de ne pas divulguer des choses confidentielles l’emportent sur l’ouverture au dialogue et à la coconstruction plus large. Mai je considère que c’est un exploit que de voir doucement grandir le nombre de contributeurs qui se lancent et acceptent d’utiliser le wiki plutôt que de se contenter de discuter dans la salle des profs 😉
J’ai été frappé à un moment de cette année 2004 de lire sur le blogue de Corinne Bourgnon ces paroles sages sur l’esprit wiki :
« Si nous avons chacun un objet
et que nous l’échangeons,
nous aurons chacun un objet.
Si nous avons chacun une idée
et que nous l’échangeons,
nous aurons chacun deux idées. »
J’utilise souvent cette maxime dans mes formations wiki et je suis persuadé qu’avec le temps, le monde scolaire se «wikisera» de plus en plus. Laissons-nous le temps, mais surtout, ne manquons aucune occasion pour expérimenter et faire vivre les grands bonheurs qu’il y a à construire ensemble!
N.B. Tags pour Technorati : wiki
Tags: "Pédagogie et nouvelles technologies"
Te souviens-tu de la discussion que nous avons eu au sujet du regard réflexif que tu portais sur ta pratique? Ben, si tu cherchais le ton qui te permettait de conciclier le regard critique et la posture réservée du professionel que tu es, alors tu l’as trouvé! J’ai eu grand plaisir à te lire. A mon avis, les curricula de formation de maîtres ont grand besoin d’être revus.
Bonjour,
Je suis un visiteur assez récent des sites Mario tout de go et educarnaval, bravo et merci j’y apprends plein de choses; blogueur récent et souhaitant voir un Wiki de plus près , j’ai eu l’idée de m’inscrire à Xwiki, pour essayer de comprendre.Je me permets de vous envoyer ci-dessous le texte du mail que j’ai transmis ce matin au support xwiki; me faisant « jeter de l’appli » à tout bout de champ, j’ai pris un petit coup de sang ; mon mail est peut-être complètement injuste et je vais peut-être le regretter quand jen saurai un peu plus.
A l’occasion, je suis intéressé de connaître votre avis, ainsi que celui de Margarita Pérez-Garcia sur le niveau de mâturité que vous reconnaissez à ces outils, pas au niveau technique, mais dans leur aptitude à bénéficier d’une large diffusion, notamment dans le domaine éducatif
Voici mon mail :
« Bonjour,
Je suis un peu familiarisé avec les blogs puisque je viens de me faire un blog avec Typepad; autant j’ai trouvé avec Typepad une interface utilisateur conviviale , simple , intuitive, autant je suis quand même rebuté au premier abord par l’interface xwiki, et je comprends un peu mieux aussi pourquoi les usages ont du mal à suivre .
J’oserai un premier avis général : à ce stade, ça fait outil développé par des informaticiens pour des informaticiens : les menus sont riches , mais non hiérachisés, la navigation est un vrai maquis, quand on clique sur » Xwiki pour les nuls », on tombe sur un dialogue entre bloggueurs lors d’une soirée, quand on clique sur une question de la FAQ de la Doc utilisateur, on se fait jeter de l’ appli; c’est toujours le même pb avec ces outils techniques, on oublie l’utilisateur . J’imagine que Xwiki est un outil puissant et bien réalisé, mais je vais être très honnête, il ne me semble pas dans son état actuel être prêt pour une diffusion large.
Bon j’arrête mes critiques, vous sollicitez l’avis d’utilisateurs, donc je vous le donne ; le travail n’est peut-être pas si énorme que ça , mais il y a vraiment des choses à faire ; petits détails aussi : le mélange du français et de l’anglais est un peu agaçant, sans parler des fautes d’orthographe un peu fréquentes à mon goût.
Je précise : c’est l’avis de quelqu’un qui n’a pas encore pris le temps de rentrer véritablement dans l’outil , mais justement , la première impression est importante, et c’est un peu comme avec les gens, la première impression est souvent la bonne !
Je vais essayer de prendre du temps pour mieux comprendre l’utilisation, je vous dirai si je m’en sors.
Merci en tous cas d’oeuvrer pour ces outils collaboratifs, personnellement j’y crois
Bonne journée »