J’évoquais hier le passage à Lévis de M. Legault et une rencontre en préparation entre lui et moi, ce midi. J’ai commencé à écrire ce billet au sortir de la rencontre… mais la publication d’une vidéo résumant le contenu de nos échanges a suscité plusieurs commentaires sur Twitter et j’ai laissé en friche l’écriture de ce texte, le temps de mieux m’engager dans la conversation. J’y reviens, maintenant que c’est plus calme.
Nous avons discuté une bonne heure M. Legault et moi. Sujet principal : l’éducation. Nous avons abordé de façon plus pointue la gouvernance scolaire, l’école autonome et responsable puis les façons de rétablir un peu de démocratie scolaire en éducation. Le domaine de la culture en général et l’utilisation du Web participatif en politique ont aussi fait partie de nos discussions. J’aurai beaucoup de matériel à bloguer dans les prochains jours…
J’ai posé beaucoup de questions à M. Legault, mais il en avait plusieurs pour moi. Bref, c’était l’occasion de faire connaissance et d’échanger des points de vue autant que des expériences de vie issues de nos milieux respectifs.
Comment qualifier nos échanges ?
Intense… je dirais.
Le courant a tellement bien passé que l’offre de «ramasser» le contenu de nos discussions à l’intérieur d’une courte vidéo a été spontanément acceptée par le numéro un de la Coalition pour l’avenir du Québec. L’idée était de s’adresser directement aux enseignants… Je salue l’audace de François Legault à participer à ce genre d’exercice puisque dans un seul plan-séquence, il a su témoigner de l’essentiel de ce qui était à retenir de ce qu’on s’était dit : ouverture à discuter des propositions de la Coalition en éducation!
Je reviendrai plus tard sur plusieurs autres sujets de discussion à l’occasion de notre rencontre, mais je tiens à court terme à noter l’importance de la question de l’évaluation des enseignants qui ressort des commentaires reçus depuis qu’il en est question par le truchement des propositions de la Coalition. Je notais en début de mai la richesse des points de vue s’exprimant sur Internet qui témoigne que le sujet de l’évaluation de leur travail intéresse les enseignants. Je crois avoir convaincu M. Legault de regarder de plus près deux aspects du «comment» et du «quoi» évaluer. Si je ne ressens pas de remise en question du rôle central que doit jouer le directeur d’école dans le processus, j’ai fait valoir qu’il ne pouvait être le seul «acteur». Dès le lancement de la Coalition, M. Legault nous invitait à discuter de cet aspect des choses de toute façon. En cela, je vois le rôle crucial que pourrait jouer un Ordre professionnel pour les enseignants et j’ai été heureux que M. Legault se montre ouvert à la discussion sur la base de cette proposition. Chacun qui est familier avec ma démarche sur ce blogue sait que je documente l’hypothèse de la mise en place d’un Ordre professionnel pour les enseignants à l’aide de travaux que me proposent René Larouche un professeur retraité, docteur en sociologie et spécialiste de l’analyse systémique – l’un de ses principaux champs d’intérêt étant la sociologie des professions. Il me faisait parvenir d’autres documents récemment et je me donne d’ici l’automne pour les mettre en forme de façon à pouvoir les publier ici.
Si je reviens au «comment» évaluer, je sais que M. Legault a été très «à l’écoute» de ma perception à l’effet que pour le moment, un lien trop étroit entre les résultats scolaires des élèves et l’évaluation du rendement d’un enseignant est identifié par de nombreux intervenants et prête flanc à un jugement aux teintes d’injustice. Je crois que sur cet aspect des choses autant que sur le «quoi» évaluer, il y aurait lieu de recueillir par le biais des commentaires des avis intéressés. On ne part pas de rien… faut-il le mentionner. Un enseignant compétent (voir la section sur «Le référentiel de compétences professionnelles de la profession enseignante»), un bon prof… le sujet est documenté!
Je m’arrête ici pour ce soir. On aura compris que pour moi, c’est un peu le début d’une aventure en politique active et militante. J’ai accepté de «donner un coup de main» à la Coalition et je ne le ferai pas du bout des doigts. Je compte m’impliquer activement… En même temps, c’est un peu/beaucoup M. Legault qui décidera du niveau de mes engagements futurs. Je lui ai fait part de ma volonté de contribuer tout en conservant ma «condition» d’électron libre (dans le sens que je ne me cherche pas une nouvelle «job», nécessairement. Pour paraphraser quelqu’un qui passe souvent sur ce blogue, «je veux bien servir en politique pour faire avancer l’éducation (dans un projet de société), mais je demeure vigilant à ce qu’on ne se serve pas de l’éducation pour faire de la politique». Mes premiers contacts avec M. Legault et les personnes qui l’entourent me rendent extrêmement enthousiastes, sur ce point. À l’usage, en prenant connaissance de tout ce que j’ai écrit ici sur ces sujets (écoles publiques autonomes, par exemple) et de ce que je continuerai d’écrire et d’animer et d’apporter tout sujets confondus… on verra où ça me mènera! En même temps, tous ceux qui me connaissent savent que je sais être un bon gars d’équipe.
