N.B. Ce billet fait partie d’une série qui prend son origine de la «couverture» du 6e Colloque Marcel-Rioux.
Le thème du ce Colloque du groupe de la revue Possibles est en parfaite continuité avec le personnage qu’était Marcel Rioux. En accordant plus d’importance à l’action sociale qu’aux structures, les personnes présentes s’offrent une discussion qui veut dépasser le cadre de la réforme de l’éducation présentement en cours d’implantation. Quelques intellectuels, des enseignants de tous les niveaux, des administrateurs d’école et des gens intéressés par les débats en éducation conviennent d’offrir leur après-midi à une recherche de sens dans le contexte des articles parus dans la récente édition de la revue.
Amine Tehami est le premier à s’exprimer. À mon avis, il fait partie de ceux qui sont responsables du fait que plusieurs personnes en éducation croient que la réforme, c’est la pédagogie de la découverte. Il est un des défenseurs les plus ardents de cette façon de faire apprendre. Il maintient qu’il n’est pas mauvais de laisser un peu de côté les savoirs puisqu’ils deviennent rapidement dépassés. L’insistance devrait être mise sur les compétences transversales qui contribuent bien davantage à donner aux apprenants les clés qui leur serviront dans leur cheminement scolaire. Il n’espère rien de la science qui «n’a pas à venir bénir nos choix en éducation». Il demande à ses amis, partisans de la réforme, d’admettre qu’il faudra sacrifier un peu de contenu à la lourde de tâche d’apprendre à apprendre. À ceux qui disent que le débat actuel en éducation est trop axé sur le comment on apprend et pas assez sur le contenu à apprendre, il répond «et puis après»…
Plusieurs personnes sont revenues sur son allégorie de l’éléphant et des aveugles qui lui a fait dire que dans le fond «la bête [de la réforme] n’existe pas» tellement chacun ne l’analyse qu’à partir de son point de vue. Comment s’entendre sur ce que c’est dans ce contexte? Autant Véronique Beaudoin que Jacques Tondreau ont exprimé des réserves, des malaises et pointé des opportunités à partir de ce qu’ils décodent de la réforme. Parfois, l’écriture du programme et l’approche par compétence créent plus de confusion que n’offrent d’avantages aux enseignants; souvent, on oublie par contre de reconnaître que tout le chantier qui a suivi les États généraux sur l’éducation a apporté de bien beaux acquis comme la maternelle à temps plein pour les cinq ans, l’augmentation de l’autonomie des écoles et un meilleur souci de l’égalité des chances même si beaucoup reste à faire de ce côté. Mme Beaudoin qui enseigne au primaire mentionne qu’elle arrive à repérer dans le programme les savoirs, mais ils sont pêle-mêle et le fait de ne pas avoir de hiarchisation, tend à rendre l’enseignement «plate» (c’est le terme qu’elle a employé). Elle a quand même mentionné que les enseignants avaient la fâcheuse manie de trop se fier aux manuels; c’est déjà ça de pris.
Sur le volet des dérives, plusieurs intervenants ont mentionné que la réforme a vécu un détournement de sens passant de celle des programmes à celle de la pédagogie. Jacques Tondreau croit que «réforme ou non, il y aura toujours plus de diversification dans les approches parce que les enseignants sont des professionnels». Mais il pose la question : «Pourquoi avoir mis autant d’emphase sur les méthodes pédagogiques? Éric Bédard avait une réponse toute prête : «La mission de l’école est trop centrée sur le comment on doit transmettre et pas assez sur le contenu.» Son propos est assez bien résumé dans cet article paru récemment au Devoir; il est venu nous présenter lors de son allocution l’essentiel des revendications du Collectif pour une Éducation de Qualité. Admettant d’entrée de jeu que «ce n’est pas à la science de décider ce qui est enseigné, mais au politique», il n’a pas repris les arguments de son collègue du CEQ, Normand Baillargeon, que je m’attendais à rencontrer au Colloque; j’étais préparé à réagir, mais j’ai remis mes arguments dans mes poches puisqu’aucun panelliste n’a repris les propos de son article dans Possibles.
La deuxième partie de la journée a mis à l’avant-plan des personnes qui ont beaucoup captivé l’auditoire. En particulier Guy Bourgeault et Céline Saint-Pierre. Cette dernière avait conclu la première moitié en mentionnant que le recours à la rigueur était un des voeux de la fin de la démarche des États généraux et que nous aurions peut-être avantage à revisiter toute la documentation de cette période incluant les travaux de Paul Inchauspé. Je reviendrai dans d’autres billets sur les propos de M. Bourgeault et sur un aspect de l’intervention de Mme Dubé, l’autre intervenante de ce panel. Disons simplement que le thème des «orientations pour l’avenir» tournait beaucoup autour du besoin de valoriser davantage le cadre d’exercice de l’enseignant et de ragaillardir l’éducation comme bien public accessible de tous. On a même parlé de découvrir (pas REdécouvrir) l’école publique. Dans le sens que l’école d’hier (celle dirigée par le clergé) et celle d’aujourd’hui (trop orienté sur l’organisation du travail) avec ses deux réseaux n’est toujours pas PUBLIQUE. Beaucoup d’intervenants ont mentionné que trop de personnes (de jeunes en particulier) sont laissées pour contre dans le système d’éducation actuel. Mme Saint-Pierre a proposé de mettre un peu plus l’accent sur l’évaluation institutionnelle, sur les résultats des expériences d’expérimentation en cours et sur le rôle de «passeur culturel», grands oubliés des préoccupations du MELS, des médias et de la société en général.
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Bravo pour ce billet, Mario. Bien que j’ai manqué les interventions qui ont précédé celle de madame Beaudoin, ton résumé des présentations et des échanges me paraît excellent.