À suivre…
Mise à jour du 17 juin : Des jeunes du secondaire s’expriment sur le sujet de ce billet; j’apprécie énormément leur contribution rédigé avec sérieux. Bravo ! Ah oui… j’oubliais. Nous avons eu un échange assez corsé sur Twitter, quelques internautes, moi et un représentant du syndicat FSE-CSQ. Sous l’hyperlien suivant, retrouvez un document qui rassemble les réparties.
Mise à jour du 18 juin : Pour une sorte de suite à ce billet, lire «Je nous souhaite une belle aventure».
Mise à jour du 21 juin : Lyne Robichaud publie une lettre ouverte adressée à M. Legault, «La philosophie du gouvernement ouvert».
Mise à jour du 11 mars 2012 : Une annonce aujourd’hui… la création d’un Ordre professionnel pour les enseignantes et les enseignants sous un gouvernement Coalition Avenir Québec.
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Au-delà du sujet de l’évaluation des enseignants, il faut reconnaître cette belle initiative, tant de la part de Legault que de Mario, de collaboration entre un politicien et un éducateur qui possède une longue expérience de terrain, blogueur de surcroît. On ne voit pas ça souvent. J’y trouve des éléments de wirearchy. Mes compliments à tous les deux pour l’audace.
À en juger par la Twittactivité, ce sujet aiguise les plumes. On évitera sans doute un flot d’encre en précisant d’emblée la finalité de cette mesure proposée par la CAQ. Car avant de parler du ‘quoi’, du ‘qui’ ou du ‘comment’, convenons du ‘pour quoi’. On gagnera, espérons-le, à dissiper l’impression, partagée par plusieurs, que le but consiste principalement à se débarrasser des enseignants incompétents.
Il ne sera pas facile, par ailleurs, de justifier, si tel est le cas, une évaluation qui ne porte que sur les enseignants, et non sur tous les professionnels de l’éducation.
Enfin, sur la question du ‘comment’, je suis curieux de voir ce que l’on proposera pour éviter que l’école québécoise s’enlise dans un autre système évaluation qui grève déjà l’enseignement.
Pourquoi évaluer les profs? Parce qu’enseigner, c’est aussi apprendre. Comment enseigner, si soi-même, on a fini d’apprendre? Des évaluations individuelles permettraient d’accompagner, de reconnaître, de baliser le parcours de l’enseignant, de mieux soutenir ses efforts en constatant de visu tout ce qui est requis pour que ça fonctionne dans une classe. Toutefois, une telle démarche n’est valable que si elle est bien faite, de manière impartiale et constructive. Par exemple, comment tenir compte de la diversité des approches? Il faudra des évaluateurs extrêmement spécialisés et compétents.
Honnêtement, je ne vois pas avec quelles ressources les institutions pourraient arriver à bien relever ce défi supplémentaire. Et si ces ressources existaient, je pense qu’elles seraient sans doute mieux utilisées autrement. Donc, oui, l’évaluation est une approche intéressante, mais l’évaluation individuelle de chaque enseignant n’est pas la première chose à faire, d’un point de vue pratique. Je commencerais peut-être avec des outils d’autoévaluation en libre-service, des mesures de soutien facilitant et reconnaissant (dans la tâche…) l’innovation et à la collaboration entre pairs par exemple.
Merci Mario pour cet espace de discussion et ces interactions privilégiées avec un acteur de changements au niveau politique!
Toute une annonce ça Mario ! En autant qu’on ne servira pas du gars qui fait de la politique pour faire avancer l’éducation pour faire de la politique avec… T’as vu Serpico ? http://fr.wikipedia.org/wiki/Serpico
Mon cher Mario,
Bravo pour ce projet et bonne route en politique! Je m’attendais à ce que la piqure de la politique te rejoigne un jour…c’est maintenant fait!
Un homme aussi engagé que toi ne pourra certes pas nous décevoir et je demeure fier de t’avoir eu comme collègue pendant plusieurs années.
Félicitations pour tes deux garçons et mes salutations à ta conjointe.
ps Mon projet de maîtrise tire à sa fin et je songe au doctorat…à 68 ans! Cela me tient jeune.
Au moins une province canadienne évalue ses enseignants, je crois (le Nouveau-Brunswick?). Il pourrait être intéressant de voir ce qui se fait ailleurs.
Mario,
Tes billets laissaient pressentir ce saut depuis un bon moment. Je pense que tu peux aider à faire avancer le monde de l’éducation par tes idées, ton expérience, ton réseautage et ton engagement… Pour l’ordre professionnel: discussion intéressante à poursuivre et à suivre.
Carole
Merci à chacun de vous…
@François : Dans la foulée de ton questionnement du ‘pour quoi’, je suis enclin à ajouter le besoin de clarifier clarifier si on veut proposer de faire à la CAQ une évaluation des ENSEIGNANTS ou une évaluation des ENSEIGNEMENTS. Cette suggestion d’un copain qui m’a écrit par courriel me paraît importante pour la suite des choses.
@Jules : Je compte beaucoup sur les directions d’école pour assurer le leadership de cette opération. Aussi, je vous confirme que cet espace de discussion qu’est devenu mon blogue au fil du temps restera ouvert au «interactions privilégiées». J’espère qu’il sera lu par un maximum «d’acteurs de changements au niveau politique» 😉
@Marc : Je n’ai pas vu Serpico, mais je sens que ça pourrait être instructif – et distrayant – de le visionner cet été… Sérieusement, M. Legault sait que j’entre en politique militante sans «rien devoir à personne». Je vais essayer de maintenir cette condition tout en me montrant le meilleur gars d’équipe possible !
@Guy : Je pense souvent à toi Guy. J’en discutais dernièrement avec Serge qui te lit quand tu écris ici et c’est toujours un grand plaisir de te savoir empathique avec mes projets. Je sais que toi, tu n’es pas surpris de mon «plongeon»…
@Luc : Je crois que tu as raison… Je lis souvent chez Roberto qu’il agit en ce sens au N.-B. Je vais lui demander plus de détails.
@Carole : Tes bonnes paroles me touchent beaucoup…
J’ai finalement pu lire ton billet et écouter la vidéo ce matin. Dans l’ensemble, rien de bien neuf de ton côté. On connaissait déjà tes opinions. J’en partage la majorité. Qu’un politicien écoute des gens de l’enseignement et semble essayer de comprendre leur point de vue, ça c’est plus unique. Disons que nous n’avons pas été gâtés récemment sur le plan de l’écoute et de la discussion.
Durant la vidéo, j’ai eu un petit malaise… J’aime bien l’idée d’impliquer la direction dans l’évaluation des enseignants, mais il faudra qu’ils soient présents dans l’école, qu’ils participent à la vie de l’école. Dans bien des milieux, ce n’est pas le cas. Je connais personnellement des directrices qui sont responsables de deux écoles situées à 30 minutes l’une de l’autre et dans lesquelles il n’y a même pas toujours une secrétaire. Dois-je vous dire qu’elles sont occupées! Bref, je crois qu’il faudra peut-être revoir les charges administratives des directions ou le soutien qu’on offre à l’équipe pédagogique de chaque école. C’est donc des changements en profondeur…
Patrick: dans le genre d’école semi-autonome proposée par la coalition et la cure-minceur prévue pour les CS, il est évident que le temps consacré par les directions des écoles aux tâches administratives ne feront qu’aller croissant, laissant inévitablement moins de temps pour les tâches de nature pédagogique. Le temps, ne peut s’étirer. Ce qui entre difficilement dans 45 heures continuera à entrer difficilement dans 45 heures. Évidemment on va nous ramener l’exemple édifiant des établissements privés. Mais ce sont des choses qui se comparent bien mal. Tiens, j’ai le goût d’une grosse image. Si on était en médecine, ce serait comme comparer, toutes choses étant par ailleurs égales, le Dr Julien qui travaille sur le terrain en milieu défavorisé et le Dr Papillon qui remonte des visages et installe des implants. La notion d’urgence n’est pas la même. Une shot de botox, ça se repousse dans le temps. S’occuper d’un enfant en détresse, non. (je sens que je vais en entendre parler de celle-là, mais je vais vivre avec…)
Dans le rapport McKinsey – Les clés de l’amélioration des systèmes scolaires – qui a analysé plus de 20 systèmes scolaires dans le monde et en a ressorti les caractéristiques d’efficacité malgré les différences culturelles et socio-économiques :
«La clé de l’amélioration réside principalement dans les pratiques pédagogiques et la transmission des savoir-faire entre les enseignants sur le terrain, ainsi que dans l’accroissement des marges de manoeuvre laissées aux structures régionales et aux établissements.»
«La majorité des éléments des réformes mises en oeuvre visaient à accompagner les enseignants dans l’amélioration de leurs pratiques éducatives, alors que 3% seulement visaient à contrôler ces pratiques.»
«Plus le niveau de performance des systèmes est élevé, plus les marges de manoeuvre laissées au terrain doivent être grandes.»
Il semble donc que l’autonomie des établissements soient un facteur important… mais que l’évaluation ne le soit pas; que les communications entre professeurs soient stratégiques mais que les ressources le soient moins. L’autonomie et le contrôle de son activité sont des facteurs de motivation fondamentaux.
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